Défendre une agriculture sans pesticides

Interdiction des pesticides néonicotinoïdes : retour sur 2 ans de forte mobilisation

Publié le 21 juillet 2016 , mis à jour le 13 août 2024

Mercredi 20 juillet 2016, la loi pour la reconquête de la biodiversité a été définitivement votée par l’Assemblée nationale. Tous les pesticides de la famille des néonicotinoïdes seront interdits à partir du 1er septembre 2018 et des dérogations seront possibles jusqu’en 2020. Même si la FNH aurait souhaité une interdiction plus franche, ce résultat est ambitieux et symbolise sur le plan législatif l’aboutissement de plusieurs années de travail de l’ensemble des parties prenantes. Il met en évidence l’engagement de la FNH pour obtenir une mesure la plus exigeante possible pour faire face aux enjeux.

Obtenir une interdiction des pesticides néonicotinoïdes était un combat loin d’être gagné d’avance. Les parlementaires ont finalement voté pour une interdiction en 2018 assortie de dérogations. La FNH souhaitait une interdiction rapide et totale de ces substances pour le 1er septembre 2017. Il est cependant nécessaire de se souvenir du chemin parcouru. Tout commence le 19 juin 2014 lorsque le sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé et le député PS de Dordogne Germinal Peiro déposent une proposition de résolution « relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé, et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes ». L’objectif de cette proposition est d’inviter le gouvernement à agir auprès de l’Union européenne pour une interdiction totale des pesticides néonicotinoïdes. Cette résolution ne sera finalement pas votée malgré un grand nombre de signatures de parlementaires de tous partis politiques.

Lors de la conférence environnementale en novembre 2014 et dans le cadre du Plan Ecophyto, la Fondation propose d’interdire l’usage des néonicotinoïdes. À partir de cette date, la Fondation fait de la préservation des abeilles et des pollinisateurs son cheval de bataille et l’emblème de son action pour faire évoluer l’agriculture. À l’issue de la conférence, François Hollande assure dans son discours de clôture que la France ira plus loin pour retirer les pesticides du marché agricole et qu’elle portera elle-même le sujet au niveau européen.

Un pas en avant, un pas en arrière : le ballet parlementaire

  • En mars 2015, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité arrive en première lecture à l’Assemblée nationale. À ce stade, les pesticides néonicotinoïdes n’apparaissent pas dans la loi. La Fondation propose alors des amendements pour qu’ils deviennent un sujet à part entière. En mars 2015, l’Assemblée nationale vote l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes au 1er septembre 2016 en première lecture. Ce vote surprise provoque la bataille législative et incite les citoyens à se pencher sur le sujet.
  • Le 17 mai 2015, la Fondation lance la pétition « Stop au massacre des abeilles » avec une dizaine d’ONG, des apiculteurs et des médecins pour mobiliser et déclencher une prise de conscience sur le sujet.
  • Fin janvier 2016, le Sénat rejette l’interdiction en première lecture… En mars, l’Assemblée Nationale réintroduit l’interdiction de tous les pesticides néonicotinoïdes, cette fois au premier septembre 2018. Ce que le Sénat, pour la seconde lecture rejette de nouveau.
  • Une nouvelle lecture s’annonce. Le 16 juin 2016, la Fondation et plusieurs organisations environnementales remettent les 669 102 signatures de la pétition à Ségolène Royal et Barbara Pompili, montrant ainsi la volonté citoyenne de sortir de l’usage de ces substances. À cette occasion et pour la suite, les ministres ont pu réaffirmer fortement leur engagement pour une interdiction dès 2018.
  • Le 22 juin, les députés continuent de défendre en troisième lecture une interdiction au 1er septembre 2018 avec cette fois des dérogations possibles jusqu’en 2020. Les députés portent ainsi de nouveau leur volonté de faire de l’interdiction la norme et non plus un cas particulier même s’ils y adossent des dérogations.
  • Le 13 juillet, le Sénat adopte à son tour le projet de loi en repoussant l’interdiction à 2020...
  • Le 20 juillet, les députés rendent leur dernier mot en adoptant définitivement l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes au 1er septembre 2018 avec dérogations possibles jusqu’en 2020 après une nouvelle discussion animée en séance publique. A maintes reprises, il a été rappelé à cette occasion le devoir pour les parlementaires de répondre aux attentes citoyennes illustrées par la pétition.

Un petit pas pour les députés, un grand pas pour les abeilles

L’interdiction des pesticides néonicotinoïdes est à ce jour une première en Europe. Introduits en 1994, les néonicotinoïdes touchent directement le système nerveux des pollinisateurs et déciment les colonies d’abeilles pourtant essentielles à la biodiversité et à notre agriculture. Les pollinisateurs sont en effet à l’origine de la pollinisation de plus de 85 % des espèces végétales sur terre. La valeur économique de l’activité pollinisatrice des insectes est estimée par l’INRA à 153 milliards d’euros, soit 9,5 % en valeur de l'ensemble de la production alimentaire mondiale. Et pourtant, dans certaines régions françaises, près de trois quarts des essaims d’abeilles domestiques ont disparu.

Les pesticides néonicotinoïdes représentent un danger pour la nature - pollinisateurs mais aussi invertébrés aquatiques et non aquatiques, oiseaux – et par extension pour l’Homme. Utilisés pour l’enrobage des semences, ce mode d’action favorise une diffusion sur l’ensemble de la plante (feuilles, fleurs, racines, tiges) pour 2 à 20% du produit, le reste contamine quant à lui le sol, l’eau et l’air qui ont besoin de plusieurs années pour se dépolluer de ces substances.

En ce sens, les dérogations accordées jusqu’en 2020 constituent un risque pour que les néonicotinoïdes continuent d’empoisonner les milieux. Toutefois, cette interdiction totale en 2018 reste un cap sur lequel la Fondation et d’autres vont continuer à se mobiliser en faisant en sorte d’accélérer le changement des pratiques agricoles et de suivre les modalités de dérogations pour qu’elles soient le plus encadrées possible.

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