Notre consommation de produits animaux a doublé depuis 1950 : nous mangeons davantage de fromage, de volaille, de charcuterie, ou encore de plats préparés carnés. Hélas, cette consommation effrénée a entraîné l'industrialisation d'une grande partie de l’élevage français et, avec elle, des impacts néfastes pour la planète, notre santé et les éleveurs.
Pourquoi manger moins de viande et de produits laitiers ?
🌍 1. Pour lutter contre le dérèglement climatique
Notre alimentation représente presque 1/4 de nos émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles, 80 % sont liées à l’élevage[1] et sont produites essentiellement par la digestion des ruminants, la production de l'alimentation animale et les déjections.
💪 2. Et pour nous adapter au dérèglement climatique !
Les élevages, en particulier intensifs, sont vulnérables aux aléas climatiques. Pourquoi ?
- Ils sont fortement dépendants de la production d’alimentation animale, elle-même soumise aux changements climatiques (sécheresses, inondations, etc). Par exemple, l’alimentation des animaux repose notamment sur le maïs, culture d’été très consommatrice d’eau, alors que les sécheresses se multiplient.
- Ils reposent sur des races d’animaux issues de nombreuses sélections génétiques, dont la santé est plus fragile.
Au contraire, les élevages en agroécologie sont plus résilients face à tous ces chocs, notamment grâce à une diversification des productions, à la présence de races rustiques (plus résistantes et adaptées à leur territoire) et à la présence de haies pour offrir de l’ombre aux animaux et aux cultures, ainsi que pour réguler le cycle de l’eau et nourrir le sols [2].
☠️ 3. Pour limiter la pollution de l’eau et des sols
Cette pollution provient de l’usage d’engrais de synthèse pour produire l’alimentation animale et l’épandage d’effluents d’élevage (fumier, lisier…) qui produisent des nitrates. Elle est surtout issue des élevages intensifs de porcs, volailles et d’élevages laitiers, qui regroupent beaucoup d’animaux sur de petites surfaces. C'est d'ailleurs le cas du Nord de la Bretagne, où la présence de nombreux élevages à forte densité a causé la production d'algues vertes.
Pour toutes ces raisons, remplacer la viande de bœuf par de la viande de porc ou de volaille issues d’élevages intensifs n’est pas une bonne idée ! Si leur production entraîne moins d’émissions de gaz à effet de serre que la viande bovine, elles sont à l’origine d’autres effets néfastes pour l’environnement.
💧4. Pour préserver la ressource en eau
En France, l’agriculture est la 1ère activité consommatrice d’eau, en particulier en raison du maïs, qui représente 60% des cultures irriguées [4]. Ce maïs est majoritairement destiné à l'exportation et à l’alimentation des animaux d'élevages intensifs... et plus il y a d'animaux avec des objectifs de production élevés, plus les besoins sont importants.
A savoir qu’il existe d’autres sources de consommation d’eau dans l’élevage, mais dans des proportions moindres comme l’abreuvement des animaux (saviez-vous qu’une vache consomme entre 50 et 150 litres d’eau par jour ?[5]) ou encore le nettoyage des bâtiments et des équipements.
🦋 5. Pour préserver la biodiversité
Les élevages reposent parfois sur des monocultures intensives pour produire l’alimentation animale. Ces productions sont très dépendantes des pesticides et engrais de synthèse, dont l’utilisation massive est une des premières causes d’effondrement de la biodiversité ! Il existe néanmoins d’autres systèmes plus extensifs, notamment l’élevage pâturant respectueux et favorable à la biodiversité, en particulier l’élevage bovin à l’herbe.
Par ailleurs, en France, nous importons 2,6 millions de tonnes de tourteaux de soja chaque année pour nourrir les animaux d’élevage ! Ce soja vient à 70 % d’Amérique du Sud (Brésil et Argentine principalement). Problème : ce soja majoritairement OGM contribue à la déforestation et reçoit de nombreux pesticides, la plupart interdits en Europe !
🐓 6. Pour favoriser le bien-être animal
Le bien-être animal dépend directement du niveau d’intensité de l’élevage et aussi du type d’élevage. Hélas, en France :
- 95 % des porcs sont élevés en système intensif (pas accès à l’extérieur, pas de paille, des cages de maternité pour les truies) [6] ;
- 83 % des poulets de chair, 97% des dindes et la majorité des canards n’ont pas accès à l’extérieur [7] ;
- 10 % des vaches laitières sont en zéro pâturage [8].
Qu’en est-il des vaches élevées pour leur viande ? Globalement, les élevages bovins destinés à la viande se distinguent nettement des autres élevages sur le bien-être animal : ils ont accès à l’extérieur toute l’année pour pâturer. Néanmoins, la phase de « finition », c’est-à-dire l’engraissement de l’animal quelques mois avant son abattage, se fait en intérieur et de façon intensive. Elle a lieu en France pour les bœufs et dans d’autres pays (Italie principalement) pour les broutards (veaux de 8 mois environ), après avoir été transportés vivants.
💚 7. Pour préserver notre santé
Plus d’⅓ des Français dépasse les niveaux de consommation de viande rouge recommandés par le Programme national nutrition santé (500 g /semaine). Est-ce grave docteur ? Oui ! La surconsommation de protéines animales est associée à des risques accrus de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète...), ainsi qu’à une sous-consommation de fibres, pourtant essentielles pour notre santé : elles préviennent de maladies comme l’obésité, le diabète, le cancer ou le cholestérol.
Consommer au moins 25 g de fibres par jour nécessite donc de rééquilibrer son alimentation en favorisant les produits végétaux !
💶 8. Pour permettre aux éleveurs de vivre de leur métier
Aujourd’hui, les éleveurs sont les grands perdants de ce système intensif à plusieurs niveaux :
- de faibles salaires pour les éleveurs bovins : près d’un éleveur sur 4 vit sous le seuil de pauvreté. Par exemple, pour 58h de travail/ semaine, les éleveurs laitiers gagnent moins d’un Smic net horaire, dont 84 % en moyenne dépend des subventions publiques !
- des salaires très variables pour les éleveurs de porcs et volailles, ce qui rend ces exploitations peu résilientes et dépendantes d’aides de crise ;
- un fort endettement : en 2020, le taux d’endettement des exploitations d’élevage se situe entre 40 et 70% [9]. Ce taux est plus important pour certains types d’élevage, comme les élevages porcins et de volailles [10] ;
- une difficulté à transmettre les exploitations : seulement 45 % des départs sont compensés par les installations [11].
Les causes de cette situation : des exploitations de plus en plus grandes (et donc plus coûteuses) sont nécessaires pour produire plus à moindre coût, les prix des engrais de synthèse et de l’alimentation animale augmentent et la répartition de la valeur entre tous les acteurs de la filière est inégalitaire, au détriment des éleveurs.
🌱 9. Pour favoriser un élevage durable français et non pas un élevage intensif ici ou ailleurs
Avec toutes les difficultés économiques subies par les éleveurs, le nombre d’exploitations diminue (- 30 % en 10 ans), ainsi que le cheptel français (ensemble des animaux d’élevage). Or, notre consommation ne diminue pas pour autant ! Le problème :
- La baisse du cheptel français est subie et se fait au profit des plus gros élevages qui absorbent les plus petits. Réduire le nombre d'animaux d'élevage est essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques, mais cela doit se faire au profit des exploitations plus durables et non pas l'inverse ! Manger moins de produits animaux, mais privilégier la qualité permet de soutenir les élevages locaux et durables.
- Nous importons de la viande pour satisfaire cette consommation. Une partie de ces importations provient de pays extra-européens où les normes sanitaires et environnementales sont souvent moins exigeantes qu’en Europe, voire inexistantes ! Ces produits, régulièrement vendus moins chers, font subir aux éleveurs français une concurrence déloyale, ce qui aggrave davantage leur situation.
🍽️ 10. Pour améliorer notre souveraineté alimentaire
Nous dédions 64 % de notre surface agricole utile à la production d'aliments pour nos animaux ! Pour la produire, nous importons la majorité des engrais de synthèse nécessaires aux cultures intensives. Comme cette production est insuffisante, nous importons également de l’alimentation animale d’autres pays.
Résultat : nous n'avons pas suffisamment de surfaces pour cultiver des aliments dédiés à l'alimentation humaine, comme des légumes secs, des fruits ou des légumes, ce qui nous oblige à les importer.
Ces dépendances sont une menace pour notre souveraineté alimentaire car les prix de ces importations sont liés aux cours mondiaux et peuvent parfois exploser en cas d’aléas géopolitiques, comme cela s’est passé au début de la guerre en Ukraine.
Sources
[1] Réseau Action Climat
[2] CIVAM, Réseau Action Climat. (2023). Résilience de l’agroécologie face aux crises économiques et climatiques.
[3] CGAAER. (2022). Évaluation du coût du changement climatique pour les filières agricoles et alimentaires.
[4] Vie Publique. (2023). Eau et agriculture : sept questions sur les retenues de substitution (ou "méga-bassines")
[5] IDELE
[6] CIWF France. COCHONS & TRUIES
[7] WWF (2019). Viande : manger moins, manger mieux
[8] AFPF
[9] Le taux d’endettement correspond au rapport des dettes sur le total de l’actif.
[10] Agreste (2022). GRAPH’AGRI 2022
[11] La France Agricole. (2022). Renouvellement des générations : Assurer la relève des forces vives.
[12] Selon l’INSEE, entre juin 2020 et juin 2022, le prix a augmenté de +136 % pour les engrais, de +179 % pour le gazole, de +111 % pour les céréales.
[13] VizAgreste, rubrique «Évolution du nombre d’exploitations»
[14] ,[15] FranceAgriMer. (2023). La consommation de viandes en France en 2022.
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