En amont de la COP 21, la Fondation Nicolas Hulot publie son analyse et ses attentes pour cette 21ème conférence de négociation internationale sur le climat. L'objectif de ce document : aider journalistes, citoyens et décideurs à décrypter ce qui sortira de l'accord.
Retrouvez notre analyse de l'accord publié ce samedi 12 décembre ici >>
Nous avions imaginé une COP21 lumineuse et festive. Le terrible contexte nous impose la gravité et la réussite. Les chefs d’Etat ont la possibilité d’entrer dans l’histoire en engageant le monde dans une réponse collective à la hauteur du défi climatique. L’action sur le climat est plus que jamais nécessaire. C’est un gage de solidarité entre les peuples - les populations les plus vulnérables subissent les pires conséquences et pour le futur, un gage de stabilité et de paix.
Bien sûr, l’accord de Paris ne réglera pas tout. Mais il pourrait être un vrai tournant, le début d’un engagement mondial, l’espoir d’un avenir meilleur. Il obligera aussi les responsables politiques à une plus grande cohérence entre les discours et les actes, entre les ambitions affichées et les politiques (économiques, financières, énergétiques, agricoles…) réellement mises en place. A ce titre, les contributions déterminées au niveau national (INDC)1 rendues pour la première fois par les Etats avant le sommet de Paris sont une réelle avancée
La dernière session de négociation à Bonn (19 au 23 octobre 2015) a été difficile. La confiance entre les parties et les groupes de pays reste fragile. Un projet de texte, certes imparfait, est cependant sur la table.
Si le texte est relativement long (35 pages pour l’accord lui-même, 20 pages pour la décision d’application qui l’accompagne), c’est surtout parce que de nombreuses options sont indiquées et restent à trancher. Au total, on dénombre sur ces deux textes encore plus de 200 options et plus de 1200 expressions ou phrases « entre crochets », c’est-à-dire qui sont encore soumises à discussion et choix.
Sur les points essentiels, le texte laisse encore la porte à des options très différentes (parfois jusqu’à 4 voire 5) allant d’une faible ambition pour certaines à une forte ambition pour d’autres. Par exemple, sur le prix du carbone, le préambule pourrait indiquer que « les pays reconnaissent que le prix du carbone est un outil important » ou rester muet sur ce point. Idem sur les « pertes et dommages » dont le paragraphe a bien progressé, avec une référence au mécanisme international de Varsovie lancé lors de la COP19 en 2013, cependant il reste mis en face d’une option où cette notion n’est même pas évoquée.
Les blocages imposés par certains pays semblent presque inconcevables voir indécents : par exemple, les énergies renouvelables ne sont pas citées une seule fois dans le texte alors même qu’elles sont une des principales solutions mises en œuvre dans les INDC et que, par ailleurs, 160 pays ont déjà fixés, dans leurs politiques nationales, des objectifs chiffrés sur leur développement. Par ailleurs, les négociateurs perdent du temps sur des points qui devraient pourtant être dans l’accord comme des évidences : la référence aux droits humains fondamentaux, à la sécurité alimentaire, à une meilleure participation, des représentants de la société civile aux décisions. Rappelons que l’accord ne sera pas le seul engagement de Paris 2015. L’ « Alliance de Paris pour le climat » comprendra l’accord lui-même, les INDC, les décisions sur le financement et l’agenda des solutions.
Les acquis de la Pré-COP doivent être actés
La pré-COP a réuni plus de 70 délégations du 8 au 10 novembre 2015. L’objectif n’était pas de continuer à travailler le texte d’accord ligne par ligne (ce qui recommencera à Paris), mais d’esquisser des compromis. Voici de nouvelles avancées :
- Sur les financements : les 100 Mds$/an des pays développés sont vus comme un minimum pour l'après 2020 qu’il faudra augmenter régulièrement. Le financement de l’adaptation est enfin une priorité affichée avec le souhait d'augmenter considérablement les financements dédiés avant même 2020 (notamment avec de l’argent public sous forme de dons).
- Sur l’ambition : le bilan des INDC tous les 5 ans semble acquis, ainsi que le principe d'une révision des contributions toujours à la hausse, que de nombreux pays souhaitent voir débuter dès 2018, mais en conservant un processus non-contraignant.
Par contre, quasiment aucune avancée ne s’est concrétisée sur la question du prix du carbone. Cela restera donc un point dur des négociations à Paris, d’autant que le G20 a lui aussi fait du surplace sur cette question.
Les quatre points clés de l'accord de Paris
Pour la FNH, les quatre points les plus importants de l’accord (et de l’alliance) de Paris sont :
1. La révision à la hausse des engagements nationaux tous les 5 ans avec une première révision avant 2020 : Plus tôt les Etats révisent à la hausse leur INDC, plus grandes seront les chances de limiter le réchauffement, et plus le scénario de transition sera efficient pour l'économie
2. La mobilisation des financements publics post-2020 avec une focalisation sur l’augmentation des financements pour l’adaptation des pays les plus vulnérables : Nous souhaitons que soit inscrit dans l’accord le principe d’une révision régulière des financements climat des pays développés vers le Sud, avec les 100 Md$ comme plancher et la reconnaissance des financements Sud/Sud en invitant les pays du Sud qui le peuvent, à contribuer. Rappelons que la Chine s’est engagée à mettre 3,1 Md$ sur la table.
3. La mention dans l’accord d’une recommandation sur le prix des émissions de gaz à effet de serre et notamment sur le carbone. Il y a des options dans le texte de Bonn qui vont dans ce sens et pourraient être précisées. En marge de l’accord, d'autres pays pourraient s’engager volontairement à faire de même sans viser un prix unique, mais plutôt un corridor carbone. Le jour de l’ouverture de la COP, un panel sur le prix du carbone rassemblera notamment les chefs d’Etat Obama, Jinping, Merkel et Hollande ; l’occasion idéale pour avancer sur cette question.
4. Une place donnée à l’adaptation plus importante dans l'accord, égale à l’atténuation, un objectif ainsi que des dispositifs de financement spécifique. L’adaptation deviendrait ainsi une priorité assumée et nous devrions pouvoir nous donner pour objectif, d’atteindre plus de 30 Md$/an pour l’adaptation en 2020.
Si un accord est acté à la COP21, comment savoir s'il est insuffisant, a minima, acceptable, bon ou ambitieux?
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