Les débats sur la loi Climat et Résilience se succèdent en ce moment même à l’Assemblée Nationale. Alors que toutes les mesures structurantes ont été retoquées lors du passage en commission et que l’insuffisance de la loi a été largement démontrée, comment lui redonner du souffle ? La FNH défend deux mesures dont les parlementaires peuvent encore s’emparer pour éviter le dérapage climatique de la France !
En l’état, un projet de loi qui nous mène droit dans le mur... mais qui peut encore être sauvé !
L’État est-il en capacité de tenir les objectifs climatiques à l’horizon 2030, si l’on tient compte des mesures actuelles et de celles prévues dans le projet de loi Climat et résilience ? La réponse apportée par l’ensemble des études scientifiques, y compris celles commanditées par gouvernement, est NON !1
Cependant, le gouvernement et la majorité refusent de débattre sur les mesures qui pourraient véritablement changer la donne. En effet, lors de l’examen du projet de loi Climat et Résilience en commission spéciale, 25 % des amendements déposés par les députés ont été jugés irrecevables. L’ensemble des propositions portant sur le vélo, le train ou encore la réduction des émissions de gaz à effet de serre des grosses entreprises ont été jugés comme n’étant pas en lien avec texte… Cette situation est non seulement inquiétante pour le climat, mais aussi pour notre démocratie, puisque le gouvernement empêche les parlementaires de débattre sur des pans entiers des propositions des 150 !
Cependant, tout n’est pas perdu : les débats commencent à l’Assemblée Nationale et les parlementaires peuvent encore renforcer le texte en remettant sur la table des mesures proposées par les citoyens. Pour la Fondation Nicolas Hulot, il est essentiel de réintroduire deux mesures structurantes :
1. Rénovation énergétique des logements : une obligation progressive et équitable, de travaux performants
Les mesures en vigueur ou prévues dans le projet de loi Climat ne permettront d'atteindre le nombre de rénovations performantes fixées dans la Stratégie nationale bas carbone de la France. Le Haut Conseil pour le climat et le cabinet Carbone 4 sont unanimes : Il est urgent de passer à la vitesse supérieure !
Pour accélérer le rythme de rénovations, la FNH, avec une coalition d’acteurs associatifs et économiques, appelle les parlementaires à amender le projet de loi Climat en y apportant deux modifications majeures :
- Réorienter les dispositifs incitatifs et réglementaires vers la rénovation énergétique globale, complète et performante. Pour cela, la loi doit inclure une définition de ce type de rénovation, qui amène le bâtiment à un niveau “Bâtiment basse consommation” (BBC) ou équivalent, la seule à même de fournir des gains substantiels sur la facture et pour le climat. Comme le proposait la Convention Citoyenne, nous devons sortir de la logique de rénovation par gestes isolés (changements de chaudière ou de fenêtres), qui ne suffira pas à remettre la France sur la bonne trajectoire climatique.
- Introduire dans la loi une obligation de rénovation performante, progressive, conditionnelle et juste, pour tous les propriétaires, dès 2024. Les citoyens l’avaient proposée, mais le gouvernement l’a exclue du projet de loi. Afin de garantir la justice sociale du dispositif, nous proposons que cette obligation ne s’applique, pendant une période transitoire, si et seulement si, certaines conditions sont réunies : le ménage doit en sortir gagnant.
Comment ça marche concrètement ?
Pour les maisons individuelles, l’obligation s’applique aux maisons F et G à partir de 2024, au moment des mutations (ventes ou héritages) à deux conditions seulement :
- l'équilibre en trésorerie du ménage est amélioré après travaux (si le ménage n’est pas en situation de privation avant cela). C’est-à-dire, si le ménage peut rembourser son prêt grâce aux économies réalisées sur sa facture. S’il s'agit d'un ménage très modeste ou modeste, il doit avoir droit à quasiment 100% de subventions, sans reste à charge, car ce type de ménage n’a généralement pas accès aux prêts. Dans tous les cas, c’est bénéfique pour le ménage qui, outre un meilleur confort de son logement, augmente la valeur immobilière de son bien.
- le ménage a accès à une offre de travaux et une offre financière adaptées, pour mener des travaux de rénovation complète et performante. Pour cela, le ménage acquéreur de la maison passe par une assistante à maîtrise d’ouvrage (AMO) qui l’aide dans cette démarche. Dans un premier temps, ce seront les espaces publics tels que les Agences locales de l’énergie, l’Anah ou les plateformes locales de la rénovation énergétique. Via une place de marché, les offres peuvent être proposées aux ménages. S’il n’est pas possible pour le ménage de recevoir au moins deux offres, l’obligation de rénover tombe.
Pour les copropriétés, l’avantage est qu’une partie du système est déjà en place : l’accès à une AMO est déjà obligatoire pour recevoir les aides pour travaux de rénovation énergétique en copropriété. Dans ce cas, le fait générateur est le ravalement de façade (tous les 20 ans environ), et non pas la mutation, puisque les mutations dans ce type de bâtiment ne se font pas au même moment. En outre, une obligation d’isolation existe déjà lors des ravalements mais elle n’est quasiment jamais appliquée. De plus, l’isolation de la façade ne suffit pas à garantir des gains énergétiques performants. L’enjeu est donc de modifier la loi pour qu’une rénovation globale niveau BBC soit associée aux ravalements de façade. Pour faciliter la mise en oeuvre de cette obligation, les copropriétaires devraient provisionner progressivement, à partir de 2024, à un fonds travaux, pour mener de futurs travaux de rénovation performante.
Accélérer la rénovation des logements : une mesure portée par les 62 organisations du Pacte du Pouvoir de Vivre
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2. Secteur privé : obliger les grosses entreprises de s’engager à réduire de leur empreinte carbone
Actuellement, le projet de loi ne prévoit aucune contrainte pour les grosses entreprises, alors qu’elles ont un poids considérable dans l’empreinte carbone nationale (les émissions produites sur le territoire français, mais aussi les émissions indirectes qui proviennent des importations). En effet, sur les 80% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour que la France atteigne les objectifs de l’accord de Paris, 60% dépendent des actions de l’Etat et des entreprises. Seulement 20% de cette baisse est liée aux gestes individuels ! Or, les grandes entreprises, et plus concrètement les entreprises du CAC40, ne sont pas actuellement sur la bonne voie : au rythme actuel, elles nous mènent vers un réchauffement climatique de +3,5°C2, donc très loin de l'objectif fixé par l'accord de Paris !
Cette obligation s’adresserait aux plus grosses entreprises3, qui actuellement, sont soumises à une obligation de reporting extra-financier, mais qui, dans les faits, ne reçoivent aucune sanction en cas de non respect. De plus, l’obligation actuelle concerne le calcul et la communication de leurs émissions, mais pas leur réduction !
La mesure de la Convention citoyenne vise à obliger ces entreprises à publier un rapport climat, comprenant un engagement de réduction de leur empreinte carbone compatible avec l’accord de Paris. Ce rapport doit également présenter les investissements que l’entreprise compte faire pour atteindre ses objectifs, notamment en matière de formation des salariés. Une autorité publique devra vérifier que les trajectoires de réduction de l’empreinte carbone sont bien respectées et sanctionner l’entreprise le cas échéant. La sanction est indispensable car on ne peut attendre l’autorégulation des acteurs privés.
Par exemple, si l’ensemble des banques françaises se sont engagées à être alignées avec l’Accord de Paris, le cabinet Carbone 4 Finance a démontré dans une étude réalisée pour Oxfam, qu’à travers leurs investissements dans les énergies fossiles (pétrole, gaz de schiste…) elles se situent sur une trajectoire de réchauffement à +4°C !
Cette obligation est une opportunité pour se mettre sur la bonne trajectoire ! Tout au tard, toutes les entreprises du monde devront adapter leur business model aux enjeux climatiques. Planifier à l’avance cette transformation leur permet d’anticiper les coûts et les mesures nécessaires, plutôt que de repousser à plus tard des actions qui seraient, de par l’urgence de la situation climatique, beaucoup plus radicales.
Renforcer la responsabilité climatique des grandes entreprises : une mesure portée par les 62 organisations du Pacte du Pouvoir de Vivre
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Sources
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Conclusions du Haut Conseil pour le climat, du Conseil national de la transition écologique, Conseil économique, social et environnemental, du cabinet de conseil Carbone 4 et du Boston Consulting Group (BCG), consulté par le gouvernement lui-même.
- CAC degrés de trop : le modèle insoutenable des grandes entreprises françaises, Oxfam France 2020
- Les sociétés cotées qui ont plus de 500 salariés et un bilan supérieur à 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaire supérieur à 40 millions d’euros et les sociétés non cotées de plus de 500 salariés et ayant un bilan ou un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, sont déjà soumises à une obligation de reporting extra-financier.
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