LOA et PPL “Duplomb” : Les décideurs politiques vont-ils continuer à céder aux sirènes productivistes ou enfin se ressaisir et offrir de réelles perspectives aux agriculteurs ?
Pour « lever les contraintes des agriculteurs » et « assurer la souveraineté alimentaire », deux textes sont actuellement étudiés au Sénat : la Loi d’Orientation Agricole et la proposition de loi sénatoriale, dite “PPL Duplomb”. Pourvus des mêmes rapporteurs, ces textes entendent répondre aux difficultés des agriculteurs par des mesures axées sur les reculs environnementaux et l’intensification de l’agriculture française. L’année écoulée montre pourtant à quel point les réponses apportées ne répondent en rien aux problématiques. Il est encore temps de changer de voie. Nos travaux démontrent clairement que “sauver” les agriculteurs passera par un meilleur partage de la valeur et un cap clair vers l’agroécologie.
Pourquoi les deux textes actuellement au Sénat ne répondent pas aux enjeux auxquels font face les agriculteurs ?
1- Parce la PPL Duplomb rend inatteignable l’objectif de la LOA :
D’un côté, nous avons la LOA (loi d'orientation agricole) qui ambitionne d’enrayer le déclin du nombre d’exploitations. De l’autre, nous avons la “PPL Duplomb” qui porte la réautorisation des pesticides néonicotinoïdes, mortels pour les pollinisateurs, et vise à simplifier la construction d’élevages intensifs. Pourtant, intensifier l’agriculture aura pour conséquence de réduire davantage le nombre d’exploitations et d’agriculteurs. Cela rendra d’autant plus inaccessible économiquement l’installation des nouvelles générations d’agriculteurs, dans des exploitations de plus grande taille. Les propositions de la PPL Duplomb rendent donc impossible l’atteinte de 500 000 agriculteurs et 400 000 exploitations d’ici 2035, comme revendiqué dans la LOA.
2- Parce que l’horizon promis d’une augmentation de la production, grâce à une simplification des normes environnementales, est un mirage.
En effet, les agriculteurs français et européens font face à une stagnation, voire une baisse des rendements à cause du changement climatique et de l’érosion de la qualité des sols. À l’inverse, les avancées environnementales permettront de garantir à l’agriculture sa capacité de produire, grâce à la biodiversité et à ses services rendus, à rebours des récents arbitrages sur la suppression de l’obligation de préserver les espaces semi-naturels (haies, mares, bosquets etc.) pour bénéficier des fonds de la PAC.
“Loin de répondre à ces enjeux et en s’accompagnant, en outre, de la remise en cause systématique du travail d’agences clés comme l’ANSES, l’OFB ou l’Agence Bio, ces textes ne proposent aucune réponse systémique. Pire, une grande partie des mesures portées aura des conséquences en cascade, souvent irréversibles, et qui toucheront en premier lieu les agriculteurs qui continueront à voir leur nombre baisser et leur vulnérabilité s'accroître.”
Pour enrayer la disparition des agriculteurs et enclencher la transition agroécologique, il faut répondre à 4 enjeux clés :
Le diagnostic de la Fondation pour la Nature et l’Homme reste le même depuis le début de la crise qui traverse le monde agricole, il y a plus d’un an. Pour sortir de l’impasse, il est indispensable de :
- Mieux répartir la valeur au sein des filières agricoles : cette dernière est de plus en plus inéquitable pour les agriculteurs, au profit des industriels et distributeurs.
- Flécher les soutiens financiers (subventions PAC et fiscalité agricole) vers les agriculteurs aux revenus les plus faibles. Cela est d'autant plus important dans un contexte d’inégalités fortes entre agriculteurs.
- Répondre aux défis liés à la transmission des exploitations en prenant le chemin inverse du modèle conventionnel et de la concentration des exploitations.
- Donner un cap clair à l'agriculture, cohérent avec les objectifs fixés collectivement (Ecophyto, Plan protéines, etc.) et qui assure la résilience du secteur.
La majorité des agriculteurs reconnaissent que la transition de l’agriculture est une nécessité (62%) et soulignent un contexte économique préoccupant (52%). Saisissons donc la chance que nous offre la séquence législative actuelle et répondons, enfin, à ces revendications qui conditionnent l’avenir de toute une profession, mais aussi notre avenir à tous !
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