Nul ne peut aujourd’hui échapper à la chronique d’un monde en crise. Celle-ci est scrupuleusement tenue par les journaux, les revues, radios, Internet et autres médias ; elle se nourrit d’éditoriaux, d’analyses académiques et d’ouvrages trop nombreux désormais pour être recensés.
Cette légitime focalisation de l’attention collective repose, pour partie, sur le fait que le déroulé de la crise révélée par la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, au mois de septembre 2008, répond depuis lors à une trame narrative. La crise est ainsi une histoire dont on suit (ou subit) les épisodes et les saisons : pour reprendre l’idée de Christian Salmon, elle développe en somme son propre storytelling. De fait, la crise que nous connaissons s’est successivement déclinée comme une crise des crédits hypothécaires (subprimes), puis comme une crise des produits financiers titrisés, une crise du crédit interbancaire, une crise des marchés et enfin une crise de la dette souveraine des États, notamment européens. Désormais des questions comme le destin de la zone Euro, les ajustements de la gouvernance européenne, la situation grecque ou encore l’impact des plans de rigueur sur la croissance attirent justement l’attention. En attendant sans doute que surviennent de nouveaux épisodes : effondrement de la consommation, ou pourquoi pas, dès demain, éclatement de nouvelles bulles, comme celle de l’immobilier chinois…
Cette suite d’évènements suscite un effet de fascination, voire de sidération. Mais cet effet occulte, dans l’attention générale, une autre crise préexistante et au moins aussi impactante : la crise environnementale. Or les décisionnaires politiques et économiques ne s’attaquent pas aux deux crises avec la même intensité : dans les agendas comme dans la pratique politique, la crise économique tend à dépasser et marginaliser les enjeux environnementaux. Il suffit pour s’en rendre compte de constater que l’accomplissement des objectifs fixés dans le domaine écologique sont régulièrement repoussés dans le temps à raison de l’incapacité collective à les atteindre. Ainsi l’objectif consistant à obtenir une « forte réduction » du rythme annuel d’érosion de la biodiversité à l’horizon 2010, approuvé par la 6e conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, a-t-il été repris dans le cadre d’un « Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020 », mieux connu sous la dénomination d’ « objectifs d’Aichi » - ce qui revient au passage à différer l’objectif initial d’une décennie. De la même façon, les bilans mitigés que dresse le Bureau Européen de l’Environnement (BEE) sur les présidences successives de l’Union européenne traduisent les difficultés de l’Union à progresser sur ces questions. Dans son rapport sur la présidence belge1, le BEE estimait ainsi que l’aggrava-tion de la crise de l’euro (…) a réduit l’attention portée à des crises permanentes telles que les changements climatiques et les pressions non soutenables exercées sur les écosystèmes.
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