Plus de 6 mois après la parution de la première version, le très attendu plan Ecophyto 2030 pour réduire l'usage des pesticides de 50% a finalement été publié en mai. Mais suite à la crise agricole et les reculs environnementaux, que reste-t-il de l'ambition française pour une véritable transition vers une agriculture sans pesticides de synthèse ?
Il y a quelques semaines encore, les agriculteurs défilaient dans les capitales européennes pour revendiquer la difficulté de vivre de leur métier et leur besoin de reconnaissance face à une concurrence mondiale exacerbée. La principale réponse apportée ? Un abaissement des normes environnementales sans réelle prise en compte de la question de la répartition de la valeur pour accompagner le changement de modèle d'agriculture pourtant nécessaire.
Après plusieurs semaines d'annonces contradictoires, le Gouvernement a finalement publié la version définitive du plan Ecophyto 2030 qui vise, pour rappel, à conduire à une réduction de 50% de l'usage des pesticides en France. Malgré des moyens supplémentaires, ce plan manque encore d'ambition sur plusieurs points clés défendus par la Fondation depuis le début des concertations. Décryptage…
L'ambition française de sortie du glyphosate
Rappel de notre demande : Inclure l’objectif de sortie du glyphosate dans le nouveau plan.
🚫 : Non atteint
Les objectifs fixés dans le cadre du plan spécifique sortie du glyphosate, inclus dans la précédente version d'Ecophyto, visaient à un arrêt de la majorité des usages. Ces objectifs sont toujours absents du plan Ecophyto 2030, malgré nos demandes formulées lors de la concertation fin 2023.
Les chiffres régulièrement cités par le ministre de l’Agriculture font état d’une baisse des ventes de glyphosate de 37 % entre 2018 et 2019. Cependant, ces ventes ont immédiatement connu une nouvelle hausse de 42 % entre 2019 et 2020 (dernières données publiées). Ces ventes restaient, en 2020, toujours supérieures à celles de 2009 et ont connu une hausse quasi-continue sur l’ensemble de la période 2009-2021.
Il est donc primordial de fixer un cap clair pour accompagner la sortie du glyphosate, dont l’interdiction était un engagement du président de la République...
L'objectif de réduction des pesticides et l'indicateur pour la mesurer
Rappel de notre demande : Fixer l’objectif de réduction de 50 % des pesticides en prenant comme seule référence les quantités utilisées en 2009, plutôt que celles de 2015-2017, qui représentent les plus hautes valeurs de ces 15 dernières années !
🚫 : Non atteint
On pourrait se réjouir, l'objectif de -50% est finalement conservé malgré les craintes initiales et la référence reste la moyenne triennale 2011-2013. En revanche, le HRI1 devient le nouvel indicateur de référence, le NODU est conservé mais ne sera plus communiqué comme référence. Cet indicateur n'est pourtant pas satisfaisant pour suivre l'évolution de l'usage des pesticides, puisqu'il :
- Ne tient pas compte de la dose d'application ;
- Tient compte de la toxicité des molécules mais ce risque n'est pas évalué pour la totalité des substances pesticides utilisées aujourd'hui.
Absent de la version publiée d'Ecophyto 2030, le NODU affiche pourtant une hausse de 3% des utilisations de pesticides entre 2011 et 2021 contre une baisse de 32% pour le HRI pendant la même période.
Ainsi, si l'ambition de réduire de 50% l'usage des pesticides est bel et bien conservée, la méthode de mesure de cette baisse conduit à surestimer la diminution d'usage des pesticides. Le HRI, indicateur dédié à la mesure des risques, doit être utilisé dans ce but et le NODU doit rester la boussole pour mesurer la baisse des usages.
Un système de pénalité pour faire baisser les ventes de pesticides
Rappel de notre demande : Imposer un système de bonus et de pénalités pour inciter l’agro-business à réduire drastiquement leurs ventes de pesticides et proposer des alternatives agroécologiques.
✅ : Atteint
Initialement absente, la mise en place de pénalités financières en cas de réalisation insuffisante des Certificats d'Economies de Produits Phytopharmaceutiques (CEPP) a finalement été intégrée dans la nouvelle version d'Ecophyto 2030.
Cette mesure, pour laquelle la Fondation se bat depuis plusieurs mois, vise à inciter les distributeurs de produits phytosanitaires à promouvoir des mesures de réduction d'usage et des risques associés à ces produits, sans pénaliser les seuls agriculteurs.
La Fondation salue la réintégration de cette mesure et compte sur la fixation de sanctions suffisantes pour crédibiliser le dispositif.
Vers la reconception des systèmes de productions agricoles
Rappel de notre demande : Lancer une réflexion globale sur la refonte de notre système agricole, aujourd’hui trop dépendant de l’usage des pesticides (monocultures, productions intensives…), pour aller vers des systèmes basés sur l’agroécologie.
🚧 : Partiellement atteint
Les travaux des filières sur les alternatives aux pesticides, notamment au sein du PARSADA, doivent conduire à déterminer les principales impasses techniques des filières. Toutefois, Ecophyto 2030 ne prévoit toujours pas de réflexions communes à l'ensemble des filières pour sortir des pesticides en restaurant la biodiversité agricole et diversifiant les productions agricoles.
Quelques mesures sont néanmoins prévues pour soutenir le monde agricole, par exemple par des investissements pour accompagner la diversification des productions agricoles sur les fermes en favorisant la création de débouchés économiques pour les nouvelles productions. Le plan prévoit également de renforcer la recherche et l'enseignement pour accompagner la reconception des systèmes agricoles.
La nécessaire reconception des systèmes de production agricoles reste le parent pauvre du plan Ecophyto 2030 malgré le consensus scientifique qui l'identifie comme un levier majeur pour accompagner la sortie des pesticides. La Fondation appelle à la mise en œuvre ambitieuse d'un plan d'accompagnement de cette transformation de l'ensemble des filières agricoles.
Des mesures miroirs pour limiter les distorsions de concurrence environnementales
Rappel de notre demande : Refuser l’entrée sur le marché européen d’aliments produits avec des pesticides interdits en Europe. Une situation dramatique qui fait subir à nos agriculteurs une concurrence déloyale.
✅ : Atteint
Le plan entérine la volonté de porter au niveau européen notamment la mise en œuvre des clauses et mesures miroirs pour éviter les distorsions de concurrence qui conduisent à freiner la transition agroécologique des agriculteurs européens. Pour cela, le plan Ecophyto propose différentes mesures également portées par la Fondation :
- Diminuer automatiquement les limites maximales de résidus (LMR) pour les molécules interdites au sein de l'UE au seuil de détection ;
- Supprimer les tolérances à l'importation (TI) accordées pour des substances interdites au sein de l'UE afin de ne pas bloquer les importations en provenance des pays tiers.
La Fondation soutient ces mesures et encourage les pouvoirs publics français à porter une position forte lors du prochain cycle européen afin que ces mesures soient intégrées dans la législation européenne.
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