Utiliser moins d'eau, moins de pesticides, gérer la plante ou l'animal au plus près : les promesses de l'agriculture de précision sont attrayantes. Pourtant, en grattant le vernis on découvre une réalité toute autre : on ne traite pas le problème, on continue de détruire l’environnement et de fragiliser encore plus les revenus des paysans. Explications.
L'agriculture de précision: un modèle aux antipodes de la transition écologique et sociale
Télécharger la note (format pdf - 239 Ko)L’agriculture de précision : Qu’est-ce que c’est ?
L'agriculture de précision n’a aujourd’hui pas de définition officielle bien que le terme soit de plus en plus utilisé, notamment par les pouvoirs publics. Développée à partir des années 90 en France, elle englobe un ensemble de techniques et de pratiques qui se fondent sur l’intégration des technologies de l'information et de la communication, afin d’observer, surveiller et gérer les activités agricoles ainsi que d’autres maillons de la chaîne d’approvisionnement.
La caractéristique centrale de l’agriculture de précision est le fait qu’elle repose sur une recherche d’optimisation agronomique à l’échelle de la plante cultivée (ou de l’animal lorsqu’il s’agit d’élevage) notamment grâce aux nouvelles technologies. Si elle cherche à optimiser son usage de l’eau et des intrants, ce qui pourrait partir d’une bonne intention, elle prolonge en fait la logique de l'agriculture dite « conventionnelle », qui cherche à traiter des symptômes plutôt qu'à rétablir des équilibres naturels à plus grande échelle.
Quelques exemples pour illustrer :
- Dans une approche à l’échelle de la plante, les rotations et les diversifications de cultures ne sont pas effectuées de façon systématique. La plante telle que le maïs peut être cultivée plusieurs années de suite avec pour conséquence l’épuisement rapide du sol, le développement de certaines maladies et ravageurs qui trouvent un "garde-manger" plusieurs années de suite.
- Placer des capteurs dans un champ, y compris des drones, pour surveiller l’humidité du sol ou les taux de nutriments dans des zones spécifiques du champ. Ces informations sont ensuite utilisées pour irriguer ou fertiliser en conséquence, de sorte à pouvoir réduire leur consommation d’eau ou d’intrants de synthèse grâce à une meilleure efficacité. La technologie numérique peut aussi servir à surveiller la santé et la croissance du bétail.
Quels impacts et risques environnementaux et sociaux de l’agriculture de précision ?
Du fait des investissements importants nécessaires l’agriculture de précision ne peut être engagée que par les exploitations agricoles les plus grandes et les plus spécialisées entraînant plusieurs conséquences :
- Environnementales : Ces modèles de productions se basant sur des productions peu diversifiées et des concentrations d’animaux importantes, ils sont responsables de l’appauvrissement des sols, d'émissions de gaz à effet de serre importantes et de pollutions de l’air, des eaux et du sol. De plus, ces modèles agricoles ont un fort impact sur la déforestation et l’effondrement de la biodiversité, deux facteurs qui augmentent le risque de zoonoses.
- Sociales : l’agriculture de précision demande des investissements qui risquent de favoriser un surendettement des agriculteurs et agricultrices, sans compter le coût en énergie, de ces technologies. Par ailleurs, du fait du remplacement des emplois par les machines, elle est va accroître la perte d’emploi du secteur. Selon le dernier recensement agricole français, quelques 200 000 actifs agricoles ont déjà été détruits entre 2000 et 2010, soit une baisse de 26 % (Agreste).
- Les technologies avancées peuvent favoriser une perte de savoir-faire et d’autonomie décisionnelle de l’agriculteur et de l’agricultrice.
- Enfin, elle entraîne des difficultés dans la transmission des fermes : celles-ci étant de taille considérable elles sont plus chères à la reprise.
Au contraire, l'agroécologique prône une prise en compte globale du territoire. Elle va par exemple :
- Intégrer des pratiques de rotations de cultures, afin de diminuer les risques de maladies, ou les risques d'épuisement des sols. Si certaines cultures comme les légumineuses, sont intégrées à la rotation, elles augmentent naturellement la quantité d'azote dans le sol et permettent l'année suivante l'installation de cultures plus exigeantes,
- Repenser les dates de semis pour combattre les ravageurs et maladies,
- Faire le choix de variétés culturales les plus tolérantes ou résistantes suivant le contexte, planter des haies plurispécifiques et des bandes enherbées permettant par exemple d’héberger des insectes auxiliaires.
En plus d’être respectueuse de l’environnement, l’agroécologie est synonyme de progrès car créatrice d’emplois et économiquement intéressante pour les agriculteurs.
Selon France Stratégie :
Les exploitations agroécologiques présentent en général des résultats économiques pour les agriculteurs à moyen terme supérieurs à ceux d’exploitations dites “conventionnelles”. C’est particulièrement le cas des exploitations en agriculture biologique (AB) au terme de leur transition.
Que faire face à ces impacts et ces risques ?
- Évaluer les risques avant d’allouer des financements publics au développement de l’agriculture de précision : des études publiques d’impacts sont nécessaires pour vérifier les avantages annoncés et pour mesurer les impacts environnementaux et sociaux. D’ailleurs, un article paru en mars 2020 dans la Global Food Security revue, basé sur une analyse de la littérature, insiste sur la nécessité de mieux en évaluer les risques. Tant que cette évaluation n’est pas menée, la FNH demande à ce qu’aucun financement public ne soutienne l’agriculture de précision.
- Face à l’urgence écologique et sociale, il est nécessaire d’amorcer une réelle transition des systèmes vers des pratiques agroécologiques, riches en emplois, créatrices d’activité sur les territoires, respectueuses du climat, de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal. Nous demandons aux pouvoirs publics que tous les efforts soient faits pour soutenir le développement de l’agroécologie, et en priorité l’agriculture biologique en tant que marché clé pour l’avenir de l’agriculture française.
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