Les 3 prochaines années seront cruciales pour ne pas dépasser la barre des +1,5°C, affirme le GIEC dans le troisième volet de son rapport dédié aux solutions, publié lundi 4 avril. S’il reste possible d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, une action très forte et rapide est indispensable. Comment faire ? Quelles propositions portons-nous à la FNH pour y arriver ? Décryptage.
Depuis 2018, le GIEC prévient : pour respecter l’Accord de Paris, les émissions mondiales doivent être réduites de 45% d’ici à 2030, en éliminant progressivement les énergies fossiles. L’Europe, pour faire sa part, s’engage à réduire ses émissions de 55% à cette échéance. Pourtant, les émissions continuent d’augmenter et les politiques actuelles entraîneraient un réchauffement de 2,7°C ou plus d'ici la fin du siècle ! Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) identifie les grands leviers pour changer la donne. Des mesures qui nous permettront de faire face au changement climatique, mais pas que : elles nous permettent aussi de lutter contre la crise alimentaire et énergétique que nous traversons actuellement.
-Au-delà, se produiront des impacts irréversibles pour les écosystèmes et donc pour les humains (mort des récifs coralliens et de la mangrove, disparition de certains glaciers, extinction de certaines espèces…)
-14% des espèces terrestres seront menacées à +1,5°C, mais ce chiffre s’élève à 29% si on atteint les + 3°C
-Il pourrait y avoir 143 millions de déplacés climatiques supplémentaires en 2050 si on n’agit pas
-Si on maintient la trajectoire actuelle, la production de maïs devrait chuter de 1/5 à 1/3 d’ici la fin du siècle.
-L'inaction est plus coûteuse que les investissements nécessaires pour lutter contre la crise climatique.
Les solutions pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre
La sobriété avant tout
“Les changements socioculturels et de mode de vie peuvent accélérer l'atténuation du changement climatique”. Pour la première fois, le GIEC affirme que la sobriété est indispensable pour relever le défi climatique car c’est un moyen de nous passer de l’énergie produite. La meilleure énergie est en effet celle que l’on ne consomme pas !
La sobriété, grande négligée des politiques publiques, concerne tous les secteurs, et contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, aura de grandes vertus pour le pouvoir d’achat des ménages.
Les propositions de la FNH pour la France :
- Favoriser la réduction des consommations énergétiques des ménages notamment par la rénovation énergétique des bâtiments ;
- Réduire les déplacements motorisés contraints et les vitesses excessives : développement massif des alternatives à la voiture (vélo, train, marche), télétravail, généralisation du 30km/h en ville…
- Renouveler des politiques d’aménagement du territoire pour favoriser les proximités ;
- Faire évoluer l’industrie automobile vers des véhicules plus légers et des batteries 100% recyclées ;
- Réduire la production et la consommation de protéines animales.
- Réduire drastiquement le gaspillage alimentaire.
Energie : le développement des renouvelables, une priorité
La production d’énergie est le secteur le plus émetteur au niveau mondial. Le conflit russo-ukrainien a mis en lumière les problèmes de sécurité énergétique et la vulnérabilité des combustibles fossiles face aux crises géopolitiques. L'Agence internationale de l'énergie a souligné la nécessité d'une transition vers des énergies propres pour protéger les consommateurs contre les hausses de prix liées à notre dépendance au pétrole et au gaz étrangers.
Depuis le dernier rapport du GIEC en 2018, des progrès ont été effectués pour l'énergie solaire photovoltaïque et l'énergie éolienne terrestre et marine avec des coûts en forte baisse. Actuellement, dans de nombreux contextes, les énergies renouvelables sont désormais compétitives par rapport aux énergies fossiles. D’ailleurs, le GIEC affirme que leur potentiel d’atténuation est beaucoup plus fort que celui du nucléaire, et bien moins coûteux.
Les propositions de la FNH pour la France :
- Accélérer le développement des énergies renouvelables, les seules à même d’offrir une énergie décarbonée avant 2035 ;
- Financer massivement la rénovation thermique des logements, sans reste à charge pour les ménages les plus précaires ;
- Mettre fin à la vente des véhicules diesel et essence dès 2035.
Agriculture et alimentation : changer de régime alimentaire et développer l’agroécologie, deux leviers clés
Le secteur de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt représente un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Selon le GIEC, il est nécessaire de s’attaquer aux émissions de méthane pour ne pas dépasser les +1,5°C. Or l’élevage représente 32% des émissions globales de méthane…
Un des plus grands potentiels de réduction d’émissions avancé par le GIEC c’est le changement de régime alimentaire avec une part plus importante de protéines végétales, une consommation modérée d'aliments d'origine animale et une consommation réduite de graisses saturées.
Par ailleurs, le GIEC indique que l’agroécologie (dont l’agriculture biologique) a également un potentiel d’atténuation (notamment par la non-utilisation d’engrais de synthèse, très émetteurs de protoxyde d’azote) et une meilleure séquestration du carbone (grâce notamment aux rotations de cultures, aux cultures de couvertures, à l’utilisation du fumier et à l’inclusion de l’agroforesterie). Le GIEC précise qu’il existe des preuves solides sur le fait que l’agroécologie peut améliorer la résilience des systèmes, notamment face au dérèglement climatique et qu’elle apporte de multiples co-bénéfices : pour la biodiversité, la qualité de l’eau, la protection des sols, la capacité de rétention d’eau, la qualité de l’air, la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs.
Les propositions de la FNH pour la France et l’Europe :
- Maintenir les ambitions de la stratégie européenne Farm to Fork (F2F) pour accompagner la transition agro-écologique de l’Europe de nos modes de productions aux régimes alimentaires et réviser le Plan Stratégique Nationale de la Politique Agricole Commune afin qu’il contribue aux objectifs du Pacte Vert européen ;
- Orienter les financements publics, dont la PAC, et privés pour accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique ;
- Allouer temporairement un budget supplémentaire à la restauration collective pour permettre l’achat de produits bio et assurer le soutien à l'investissement de la restauration collective pour garantir l’accès à une alimentation durable.
- Diminuer d’au moins 50% la production et la consommation de produits animaux issus d’élevages non durables et orienter la demande vers des produits issus d’élevages durables et au plus territorialisés ;
- Augmenter les apports en protéines végétales (légumineuses, fruits à coque, céréales complètes, etc.) issus de modes de production durables et au plus territorialisés.
Transport : le secteur qui a le plus gros potentiel d’atténuation
Actuellement le secteur des transports est le deuxième secteur le plus émetteur au niveau mondial. Il représente 31% des émissions de GES de la France. C’est également l’un des secteurs dont les émissions pourraient être rapidement et fortement réduites si nous mettions en place les mesures d'atténuation nécessaires : sobriété (réduction des déplacements contraints…), utilisation des modes les moins polluants (vélo, transports en commun, marche…) et accélération du passage à l’électrique.
Les propositions de la FNH pour la France :
- Investir massivement dans les alternatives à la voiture : transports en commun, vélo, covoiturage ;
- Accompagner les ménages les plus en difficultés, pour qui la voiture thermique est - ou risque de devenir - un piège financier et organisationnel ;
- Accélérer le déploiement des véhicules électriques.
Coopération : la transition ne se fera pas sans un soutien économique et technologique aux pays en développement
Les pays en développement sont les plus vulnérables face au changement climatique, pourtant leur responsabilité historique est moindre : Les émissions liées au mode de vie des citoyens à revenu moyen et des plus pauvres des économies émergentes sont de 5 à 50 fois inférieures à celles de leurs homologues des pays à revenu élevé. En 2009, les pays du Nord s’étaient engagés à aider les pays du Sud avec plus de 100 milliards de dollars par an, mais on est bien en-deçà de ce montant… Pour répondre aux besoins de déploiement rapide des options d'atténuation, les investissements mondiaux devraient être multipliés par un facteur de trois à six.
Les solutions sont sur la table, nos décideurs doivent agir !
A quelques jours du premier tour, il est indispensable que les candidats à la présidentielle s’emparent des conclusions de ce rapport. Les solutions qui y sont présentées nous les portons depuis des années. Maintenant le GIEC les met en lumière. Nos décideurs ne pourront pas dire qu’ils ne les connaissaient pas. A eux et elles de s’en saisir pour sauver notre avenir et à nous de nous mobiliser pour les pousser à le faire !
Signez notre appel pour plus de climat dans les débats présidentiels : depuis le début de la campagne, la place de la crise climatique n’a pas dépassé 5%. Pourtant, pour 94% des Français il s’agit d’un enjeu capital.
Marchez le 9 avril : La veille du premier tour, rassemblons-nous pour faire des 5 prochaines années celles de la justice, du climat, de l’égalité et de la paix. La mobilisation paye : le weekend du 12-13 mars (marche Look Up et Débat du Siècle) la place du climat dans l'espace médiatique a été multipliée par 5 ! Le 9 avril, remobilisons-nous pour mettre en lumière les enjeux clés pour notre avenir !
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