Avec l’ONG foodwatch nous avons pris connaissance de deux documents concernant le CETA, transmis selon nos informations fin juin 2016 par le Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl, à un certain nombre de député(e)s. Ces documents présentent un argumentaire qui se veut extrêmement rassurant et positif sur le contenu du CETA.
Or ces arguments sont dans la grande majorité tout à fait contestables. Affirmer par exemple qu’«aucune norme sociale ou environnementale n’est ou ne sera remise en cause du fait du CETA » est une contre-vérité. Concrètement, rien ne garantit dans les 1600 pages de l’accord CETA une telle promesse.
Cela est d’autant plus préoccupant que nous avons affaire à des traités de commerce d’une nouvelle génération. Ils visent à réduire au maximum toutes les barrières au commerce, non seulement des droits de douane ou normes techniques, mais aussi les réglementations qui protègent l’environnement, les droits sociaux ou encore les consommateurs.
Ces traités auront en fait un impact durable sur notre vie quotidienne. Pascal Lamy, ancien directeur général de l’OMC, les décrit ainsi (en évoquant le TAFTA): « 80 % des obstacles aux échanges entre ces deux grandes économies proviennent de différences dans les règles de précaution et dans leurs modalités d'application. Le sujet n'est plus la protection des producteurs mais celle des consommateurs» dans les Echos du 20/12/2015
De plus, malgré les nouvelles implications de tels traités, qui induisent plus que jamais un besoin de transparence et de débat démocratique, le CETA pourrait être mis en application provisoire dès son adoption au niveau européen, et donc avant toute consultation des parlements nationaux. En effet, alors que le Commission européenne vient enfin d’annoncer le 5 juillet 2016 qu’elle considérait le CETA comme un accord mixte, qui relève donc à la fois des compétences européenne et nationale, l’entrée en application provisoire est toujours prévue à ce stade.
Pourtant, Matthias Fekl le reconnaît lui-même: « Les négociations commerciales modernes ne pourront plus se faire en cachette, à l'abri des regards, eu égard en particulier aux sujets désormais abordés. Il ne s'agit plus de négociations tarifaires classiques ; de nombreux sujets concernant potentiellement la vie de tous les jours sont évoqués. Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont donc indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord. » dans Ibid (Déclarations officielles de politique étrangère du 05 février 2016)
D’après les informations obtenues par foodwatch et la Fondation Hulot, deux documents ont été envoyés par le secrétariat de Matthias Fekl, secrétaire au Commerce extérieur, aux députés du groupe PS de l’Assemblée nationale, respectivement les 23 et 29 juin 2016 :
· Une lettre de réponse type « CT CETA/TAFTA »
· Une « NOTE POUR LES PARLEMENTAIRES – L’accord économique et social global entre l’UE et le Canada (« CETA ») : argumentaire. »
Les extraits ci-dessous ont été empruntés à ce second document.
Extrait numéro 1
C’est FAUX !
foodwatch a publié le 28 juin 2016 une analyse juridique de quatre experts de Göttingen, La Haye et Bruxelles sur l’impact du CETA et du TAFTA sur le principe de précaution. Leur conclusion est sans appel: « Il n’y a pas de référence claire au principe de précaution ni dans l’accord CETA ni dans le projet de TAFTA. En raison de cette lacune, il est probable que les règlementations européennes sur l’alimentation, existantes et futures, soient davantage contestées, retardées, ou même carrément bloquées avant leur adoption. »
Résumé de l'avis juridique en quatre points clés et cinq exemples - Analyse juridique en version longue
Par ailleurs, le CETA est un accord climaticide: continuer les négociations du TAFTA, et signer le CETA reviendrait à renoncer à l’application de l’Accord de Paris avant même son entrée en vigueur. De plus, le chapitre « Développement durable », qui traite des questions sociales et environnementales, est mentionné mais n’est pas contraignant, ce qui n’est pas acceptable.
Extrait numéro 2 :
VRAIMENT ?
Aucune étude d’impact n’existe pour étayer l’hypothèse d’un « accord gagnant pour l’économie française ». Parmi les rares références chiffrées, la Commission européenne affirme : « Globalement, l'accord UE-Canada pourrait engendrer une hausse du PIB de l'UE de pas moins de 11,6 milliards € par an. » Pour une population d’environ 508 millions d’habitants dans l’Union européenne, cela représente moins de 2 euros par mois par habitant d’ici une dizaine d’années…
Source : L’accord de libre-échange EU-Canada, faits et chiffres
Extrait numéro 3 :
C’est FAUX !
Le règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) reste une menace majeure pour les politiques d’intérêt général. La possibilité offerte aux investisseurs étrangers d’attaquer les Etats et autorités publiques devant des tribunaux d’arbitrage, au motif que des décisions politiques concernant la vie publique affecteraient les bénéfices de ces multinationales, est une véritable épée de Damoclès. La simple menace de poursuites risque de dissuader les pouvoirs publics d'adopter de nouvelles lois et réglementations d’intérêt général, par exemple de santé publique, environnementales ou sociales et bien sûr concernant l’alimentation. Face à une opposition grandissante, la Commission européenne a adopté le 12 novembre 2015 une nouvelle proposition, largement reprise dans le CETA : le système juridictionnel de règlement des conflits liés à l'investissement. Si certains éléments comme l’instauration d’un mécanisme d’appel se veulent rassurants, de nombreuses analyses concluent que ce système reste fondamentalement inapproprié et dangereux.
Par ailleurs, l’entrée en vigueur du CETA permettrait à quatre entreprises américaines sur cinq d’utiliser les tribunaux d’arbitrages contre les États membres grâce à leurs filiales canadiennes.
Sources :
- Analyse de 3 pages par 34 organisations de la société civile, janvier 2016
- Analyse de foodwatch, Powershift et Campact, février 2016
- Alfred de Zayas (Nations unies):
Extrait numéro 4 :
DANGER DE DENI DE DEMOCRATIE !
La Commission européenne a finalement confirmé le 5 juillet 2016 que le CETA serait bien considéré comme un accord « mixte ». Cependant, il est prévu une APPLICATION PROVISOIRE, AVANT TOUTE CONSULTATION DU PARLEMENT NATIONAL, sur les matières qui relèvent de la compétence communautaire.
PROBLÈMES :
- Au vu des enjeux de ce traité de nouvelle génération, dont les dispositions pourront avoir des effets sur tous les aspects de notre vie quotidienne, y compris les normes sociales et environnementales, toute application provisoire doit être rejetée, assurant le temps de débats démocratiques à tous les niveaux.
- Les « matières qui relèvent de la compétence communautaire » ne sont à ce jour claires pour personne, ni au niveau gouvernemental, ni au niveau européen.
Plus d’informations :
· http://www.foodwatch.org/fr/s-informer/topics/traites-ceta-ettafta/actustraitetransatlantique/
· http://www.fnh.org/magazine/ceta-lautre-traite-dangereux-quimenace-notre-democratie
L'article vous a été utile pour mieux comprendre cette actualité ?
Pour approfondir le sujet