La Commission européenne a finalisé les négociations sans preuves solides des impacts sociaux et environnementaux de l’accord.
La Fondation Nicolas Hulot, l’Institut Veblen, ClientEarth, Fern et la Fédération Internationale des droits de l’Homme alertent : la Commission n’a pas respecté son obligation légale de garantir que cet accord n'entraînera pas de dégradation sociale, économique et environnementale, ni de violation des droits humains. En cause : le premier projet de rapport de l’évaluation d’impact sur le développement durable (Sustainability impact assessment draft interim report) n’a été publié que quatre mois après l’annonce officielle de la fin des négociations… vidant ainsi de son sens le processus d’évaluation préalable des impacts et rendant impossible toute participation effective de la société civile. Alors que la ratification de l’accord UE-Mercosur sera une des priorités de la présidence allemande, les 5 organisations demandent à la médiatrice de l’UE de se saisir du dossier, afin de suspendre le processus de ratification tant que l’évaluation de l’impact n’aura pas été mené à son terme (y compris la consultation de la société civile sur les résultats et les recommandations, et la réponse de la Commission sur la prise en compte de ces résultats).
Un projet de rapport d’impact publié après les négociations et incomplet
La Commission européenne est tenue de conduire des évaluations d'impact indépendantes, menées à temps, afin qu'elles puissent éclairer les négociations de manière significative et transparente. Or, avec la publication du premier projet de rapport quatre mois après la fin des négociations, les organisations soutiennent que la Commission ne disposait pas des informations nécessaires sur des questions essentielles, telles que la déforestation de l’Amazonie, l'utilisation de pesticides dangereux dans l'agriculture ou les droits des populations indigènes.
D’autant que certaines parties cruciales de ce premier projet de rapport n’étaient pas encore finalisées. Des analyses complémentaires devaient encore être intégrées, telles que l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre autres que le CO2, sur la déforestation, sur l’utilisation des pesticides en Argentine et en Uruguay ou sur les ressources en eau au Paraguay et en Uruguay. Par ailleurs, certaines données utilisées, notamment sur la déforestation, sont anciennes et ne permettent pas de prendre en compte la dégradation actuelle de la situation, notamment au Brésil.
Le non-respect de cette obligation préalable d’évaluation est d’autant plus grave que l’accord UE-Mercosur pourrait contribuer à accentuer une situation déjà très dégradée en matière de droits humains et de respect de l’environnement, tel que cela a été analysé par l’Institut Veblen et la FNH dans leur rapport « Un accord perdant-perdant » sur les premiers éléments de l’accord rendus public.
Un accord très controversé au niveau européen
Négocié pendant 20 ans et souvent présenté comme un accord « voitures contre viande bovine », l’accord de commerce entre l’UE et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) a fait l’objet de nombreuses critiques, y compris de la part de Gouvernements d’États membres tels que la France ou l’Irlande. Les parlements autrichien, wallon et très récemment néerlandais ont même rejeté l'accord sous sa forme actuelle. La résolution du Parlement des Pays Bas, adoptée le 2 juin 2020, invoque en particulier le différentiel entre les standards sanitaires européens pour les produits importés et les produits européens, ainsi que la concurrence déloyale qui en découle pour les agriculteurs européens et déplore l’absence de clause contraignante pour protéger l’Amazonie et lutter contre la déforestation illégale.
L'accord UE-Mercosur en bref
- Avec plus de 260 millions de consommateurs et un PIB annuel de 2 200 milliards d'euros, le Mercosur est la cinquième économie en dehors de l'UE.
- Si le processus est couronné de succès, l'accord commercial sera le plus important conclu par l'UE pour la population concernée (780 millions de personnes) et l'un des plus importants en termes de volume d'échanges couverts (40 à 45 milliards d'euros d'importations et d'exportations).
- L'accord devrait encourager les exportations des entreprises européennes dans les secteurs de l'automobile, de la chimie, des produits pharmaceutiques et de l'habillement et leur offrir un accès accru aux marchés publics des États du Mercosur. En échange, les entreprises basées au Mercosur bénéficieraient, notamment dans l'industrie agroalimentaire, de débouchés plus importants sur le marché européen pour leur production, notamment la viande bovine, la volaille, le sucre/éthanol, etc.
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