Projets soutenus

LOA : le gouvernement hypothèque notre avenir au bénéfice d’une minorité d’agriculteurs

Publié le 27 mai 2024 , mis à jour le 28 mai 2024

La loi d’orientation agricole sera votée ce 28 mai à l’Assemblée Nationale. Malgré un an et demi d’échanges, une grande concertation (à laquelle les organisations de la société civile ont participé), et quelques minces progrès, les ambitions de la loi ont été réduites à peau de chagrin au fil des mois. A titre d’exemple, la loi facilite le déploiement d’élevages classés ICPE, alors que seulement 3% des élevages sont concernés[1], plutôt que de soutenir les 97% restants à adopter des modèles résilients.

"Ces dernières semaines, la boussole du gouvernement a été de satisfaire des demandes ne bénéficiant qu’à une minorité d’agriculteurs, et non de préparer les nouvelles générations agricoles à affronter les défis du siècle. Nous appelons le Sénat à faire preuve de discernement et à prendre en compte les maux structurels de l’agriculture, plutôt qu’à céder à la démagogie".

Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer à la FNH

Enfin, pour la FNH, les quelques améliorations obtenues à la marge de ce texte[2] ne sauraient faire oublier la présence de reculs inacceptables, qui envoient l’agriculture française dans le mur et risquent de contrevenir au droit environnemental[3].

3 mesures pour que le Sénat redonne de l’ambition à cette loi :

1. Prioriser les installations agroécologiques et l’élevage durable aux autres projets d’installation, notamment grâce à : 
  • Une régulation du foncier (en limitant l’agrandissement des exploitations au-delà de 300 hectares et en priorisant systématiquement des projets répondant à des critères sociaux et environnementaux).
  • Une modulation des aides publiques (dotations jeunes agriculteurs par exemple) selon ces mêmes critères.
2. Revenir sur les reculs environnementaux votés dans le volet simplification de ce projet de loi, conformément aux avis du Conseil d’Etat et de la Défenseure des droits. Aujourd’hui, ce volet acte :
  • La possibilité pour le gouvernement d’adapter par ordonnance l’échelle des peines prévues pour les atteintes à l’environnement.
  • La suppression de la qualification de délit s’il n’y a pas d’intentionnalité de détruire des espèces protégées (alors même que l’intentionnalité est très difficile à prouver).
  • Une facilité donnée aux constructions de méga bassines et d’élevages intensifs alors que ceux-ci sont des modèles qui nuisent au renouvellement des générations, fragilisent notre souveraineté et ne concernent qu’une extrême minorité d’exploitations.
3. Renforcer l'ambition du diagnostic lors de l’installation, seul article qui pourrait soutenir l'agroécologie (notamment en réintégrant le diagnostic sur la qualité et santé des sols, en ajoutant un module sur la biodiversité, et en le rendant obligatoire en contrepartie d’une prise en charge financière).

Sources

[1] On parle ici d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement qui sont soumises à une autorisation au regard des risques potentiels qu’elles peuvent présenter pour l’environnement et la santé humaine.
[2] Quelques mentions dans les orientations générales du texte constituent des progrès par rapport à la version initiale (la “préservation du pâturage” et le respect de la Stratégie Nationale Bas Carbone mentionnés à l’article 1, l’importance de l’agroécologie et de l’agriculture bio dans les politiques d’installation et de transmission) mais ne sont pas assorties de leviers concrets. Enfin, la FNH salue le rétropédalage du gouvernement sur les surfaces en bio et en légumineuses qui avaient été retirées dans le code rural, qui ont finalement permis d’actualiser via ce projet de loi nos objectifs en fixant de nouvelles cibles : 21% de surface agricole utile en bio et 10% en légumineuses d’ici 2030.

[3] Le Conseil d’État a en effet proposé de ne pas retenir l’article 15 prévoyant l’accélération des procédures précédentes, pointant les risques de constitutionnalité. La défenseure des droits, quant à elle, souligne que cet article porte atteinte au droit de recours des citoyens.

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