Dans les Montes de Maria, en Colombie, Maëlle et Harold ont créé « L’école des jeunes pousses ». Conçu pour rétablir le lien entre agriculture, écologie, santé et souveraineté alimentaire, ce projet donne aux enfants et aux jeunes, entre 6 et 16 ans, une autre manière de penser leur territoire et de découvrir les liens qui unissent les humains à la nature. Un projet soutenu par notre programme Génération Climat à destination de la jeunesse engagée.
C’est lors d’une mission de reforestation à Ovejas que Maëlle (26 ans) et Harold (31 ans), se rencontrent. Ils partagent l’amour de l’Amérique Latine et tous deux exercent des activités dans l’éducation et l’écologie. Harold natif de Colombie, effectue une mission avec l’ONG Envol Vert comme coordinateur de reforestation de la forêt tropicale sèche dans les Montes de Maria. Maëlle travaille alors dans un parc national. C’est suite à leur rencontre avec Carmelo Gonzalez, directeur de l’établissement scolaire d’El Palmar, que l’histoire de L’école des jeunes pousses commence à s’écrire.
Faire l’école différemment pour retisser le lien à la terre
Carmelo est très concerné par les questions d’éducation et d’environnement, participe à la création de la pépinière au sein de son école avec Envol Vert. Si les élèves sont associés aux « mingas » ces grandes journées de reforestation (600 arbres d’essence locale ont été replantés en 2019), Carmelo regrette que ces actions de sensibilisation restent isolées. Il souhaite inscrire l’agro-écologie au programme scolaire et l’intégrer comme une matière à part entière. Son objectif est de former ses 230 élèves afin de leur apporter de vraies connaissances et de réelles compétences pour, à partir de la compréhension du système alimentaire dans son ensemble, leur faire redécouvrir les liens qui unissent l’homme à la nature.
L’agroécologie, une voie vers la souveraineté alimentaire
Pour Carmelo, enseigner l’idée du respect de la terre ne suffit pas. Il faut donner les moyens et les compétences aux jeunes de restaurer leur environnement malmené, tout comme les communautés, dans cette région particulièrement touchée par le long conflit armé opposant paramilitaires et guérilleros. Essentiellement défrichée pour la monoculture de tabac, la forêt tropicale sèche de cette région souffre toujours des pratiques néfastes pour les sols et les écosystèmes, qui menacent la biodiversité dans son ensemble.
Avec une agriculture sous l’emprise d’industries agroalimentaires, (pesticides, monocultures, déforestation pour l’élevage ou cultures sur brûlis intensif) l’alimentation vivrière est largement déficitaire et donc l’autonomie alimentaire très limitée. Réapprendre les principes de l’agroécologie dès le plus jeune âge permettra de recréer le lien entre les populations jeunes délaissant la région pour les zones urbaines et la terre nourricière.
C’est à cette volonté de dispenser un enseignement théorique autant que pratique, organisé autour de quatre espaces d’apprentissage : un laboratoire, une pépinière et un potager, une cuisine (atelier de transformation), et une cantine (lieu de consommation et d’éducation à la nutrition), que Maëlle et Harold s’associent en créant L’école des jeunes pousses.
Éduquer pour revaloriser le métier de paysan grâce à une école ancrée sur son territoire
Pour rester en cohérence avec le plan d’éducation générale de l’école, la création du contenu des supports pédagogiques doit rester basée sur des standards d’apprentissage communs aux autres matières. C’est ainsi que pour la création et l’édition du manuel scolaire d’agroécologie, Maëlle et Harold, en étroite collaboration avec les enseignants de l’école, construisent une trame dont les modules sont déterminés en fonction de l’âge des enfants, de leur niveau, tenant compte aussi du programme de SVT, des recommandations du ministère de l’Éducation colombien et des travaux de recherche existants.
Au-delà de la création du contenu et de l’organisation de l’enseignement des enfants, l’école des jeunes pousses forme les professeurs pour les accompagner à faire de l’agroécologie une matière scolaire à part entière. L’accent étant mis sur des activités à thème s’étalant sur une période de deux mois par module, à raison de deux heures par semaine. Exemple : le phénomène de la pollinisation. La partie théorique et expérimentale sera faite en laboratoire, l’observation et la pollinisation (réalisée manuellement) s’effectueront dans la pépinière et le potager, puis le miel, ses applications, ses bienfaits nutritionnels, et plus généralement sa valorisation seront abordés dans l’espace cuisine puis dans le lieu de consommation.
C’est ainsi qu’au-delà des murs de l’école, grâce aux élèves, à leurs familles et aux enseignants mobilisés, l’école des jeunes pousses souhaite participer à la réappropriation par la communauté de tout son écosystème alimentaire, et ce afin de lui rendre son autonomie et permettre aux jeunes de construire leur avenir sur leurs terres et de pouvoir vivre durablement de leurs activités.
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