Tombé amoureux du massif du Makay situé à Madagascar, Evrard Wendenbaum, fondateur de l’association Naturevolution, fait un constat : le seul moyen de le préserver est d’éradiquer la famine dans les villages, cause majeure de la forte pression exercée sur les ressources naturelles de la forêt. Lauréate 2020 de notre programme Génération Climat pour son initiative Graines de changement, l'association se donne pour mission d’accompagner le village de Tsivoko, dernier village avant la plus grande forêt du Makay, vers l’autosuffisance alimentaire.
Naturevolution accompagne les villageois de Tsivoko vers l’autosuffisance alimentaire
Rien ne sert de vouloir protéger les ressources naturelles de la forêt sans s’attaquer au problème de base : l'insécurité alimentaire des habitants des villages situés sur le pourtour du Makay. Pour y remédier, l'association en a fait l’axe central des toutes ses actions sur le terrain.
Projet pilote : Tsivoko, village du Makay de 400 habitants
Parmi les centaines de villages que compte la région Makay sur une superficie de 10 000 km2, soit approximativement la taille de la Corse, Tsivoko est un des plus isolés, le dernier avant de pénétrer dans la plus grande forêt du Makay. Garantir la souveraineté alimentaire de ses habitants représente le meilleur rempart à la destruction de la faune et de la flore de cette forêt. Gaëtan Deltour, co-porteur du projet Graines de changement explique pourquoi :
Pauvreté et famine frappent régulièrement les villages situés autour du massif du Makay. La culture du riz prédomine, mais avec des rendements de plus en plus soumis aux aléas climatiques et sans moyen de gérer leur stock de céréales, la période entre deux récoltes (soit trois fois par an) devient souvent très critique et les villageois vont alors chercher en forêt de quoi se nourrir. Ils prélèvent plusieurs espèces animales menacées d’extinctions comme les lémuriens, abattent quantité d’arbres, mais surtout, déclenchent de nombreux feux de brousse pour défricher de nouvelles parcelles de culture de manioc et de maïs principalement mais aussi de pâturage de zébus.
Les solutions déployées à Tsivoko pour sécuriser l’alimentation et réduire la déforestation
- La création d’un potager école et d’une nouvelle technique de riziculture
C’est un fait notable dans la région, le dérèglement climatique se manifeste par une baisse chronique des précipitations. Sachant que la culture du riz nécessite de grandes quantités d’eau, il est non seulement indispensable d’améliorer les techniques de culture mais aussi de réduire la dépendance au riz en diversifiant les plantations.
C’est pour cette raison, que l’initiative Graines de changement ambitionne de créer un potager école qui montrera aux villageois comment enrichir leur apports nutritionnels quotidiens, en produisant des fruits et des légumes tout au long de l’année. Parallèlement à cette diversification alimentaire, l’enseignement d’une nouvelle technique de riziculture permettra d’obtenir de meilleurs rendements grâce à l’agroécologie. Basée sur la captation de l’azote via la rotation des cultures et la fertilisation du sol grâce au compost, et l’irrigation par intermittence, ce Système de Riziculture Intensive (SRI) réduit en plus les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre.
• Un grenier communautaire pour organiser la gestion des stocks de céréales
Quand les réserves ne sont pas suffisantes pour subvenir aux besoins des villageois d’une récolte à l’autre, l’inflation des cours, proportionnelle à la pénurie des céréales, les pousse à aller chercher dans la forêt de quoi survivre. Pour optimiser les rendements et mieux gérer les stocks afin de réguler les cours du riz, Graines de changement propose la mise en place d’un grenier communautaire.
• Un repas gratuit à la cantine par enfant et par jour
Un grand nombre d'enfants du Makay manquent l’école pour aider au travail des champs : seuls 70 élèves entre 4 et 15 ans, sur un potentiel de 120, assistent régulièrement aux cours !
La gratuité du principal repas de la journée pour tous les écoliers incitera les familles à remettre les enfants à l’école. Le recrutement et la formation professionnelle d’un cuisinier permettra d’utiliser les nouveaux légumes produits dans le potager avec des méthodes de cuisson alternatives utilisant des fours améliorés pour limiter l’utilisation du bois. Une autre manière d’appréhender la gestion de cette ressource énergie.
Initier un changement de comportement et offrir de nouvelles perspectives d’avenir
Ce dispositif mis en place à Tsivoko par le projet Graines de changement vient compléter l’ensemble des actions déployées aux côtés de la population par Naturevolution et son partenaire sur place, Naturevolution Madagasikara. Les deux associations coordonnent leurs actions pour recruter des villageois et les former dans d’autres secteurs comme l’éco-tourisme ou l’apiculture.
-«L’éco-tourisme, précise Gaëtan, est une opportunité pour les villageois de vivre des ressources naturelles de leur région et donc une raison supplémentaire de la protéger des agressions extérieures (exploitation intensive, feux de brousse, braconnage…). Et dans le Makay, déclaré Aire Protégée biologique et culturelle depuis 2017 grâce aux efforts de Naturevolution, Nouvelle Aire Protégée, il y a peu à craindre que se développe un tourisme de masse car en plus de sa difficulté d’accès qui limite le nombre de voyageurs, la pression touristique annuelle sur tout l’île de Madagascar est équivalente à celle des 2 mois d’été sur la seule île d’Oléron en France !
Graines de changement : Une très belle aventure soutenue par Génération Climat
Voici comment, en 2001, cinq minutes d’images diffusées sur Ushuaïa Nature montrant Nicolas Hulot survolant le Makay à bord d’une montgolfière, a changé le cours de l’existence d’Évrard et plus largement le sort de quelques villages de ce paradis lointain. La Fondation Nicolas Hulot ne pouvait que saluer la formidable énergie déployée par Naturevolution car, au-delà des effets immédiats de l’aide alimentaire, l’association accompagne ces populations dans la résilience en les amenant à prendre conscience du lien entre les dégradations faites aujourd’hui à la nature et les dégradations à très brève échéance sur leurs conditions de vie. Guider les villageois du Makay vers de nouvelles pratiques pour leur offrir un avenir meilleur est une belle manière de rendre hommage à cette région que Naturévolution désire tant préserver.
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