Alors qu’au mois de juillet 2019, une hausse globale des températures du globe de 1,2 C° (par rapport à l’ère pré-industrielle -1900) a été enregistrée, le GIEC sort un nouveau rapport alarmant sur le rôle des terres dans la crise climatique : usages intensifiés pour l’agriculture, artificialisation et dégradation des sols et déforestation. Les terres sont à la fois sources du dérèglement climatique et solutions au problème. 1200 pages pour un constat sans appel : pour contenir l’augmentation des températures mondiales en-dessous de 2°C, nous devons impérativement changer notre système agricole et alimentaire, destructeur de nature et émetteur de gaz à effet de serre et protéger nos terres. La gestion et l’utilisation des terres actuellement en vigueur dans le monde n’est tout simplement plus tenable pour l’humanité et les écosystèmes. Voici les grandes conclusions du rapport...
L’état des lieux chiffré du GIEC sur les impacts de l’usage des sols sur le climat est implacable.
Notre système agricole et alimentaire génère 1/3 des émissions de gaz à effet de serre mondiales, dont 50% des émissions de méthane proviennent de l’élevage :
- 23% des émissions de gaz à effet de serre mondiales proviennent de l’usage des sols par des activités humaines telles que les activités agricoles et forestières.
- 8% des émissions de gaz à effet de serre mondiales sont dues aux gaspillages et aux pertes de nourriture, qui représentent entre 25% et 30% de la production annuelle pour la consommation humaine. Ces gaspillages totalisent un coût de 1 000 milliards de dollars par an.
- Les activités humaines utilisent 70% des terres émergées.
- Les activités humaines utilisent 70% de l’eau douce de la planète.
- L'approvisionnement en huiles végétales et viande a plus que doublé depuis 1961 et l'approvisionnement en alimentation (calories per capita) a augmenté d'1/3.
- 2 milliards d’adultes sont en surpoids ou obèses.
- 820 millions de personnes souffrent de la faim.
- 500 millions de personnes vivent dans des zones touchées par la désertification.
- L’érosion des sols est en forte hausse, ainsi que la diminution de la matière organique des sols, ce qui entraîne une véritable stérilisation des terres.
La capacité de puits de carbone de la végétation et des sols remise en cause.
D’autre part, alors que la séquestration du carbone par la végétation ou les sols est perçue comme une solution phare pour lutter contre le dérèglement climatique, le rapport du GIEC nous interpelle. La capacité de puits de carbone des terres est en réalité difficile à déterminer. Ainsi, avec l’accentuation du dérèglement climatique, certaines forêts ou sols puits de carbone aujourd’hui, peuvent devenir émetteurs de CO2 demain. Cela serait déjà le cas, avec certaines forêts tropicales comme l’indique le journal Le Monde.
Le GIEC avertit : la poursuite de la croissance démographique et de nos modèles socio-économiques actuels rendront la situation encore plus catastrophique.
¼ de nos des terres sont déjà dégradées par l’être humain. La façon dont nous produisons et nous mangeons contribue à la perte d’écosystèmes et au déclin de la biodiversité en plus de participer à la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Cette dégradation des terres, nous rappelle le GIEC, réduit leur capacité à stocker du carbone, ce qui aggrave le dérèglement climatique et affecte négativement les rendements agricoles (déjà observé sur les cultures de maïs, blé ou encore betterave à sucre) et donc la sécurité alimentaire. Si l’on poursuit avec la croissance démographique et le système actuels, la hausse des émissions de gaz à effet de serre ne fera que s’aggraver.
En retour, le dérèglement climatique amplifie la dégradation des sols par la hausse de l’intensité des précipitations, des inondations, de la fréquence et l’intensité des sécheresses, le stress thermique, les vents, l’élévation du niveau de la mer et l’action des vagues.
Les préconisations du GIEC : changer le système agricole et alimentaire mondial pour limiter l’emballement climatique et protéger nos vies.
Le rapport préconise que les changements de politiques publiques et un « développement socio-économique permettant de mettre l’accent sur la durabilité» permettraient d’assurer un maintien du réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport à 1900 (seuil au-dessus duquel le risque d’emballement climatique est important). Cela correspond à des trajectoires de maitrîse de la croissance démographique, de réduction des inégalités, d'une meilleure nutrition et d'une diminution du gaspillage alimentaire.
Le rapport cible entre autres :
- D’en finir avec l’agriculture industrielle et de promouvoir un système agricole et forestier durable (agroécologique, agroforesterie, rotation de cultures, agriculture biologique, etc.).
- Se tourner vers des régimes alimentaires sains à base de plantes et de végétaux (végétariens et végétaliens) basés sur les céréales secondaires (orge, avoine, seigle, etc.), les légumineuses (pois, haricots, lentilles, etc.), les noix, les graines.
- Stopper le gaspillage alimentaire (inclus la consommation au-dessus des besoins nutritifs).
- Assurer un usage optimal des terres, un évitement de la désertification, une conservation des écosystèmes (tels que les tourbières) et une restauration des sols fragiles.
- Arbitrer entre l’usage des terres pour l’alimentation, le stockage de carbone via les forêts et la production d’énergie à partir de matière biologique. Le rapport souligne ainsi par exemple la faible utilité dans la lutte contre le dérèglement climatique des terres cultivées pour la bioénergie (biogaz, agrocarburants…). Cette utilisation des terres présente des risques pour la sécurité alimentaire, la biodiversité et la dégradation des terre.
- Protéger les populations indigènes et soutenir l’émancipation des femmes.
- Sécuriser le foncier pour protéger les terres de l’artificialisation par exemple.
Le temps n’est vraiment plus à la procrastination pour réduire les émissions de gaz à effet de serres, protéger notre sol et s’adapter au changement climatique. D’autant plus que « pour mettre en œuvre les recommandations de politiques publiques, il faut repenser en profondeur le financement des activités agro-sylvo-pastorales en le recentrant sur les pratiques favorisant l’environnement », rappelle Alain Karsenty, chercheur au CIRAD (Centre de coopération Internationale de recherche agronomique pour le développement) et membre du Conseil scientifique de la FNH.
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