L’objectif de l’Accord de Paris, signé à la COP21 fin 2015, est de limiter la hausse des températures bien en dessous de 2°C. Respecter cet accord donnerait la possibilité à chacun de vivre dans un environnement sain de manière pérenne. En effet, le dérèglement climatique est une réalité (fonte des glaces, assèchement des terres, augmentation du niveau de la mer, pollution) et contraint déjà certaines populations à quitter leur terre d’origine. Il est urgent d’aider ces premières victimes de la hausse des températures à s’adapter au changement climatique et de proposer des solutions respectueuses de l’environnement pour construire ensemble le monde de demain. A l’occasion de la COP22, la Fondation Nicolas Hulot vous fait part de ses impressions, de ses rencontres et de ses analyses sur les avancées (ou les reculs) des mécanismes mis en place pour protéger les Hommes.
Mercredi 16 novembre: à la rencontre d'agriculteurs marocains
par Alix mazounie, chargée des relations extérieurs
Hier, j’ai eu la chance de rencontrer des petits agriculteurs du Maroc et d’Afrique subsaharienne. Après une journée épuisante à la COP22 où je découvrais que les enjeux agricoles n’étaient toujours pas inscrits au coeur de l’accord de Paris, cette rencontre m’a rassurée. Ces agriculteurs sont aux 1ères lignes de la crise climatique mais aussi aux 1ères lignes des solutions pour y faire face. Ca tombe bien: 500 millions de petits agriculteurs représentent près de 40 % de l'emploi mondial et produisent 3⁄4 de la production agricole dans le monde.
Les agriculteurs marocains nous ont raconté comment la vague de chaleur exceptionnelle l’été dernier avait directement frappé les exploitations agricoles et induits la perte de près de 15 000 emplois agricoles au cours du second trimestre. Ils nous ont expliqué comment l’agriculture représente 15 à 20% du PIB annuel et permet à 50% de la population marocaine d’en vivre. Ils nous ont alerté sur l’intensification des sécheresses au cours des dernières décennies et du stress hydrique auquel ils sont déjà confrontés et auquel ils doivent se préparer car les précipitations pourraient diminuer de 40%. Dans une zone semi-aride, ce stress hydrique menacera la survie des récoltes et des populations. Quand nous leur avons demandé de quoi ils avaient le plus besoin, ils nous ont répondu en choeur: de l’eau, de l’eau, de l’eau.
Heureusement, ils ne se laissent pas abattre par ces scénarios et statistiques. Ces petits exploitants sont déjà à l’oeuvre pour trouver des solutions, s’organiser autrement. Ils et elles se rassemblent en coopératives. Les femmes m’ont impressionné: elles sont les premières à rassembler leurs ressources, leurs terres et leurs récoltes, à miser sur l’intelligence collective et sur le partage des risques et des bénéfices. Ces agriculteurs s’appuient sur les systèmes d’alertes précoces qui permettent d’anticiper les évènements extrêmes, ils souscrivent à des assurances. Mais surtout, ils adaptent leurs pratiques agricoles: ce qu’on appelle des pratiques agricoles innovantes sont souvent des pratiques anciennes voire ancestrales: des méthodes d’irrigation goutte à goutte, la récupération des eaux de pluie, les systèmes de digues en terre, le compost issu de l’élevage qui vient nourrir la terre et la protéger des pluies diluviennes ou du soleil trop intense. Une des coopératives de femmes a décidé de miser sur le cactus - habitué aux journées chaudes et aux nuits froides du désert, peu consommateur d’eau. A partir de ces plantations de cactus, elles récupèrent tout: y compris le fruit et la racine pour en faire des semoules de couscous.
Ces bonnes nouvelles, il y en a par milliers autour de la COP. Seulement, elles sont racontées et présentées à l’extérieur des espaces officiels et des salles climatisées où se joue le destin de l’humanité. Si les négociateurs savaient à quel point les petits agriculteurs connaissent leurs terres, savent la protéger tout en cultivant de quoi nourrir la planète, l’agriculture figurerait au coeur de l’accord de Paris, les financements couleraient à flot pour les aider à aller plus loin et plus vite. Mais ces millions de voix sont étouffées dans le brouhaha et sous le poids de ceux qui prônent un modèle agricole intensif en pesticides et en engrais chimique, des espèces génétiquement modifiées au nom de l’adaptation aux changements climatiques et tuent à petit feu l’agriculture familiale, créatrice d’emploi, protectrice des sols et de la biodiversité.
Heureusement, ces énergies positives s’additionnent peu à peu pour faire entendre leurs voix et leurs solutions. J’espère qu’un jour, c’est eux qui viendront négocier les décisions qui sous-tendront l’accord de Paris.
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