Pour la Fondation pour la Nature et l'Homme, le CETA doit être renégocié le plus rapidement possible peu importe qui sera élu président afin d’en faire le premier accord commercial accélérant la transition écologique et agricole. Accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Canada, le CETA appartient aux accords de nouvelle génération dont la spécificité est de couvrir tous les champs de notre économie y compris ceux qui restent à inventer. Son objectif est de supprimer les taxes douanières et d’uniformiser les normes. Il pourrait entrer en vigueur dès début 2017 sans que son contenu ne soit débattu démocratiquement en France. Retour sur l’historique des négociations et de la mobilisation contre cet accord à quelques semaines du vote des parlementaires européens.
Début février, après le vote des différentes commissions européennes, ce sera au tour des parlementaires de se prononcer sur cet accord antidémocratique pour savoir s’il pourra entrer en vigueur de manière provisoire en attendant la ratification individuelle de chacun des Etats membres. Suite à l’épisode Wallon, on sait maintenant que, si le parlement européen ratifie le Ceta, la totalité de l’accord entrera en vigueur de manière provisoire à l’exception du chapitre 8 qui concerne les investissements et notamment la mise en place de tribunaux d’arbitrage. La Fondation Nicolas Hulot s’est mobilisée tout au long de l’année 2016 pour que le CETA ne soit pas voté en l’état et qu’il soit revu pour en faire le premier accord de commerce qui permette d’accélérer la transition écologique. Le 15 décembre dernier la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme avait d’ailleurs remis un avis dans lequel elle démontrait que le CETA était contraire à la protection des droits humains. Retour sur près d’un an de mobilisation.
Le CETA, qu’est ce que c’est ?
Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) est l’Accord Economique et Commercial Global (AECG) qui s’apprête à lier le Canada et l’Union Européenne.
- Il s’agit du premier accord de commerce et d'investissement avec un pays du G7 dit de « nouvelle génération » à arriver à la ratification. Au delà de l'ouverture des marchés et de la réduction des tarifs douaniers déjà très faibles, l'accord porte également sur la réduction des barrières non tarifaires au commerce, c'est à dire les normes techniques mais aussi sociales, environnementales, financières ou alimentaires.
- On parle d’un « accord vivant » car il inclut notamment un mécanisme de coopération réglementaire qui permettra d'approfondir et d'élargir le contenu de l'accord, après sa ratification.
Historique d’un traité qui avance malgré toutes les études d’impact négatif
- 2009 : début des négociations sur le CETA malgré la publication en octobre 2008 de l’étude d'impact faite par la Commission Européenne qui anticipe une hausse de 0,08% du PIB par an pour toute l'Europe, soit un gain de 2 euros par mois et par européen seulement.
- 2011 : publication de l’étude d’impact du CETA qui prévoit une hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et préconise de ne pas inclure de mécanisme de règlement des différents entre investisseurs et Etats (tribunaux d’arbitrage privés) pour ne pas entrainer des risques important.
- 2014 : fin de la négociation du CETA et publication de l’accord
- 2014 : la Commission européenne de l’Assemblée Nationale adopte une résolution contre le CETA et demande au gouvernement français de ne pas signer un accord qui ne respecte pas le principe de précaution, introduit la possibilité de recourir à des tribunaux d’arbitrages et s’oppose aux dispositions qui permettraient d’affaiblir les législations européennes en matière d’OGM
- 2014 : la Commission Européenne abandonne la directive carburant censée discriminer le pétrole issu des sables bitumineux suite aux demandes du Canada dans le cadre des négociations sur le CETA.
- 9 novembre 2015 : L’association européenne des magistrats publie un rapport pour exprimer son inquiétude sur la mise en place de tribunaux d’arbitrage privés.
- Décembre 2015 : 4 ONG publient un rapport qui démontre que les tribunaux d’arbitrage privés permettent aux multinationales d’attaquer les législations environnementales. En d’autres termes, certains cabinets d’affaires conseillent d’utiliser ce type de recours pour affaiblir les projets législatifs nationaux qui seraient contraires aux intérêts des multinationales et tout particulièrement de celles travaillant dans le secteur des énergies fossiles.
Retour sur plus d’un an de mobilisation
L’entrée en vigueur approche malgré les études et les rapports démontrant les impacts néfastes de ce traité. En 2016 la Fondation Nicolas Hulot et plusieurs ONG et syndicats se mobilisent pour que le CETA ne soit pas adopté en l’état.
- Février 2016 : la version définitive du texte est remaniée en incluant une réforme des mécanismes d’arbitrage qui malgré des améliorations ne change rien fondamentalement. En réaction, 34 organisations de la société civile publient un document présentant leurs attentes en matière de réforme du mécanisme d’arbitrage.
- 2 février 2016 : Publication du rapport d'information de Mme Seybah Dagoma déposée par la Commission des affaires européennes sur le mécanisme de règlement des différends États-investisseurs dans les accords internationaux. Dans ce rapport la députée de Paris pointe du doigt les incohérences entre le CETA et le respect du droit de l’Union Européenne.
- Mai 2016 : « Soy Canada » demande à la Commission Européenne d’honorer ses engagements pris pendant les négociations du CETA et d’autoriser une liste d’OGM jusqu’à présent interdite.
- Juin 2016 : l’ONG foodwatch publie une étude qui démontre que le CETA menace le principe de précaution
- Juin 2016 : 12 organisations de la société civile lancent une pétition pour demander à François Hollande d’abandonner le CETA qui recueille près de 150 000 signatures.
- Juillet 2016 : Le CETA est reconnu comme étant un accord mixte qui nécessitera une ratification de chacun des pays membres. Le CETA pourra cependant entrer en vigueur de manière provisoire, c’est à dire avant le vote des pays membres
- Septembre 2016 : 105 députés de gauche écrivent à François Hollande pour lui demander de refuser l’entrée en vigueur du CETA sans que les députés l’aient ratifié et qu’un réel débat démocratique ait eu lieu sur le sujet. A ce jour, François Hollande n’a toujours pas répondu.
- Septembre 2016 : Une étude d’impact indépendante réalisée par l’Université de Tufts (Boston) prévoit la destruction de 200 000 emplois en Europe dont 40 000 en France en cas d’adoption du Ceta.
- 17 septembre 2016 : 320 000 personnes défilent en Allemagne pour dire non au CETA et au TAFTA
- 20 septembre 2016 : La Fondation Nicolas Hulot et 18 autres organisations de la société civile publient une tribune dans Libération pour expliquer pourquoi le CETA est contraire à l’Accord de Paris
- 4 octobre 2016 : la Fondation Nicolas Hulot avec 4 autres organisations publie son étude sur les conséquences du vote du CETA sur l’agriculture française et démontre les conséquences dramatiques pour ce secteur déjà en crise.
- 5 octobre 2016 : une proposition de résolution est déposée par un ensemble de députés de gauche pour demander au gouvernement français de s’opposer à l’entrée en vigueur provisoire du CETA. Pour avoir la certitude que la résolution soit rejetée, le groupe socialiste a fait démissionner 5 députés pour les remplacer lors du vote en commission européenne. Le lendemain les 5 députés démissionnaires avaient été réintégrés.
- 13 octobre 2016 : Nicolas Hulot, David Suzuki et Karel Mayrand publient une tribune dans le Devoir et le Monde pour demander une réouverture des négociations du CETA afin d’en faire le premier accord climato-compatible.
- Octobre 2016 : la Wallonie bloque momentanément le texte et obtient certaines garanties de la part de la Belgique et de la Commission Européenne. Pour la Fondation Nicolas Hulot, les résultats de ce bras de fer sont décevants car ils ne répondent pas aux principaux problèmes que posent le CETA. La France, elle, n’a pas pu débattre puisque les parlementaires français ne seront saisis qu’une fois le texte entré en vigueur de manière provisoire.
- 26 octobre 2016 : le constitutionaliste Dominique Rousseau publie une tribune dans Libération pour dire que le CETA est anticonstitutionnel
- 30 octobre 2016 : avec quelques de jours de retard, le CETA est signé lors de la visite de Justin Trudeau, premier ministre du Canada
- 16 novembre : Nicolas Hulot et différents signataires (députés, journalistes, professeurs) publient une tribune dans Libération pour demander de faire une exception agri-culturelle dans le commerce mondial
- 17 novembre : l’ONG Transport et environnement sort une étude qui démontre pourquoi le CETA risque d’abaisser les standards européens en matière environnementale. Cette étude complète les craintes de la Fondation Nicolas Hulot
- 23 novembre : le parlement européen refuse de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne pour vérifier si le CETA est compatible avec les droits européens. 89 eurodéputés portent cette résolution.
- 8 décembre : la Commission emploi du Parlement Européen émet un avis négatif sur le CETA en précisant que cet accord fait peser des risques importants sur l’emploi.
- 15 décembre : la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme (CNCDH), autorité administrative indépendante, adopte son avis sur le CETA. Pour elle, le CETA présente des contradictions avec le respect des droits de l’Homme. La CNCDH demande à la France de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et le Conseil Constitutionnel pour vérifier la comptabilité entre le CETA et le droit de l’UE et la Constitution française, ainsi qu’une réouverture des négociations.
- 21 décembre : l’avocat général sur la saisine de la CJUE entre l’UE et Singapour présente ses conclusions dans lesquelles il précise notamment qu’un accord de commerce est mixte dès qu’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats est mis en place. Ces conclusions d’appliquent donc aussi pour le CETA.
- 12 janvier 2017 : Malgré la multiplication des études qui concluaient toutes que la signature entrainerait une hausse des émissions de GES ainsi qu’une baisse des standards environnementaux européens, la Commission Environnement du Parlement Européen s’est prononcée en faveur du CETA.
- Le 24 janvier la commission commerce internationale du parlement européen a rendu un avis favorable sur le CETA
- Le 3 février l’Assemblée Nationale a adopté une résolution demandant au gouvernement français de s’opposer à l’entrée en vigueur du CETA, de saisir la CJUE ainsi que d’organiser un referendum pour ratifier ou le CETA.
- Le 8 février, la Fondation Nicolas Hulot et Interbev s’unissent dans une lettre ouverte adressée à tous les candidats à la présidentielle pour leur demander de s’opposer au CETA afin de protéger l’agriculture française.
- Le 10 février, Ségolène Royal a sorti un rapport dans lequel il est clairement indiqué que le CETA va entrainer une hausse des émissions de gaz à effet de serre.
- Le 13 février, La Fondation Nicolas Hulot en partenariat avec l’Institut Veblen et foodwatch présente une analyse dans laquelle nous expliquons en quoi le CETA porte atteinte à la Constitution française.
- Le 15 février malgré une mobilisation de la société civile, le parlement européen a adopté le CETA par 408 voix pour, 254 voix contre et 33 abstentions. Au niveau français, seulement 16 députés ont voté en faveur du CETA sur les 74 que compte le parlement européen et 8 se sont abstenus (2 ne sont pas venus). Les députés socialistes (13), écologistes (6), du front de gauche (4) et du Front National (23) se sont opposés au texte. Coté républicain 12 ont voté le texte et 6 se sont abstenus, et côté MODEM et UDI 3 ont voté pour, 2 se sont abstenus et 2 ont voté contre.
- Le 22 février, une semaine tout juste après l’adoption du parlement européen, 107 députés rejoints par 42 sénateurs saisissent le Conseil Constitutionnel suite à l’alerte lancée par la Fondation Nicolas, l’Institut Veblen et foodwatch. Le CC a un mois pour rendre sa position.
- Le 1er mars Nicolas Hulot accompagné de l’Institut Veblen et de foodwatch dépose une porte étroite (un mémoire) au Conseil Constitutionnel pour appuyer la saisine des députés au nom des 3 organisations mais aussi des milliers de personnes qui s’étaient opposés au CETA dans une pétition.
Une chose est sûr l’histoire du CETA n’est pas encore terminée et elle nous promet encore des rebondissements puisque 38 parlements nationaux et régionaux devront se prononcer pour que le texte puisse entrer en vigueur de manière définitive. La mobilisation continue, aidez nous en refusant la mise en place du CETA.
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