Face au vif débat soulevé par les arrêtés anti-pesticides pris par une cinquantaine de maires en France et à la décision – tout aussi contestée- du gouvernement d’instaurer une distance de sécurité de 5 et 10 mètres entre les zones d’épandages de pesticides et les zones d’habitation, une consultation du public s’est tenue du 9 septembre au 4 octobre 2019. Son objectif : recueillir l’opinion des citoyens avant de valider le projet de décret et d’arrêté de la loi Egalim, devant entrer en vigueur au 1er janvier 2020. Fin septembre, plus de 45.000 commentaires étaient déposés. Un vif intérêt soulevé par ce sujet, comparé au nombre moyen de répondants par consultations publiques en 2019 (environ 1.800 commentaires). Pour que la voix de la santé environnementale et de la protection des populations soit entendue, la FNH a appelé les citoyens à y participer et a livré son opinion.
Que prévoient le décret et l'arrêté du gouvernement soumis à l’avis du public ?
Le 26 juin 2019, le Conseil d'Etat confirmait la protection insuffisante des riverains en France trop exposés aux produits phytosanitaires ; protection pourtant demandée par la réglementation européenne. Face à ce problème sanitaire majeur, plus d’une cinquantaine de maires de tout bord décidaient d’adopter des arrêtés anti-pesticides mentionnant des distances de 100, voire 150 mètres entre les zones d’épandage et les habitations. Opposé à ces arrêtés, le gouvernement a décidé d’agir sur la question en proposant d’instaurer une distance minimale de sécurité de 5 et 10 mètres dans les projets de décret et d’arrêté de la loi Egalim.
Que disent-ils ?
• L’arrêté fixe les distances minimales à respecter entre les zones d’épandages et d’habitation : 10 mètres minimum pour les substances les plus dangereuses et pour les cultures hautes (1) et 5 mètres minimum pour les cultures basses (2).
• Le décret fixe le cadre général et la possibilité d’adapter ces distances minimales dans le cadre de chartes d’engagement établies entre agriculteurs, riverains et élus. Il serait alors possible de ramener les distances minimales à 3 m pour les cultures basses et la viticulture et à 5 m pour les autres cultures… mais aussi de les augmenter.
5 à 10 mètres, une distance entre épandages de pesticides et habitations, clairement insuffisante.
Pour la Fondation Nicolas Hulot, face aux liens de présomptions forts existants entre expositions aux pesticides et un certain nombre de maladies graves ou mortelles, cette distance de 5 à 10 mètres, est clairement insuffisante.
La proposition gouvernementale de distance minimale de sécurité entre les zones d’épandages et zones d’habitation provient des recommandations fournies par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). Or cette dernière souligne les faiblesses de la méthodologie employée, se basant sur des études effectuées en 1980 sur des distances testées jusqu’à 10 mètres uniquement. En attendant que cette méthodologie soit revue en 2021, il est primordial et urgent de faire vivre le principe de précaution tout en ne pénalisant pas les agriculteurs.
Ainsi, les distances de sécurité entre zones d’épandages et zones d’habitation doivent être largement revues à la hausse et immédiatement associées à des politiques publiques fortes d’accompagnement à la conversion de l’agriculture vers des systèmes durables sans pesticides de synthèse. Rappelons-le: selon le rapport TYFA de l’IDDRI (2018), il est possible à terme de nourrir l’ensemble de la population européenne avec une agriculture sans intrants de synthèse tout en gardant des capacités d’exportation.
Nos 5 grandes demandes portent sur :
· Le principe de précaution : face aux faiblesses méthodologiques reconnues par l’Anses, le principe de précaution devrait être activé pour les populations
· L’augmentation des distances minimales obligatoires pour protéger les citoyens
· Des moyens financiers et techniques immédiats à mettre en place pour aider les agricultrices et agriculteurs concernés par ces mesures
· L’élargissement des lieux concernés par les chartes d’engagement : ils devraient être explicités clairement dans les textes et comprendre tous types de zones (habitées, jardins, espaces collectifs, etc.)
· La gouvernance des chartes : les associations environnementales et maires doivent obligatoirement participer aux préparations et à la validation des chartes afin d’assurer la protection des citoyens
Plus précisément, concernant le décret qui encadre les chartes d’engagement :
· Les chartes devraient contenir obligatoirement (et non optionnellement) : le recours à des techniques ou moyens de réduction de la dérive ou de l’exposition aux pesticides (tels que la mise en place de haies par exemple), d’information sur les dates et les horaires de traitements, des objectifs contraignants de réduction de l’usage des pesticides et des indicateurs de suivi sur les populations exposées.
· Les lieux visés par les chartes d’engagement devraient être explicités clairement dans les textes et comprendre tous types de zones (habitées, jardins, espaces collectifs, etc.).
· Les chartes devaient être le résultat de réelles négociations entre agriculteurs et habitants de proximité. Une association environnementale agrée, une association de santé environnementale reconnue d’utilité publique et un maire devraient être obligatoirement associés aux concertations. Pour que la charte soit applicable, elle devrait être signée par au moins une des deux associations. En cas de volonté de modification de la charte par le préfet, l’ensemble des parties prenantes devraient être à nouveau concerté.
· Les chartes devraient tenir compte de mesures plus précises telles que des outils permettant d’évaluer l’implication de la force du vent ou de la non dispersion des pesticides en dehors des zones d’épandages autorisées.
· Les chartes devraient imposer de faire un diagnostic initial pour viser les zones à risques (ex : zones d’intérêts écologiques, etc.).
Concernant l’arrêté qui précise la mesure de protection des personnes :
· Toute dérogation devrait être supprimée de l’arrêté afin de faire vivre le principe de précaution partout, pour tous et en toute heure.
· Les zones d’habitation devraient être explicitées clairement dans le texte et comprendre tous types de zones (habitées, jardins, espaces collectifs, etc.).
· Les distances de 5 à 10 m entre zones d’épandage et de riverains (pouvant être actuellement réduites dans le cadre des chartes de 3 à 5 m) nous paraissent extrêmement faibles au regard du risque sanitaire pour les populations. Nous demandons que les distances soient revues pour garantir une zone de sécurité suffisante dans laquelle il serait interdit d’utiliser ou faire utiliser les produits phytopharmaceutiques mentionnées au premier alinéa de l’article L. 253-1 du code rural de 50 m pour les cultures basses et 100 m pour les cultures hautes. Cette distance de sécurité devrait être revue dès la mise à disposition des nouvelles méthodologies d’évaluation en 2021 et en considération des travaux de Rautmann D. et al 2001.
· Cette décision devra s’accompagner de la mise en place d’un groupe de travail dès le 1ernovembre 2019, en charge de définir l’accompagnement financier et technique nécessaire pour tous les agriculteurs et agricultrices concernés par cette mesure. Ce groupe de travail multi-acteur devra être réellement équilibré et la gouvernance partagée entre représentants d’agriculteurs et de la société civile, garante de la protection de l’environnement et de la santé humaine.
Pour participer à la consultation, cliquer ici
Pour des informations plus techniques et détaillés, consultez le décryptage de Générations Futures :
(1) Viticulture ou arboriculture.
(2) Tels que les céréales par exemple.
(3) Rappelons que l’Inserm en 2013 est sans appel et émet des liens de présomptions fortes et moyennes entre une exposition à des pesticides et un certain nombre des maladies graves ou mortelles. Ces maladies sont les lymphomes non-hodgkiniens, les leucémies, les myélomes multiples, les cancers de la prostate, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, des troubles cognitifs, et de la fertilité. À cela, chez l’enfant, s’ajoute en cas d’une exposition in utero des troubles de neurodéveloppement tels que la déficience intellectuelle ou les troubles du spectre autistique, des malformations congénitales, des leucémies, de tumeurs cérébrales et la mort fœtale. Des liens entre cancers pédiatriques et exposition aux pesticides pendant l’enfance ont également été faits par l’Inserm.
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