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Élevage bovin viande : un modèle à bout de souffle pour les éleveurs et la planète

Publié le 24 septembre 2024 , mis à jour le 20 novembre 2024

Persuadée qu’il est possible de concilier la préservation du climat et de la biodiversité avec un élevage rémunérateur, la Fondation travaille depuis 2 ans à identifier les causes profondes de la détresse des éleveurs et à démontrer que l’agroécologie est la voie à suivre. A l’occasion du Sommet de l’élevage qui se réunit du 1 au 4 octobre à Clermont-Ferrand, elle publie un nouveau rapport inédit sur l’élevage allaitant et formule 5 recommandations pour sortir d’un modèle qui s’intensifie au détriment de l'environnement, des éleveurs de plus en plus pauvres et des contribuables.

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Éleveurs allaitants : changer de logique pour sortir de l'impasse

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Durant plusieurs mois, la Fondation pour la Nature et l’Homme a travaillé avec l’appui technique du bureau d’analyse sociétale LE BASIC pour identifier les causes socio-économiques responsables de la crise qui touche depuis des années les éleveurs de bovins destinés à la production de viande (aussi appelés éleveurs allaitants). Dans son nouveau rapport, elle révèle une réalité pour le moins déconcertante : les exploitations spécialisées en bovins viande sont les exploitations les plus soutenues financièrement par les subventions de la Politique Agricole Commune (PAC) : 50 302 euros en moyenne par exploitation, contre une moyenne de 33 618 euros pour les autres orientations technico-économiques (en 2020). Depuis 1988, le montant des subventions reçues a connu une forte tendance à la hausse, sans que cela se traduise pour autant par une hausse des revenus des éleveurs, au contraire (le taux de pauvreté des éleveurs allaitants est de 22 % en 2020 et ils font partie des agriculteurs aux revenus les plus bas).

Jusqu’à quand continuerons-nous à augmenter nos subventions vers un élevage qui rémunère de moins en moins ses éleveurs ? Ces aides publiques masquent des difficultés structurelles dont les agriculteurs sont les premières victimes et qui menacent à terme le modèle herbager français .

Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer à la FNH

Dans son rapport, la Fondation pour la Nature et l’Homme a identifié et analysé les causes d’une rentabilité qui décroit :

1. Des charges fixes qui augmentent  : +32 400€ en 30 ans. Les investissements dans les machines, bâtiments et consommations d’intrants (alimentation, engrais, essence) se sont envolés en raison de l’augmentation du nombre d’animaux par travailleur au sein des exploitations. 
 
2. Des recettes qui n'augmentent pas aussi vite : +29 700€ en 30 ans. En cause : les prix de vente des bovins sont inférieurs aux coûts de production. Entre 2018 et 2022, le prix de vente moyen par kilo était ainsi inférieur de 0,99 centimes d’euro au coût de production, et en dépit de la loi EGAlim visant à sanctuariser les coûts de production. 
La difficulté pour les éleveurs à couvrir leurs coûts de production s’explique par :
  • Le boom du steak haché au détriment des pièces à forte valeur ajoutée (comme la bavette ou l’entrecôte), alimenté par un fort développement de la Restauration Hors Domicile (1/4 des débouchés de la viande). Cela place les éleveurs allaitants en concurrence directe avec les éleveurs laitiers français et étrangers, ces derniers vendant leur viande 30 % moins chère. Et tout cela dans un contexte de diminution de la consommation totale de viande bovine (-3 points entre 2001 et 2021), au profit de la volaille (+ 7,5 points).
  • La forte asymétrie de pouvoir au sein de la filière qui empêche les éleveurs de négocier leurs prix et de couvrir leurs coûts de production. A titre d’exemple, en 2020, 2 steaks hachés sur 3 étaient fabriqués par un seul groupe industriel.
  • Une captation des aides publiques par l'industrie agroalimentaire et la grande distribution : l’attribution de subventions aux éleveurs permet aux acteurs de l’aval de réduire leurs prix d’achat de la viande. Ainsi, le prix de vente de la viande a baissé de 22 000€ entre 1988 et 2018 alors que les subventions augmentaient de 37 000€.
  • Une spécialisation dans l’exportation de jeunes veaux vifs qui ne créé pas de valeur ajoutée pour l’éleveur. Ces jeunes bovins sont notamment exportés en Italie pour y être engraissés de façon intensive, délocalisant ainsi la valeur ajoutée et incitant les éleveurs à spécialiser leurs races de vaches (charolaises et limousines par exemple).

Résultat de l’équation : de moins en moins d’exploitations et des éleveurs de plus en plus pauvres

Les exploitations ferment, se concentrent et la filière bovine connaît une décapitalisation non planifiée. La perte de 2 à 3% de vaches par an met en difficulté économique les abattoirs, déjà faiblement rentables (avec un revenu qui représente moins d’1% de leur chiffre d’affaires). Pour perdurer, ils développent des activités de transformation pour produire de la viande hachée, et privilégient notamment la viande importée. Un nouveau coup de massue pour les éleveurs, poussés à intensifier leurs pratiques, ce qui non seulement nuit à la planète, mais les endette davantage ! Un cercle vicieux qu’il est urgent de stopper.

II est important de se rendre compte que les subventions reçues par les éleveurs sont indirectement captées par l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Pour autant, ces maillons connaissent eux aussi des difficultés économiques, ce qui nous interroge. Il faut donc poser un constat lucide sur une filière qui pourrait péricliter faute de réflexion sur le modèle d’élevage à promouvoir, sur nos modes de consommation et sur le partage de la valeur entre les différents maillon.

Elyne Etienne, responsable élevage durable à la FNH

Pour offrir un avenir à la filière tout en agissant pour le climat et la biodiversité, la FNH appelle à changer de logique 

La FNH appelle à promouvoir une transition agroécologique ambitieuse à l’échelle de toute la filière.  Pour y parvenir, elle a identifié 5 grands chantiers : 
1. Une refonte du cadre des négociations commerciales
  • En conditionnant les exonérations fiscales et sociales des entreprises au respect de la loi EGAlim ;
  • En mettant en place des prix planchers couvrant les coûts de production (dont la rémunération) ;
  • En développant les contrats tripartites afin de sécuriser des débouchés plus durables pour les éleveurs (notamment l’engraissement de broutards).
2. Le lancement d’un grand plan de relocalisation de l’engraissement à l’herbe des broutards et de re-développement de races mixtes, via une concertation approfondie entre interprofessions bovines et l’implication des instituts de recherche.
 
3. La conduite d’un état des lieux des financements publics, directs ou indirects, alloués à tous les maillons de la filière bovine et le fléchage de ceux-ci vers un modèle agroécologique (élevage majoritairement à l’herbe, autonomie fourragère, sans intrants de synthèse) et territorialisé.
 
4. Une évolution dans la consommation de viande bovine vers le “moins et mieux” avec une réduction des quantités au profit d’une viande biologique ou label rouge, que ce soit à domicile ou hors domicile, et l’obligation pour la grande distribution comme pour la restauration hors domicile de proposer un pourcentage de viande sous labels et des alternatives végétales.
 
5. Un vaste plan de soutien aux abattoirs publics et aux filières laitières territorialisées afin de maintenir des exploitations bovines diversifiées sur le territoire, en mettant en place un fonds associant l’État, les collectivités et les entreprises (au travers d’un pourcentage de leurs bénéfices et investissements annuels).

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