Au cours de l’année passée le prix du pétrole a chuté de près de 60%. Il atteint aujourd’hui environ 40$ le baril. Cette évolution brutale met en lumière combien la dépendance aux énergies fossiles est porteuse de déséquilibre pour l’économie mondiale. Elle constitue aussi une opportunité pour les gouvernements de mettre en place les outils économiques indispensables pour réduire cette dépendance tout en préservant la stabilité du climat (fin des subventions aux énergies fossiles et prix du carbone).
L’imprévisibilité des prix du pétrole rend plus que nécessaire la transition énergétique
Si une règle se vérifie sur les prévisions en matière de prix du pétrole, c’est qu’elles ne sont jamais exactes. Avant la crise de 2008, le prix du baril avait atteint 147$ et certaines études envisageaient qu’il monterait jusqu’à 200$. Ce manque de prévisibilité et le risque de crise liés à ces fluctuations sont néfastes pour l’économie mondiale et la paix. Ainsi, de nombreux pays exportateurs de pétrole sont en grande difficulté car leur économie reposait trop sur une rente pétrolière qui a brutalement baissé. Il est donc urgent pour ces pays de diversifier leur économie. De l’autre côté, les pays importateurs bénéficient d’une réduction de leur déficit commercial. Cependant, la contrainte structurelle liée à un approvisionnement déficitaire en énergie de disparaît pas, de même que la menace d’une hausse future des prix. Pour s’affranchir de ces contraintes, ces pays doivent réduire leurs consommations tout en développant les énergies renouvelables, garanties d’indépendance.
Une opportunité unique pour basculer vers un monde bas-carbone
Fin des subventions aux énergies fossiles
Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), les énergies fossiles bénéficient chaque année de 5500 milliards de dollars de subventions. La baisse du prix du baril rend plus acceptable la réduction des soutiens à la consommation : près de 30 pays l’ont déjà fait. Le Mexique a supprimé ses aides au carburant et économisé près de 16 milliards de dollars entre 2012 et 2014. L’Inde a arrêté de subventionner le diesel, économisant ainsi 10 milliards de dollars en 2014. Si les gouvernements font ces choix davantage pour des raisons budgétaires qu’environnementales, les bénéfices pour le climat sont réels. Le seul fait de supprimer les subventions aux énergies fossiles permettrait de générer 12 % des réductions de GES nécessaires d'ici 2020. Ce serait une preuve concrète de la volonté des Etats de respecter l’engagement pris lors de la COP21 de limiter la hausse des températures à 1,5°C.
Mettre en place un prix du carbone
Les Etats doivent aussi se saisir de cette occasion pour enfin mettre en place un prix du carbone selon des modalités propres à chaque pays. C’est une condition nécessaire pour que les consommateurs et les industriels tiennent compte de leurs émissions de gaz à effet de serre dans leurs décisions et agissent pour les réduire. En renchérissant les énergies fossiles, l’instauration de prix carbone permettrait ainsi de rendre les énergies renouvelables encore plus compétitives. La COP21 a permis de montrer qu’un large consensus existait sur l’intérêt de cet outil comme le montre par exemple le lancement de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone qui regroupe de nombreux Chefs d'Etat, la Banque mondiale, le FMI, des collectivités locales et des chefs d'entreprise du monde entier.
En savoir plus sur les différentes formes de prix carbone et initiatives en cours sur ce sujet sur le site d’Alain Grandjean, économiste membre du Conseil scientifique de la FNH
La France doit être exemplaire
Depuis 2013, la France a introduit une composante carbone dans sa fiscalité. Elle s’élève à 22€/tCO2 en 2016 et devrait augmenter jusqu’à 56€ en 2020. C’est un point positif.
Cependant, notre pays subventionne toujours les énergies fossiles à hauteur de 3,42 milliards d’euros par an, selon l’OCDE et entre 8 et 10 milliards d’euros si l’on tient compte de l’avantage fiscal sur le diesel (non considéré comme une subvention par l’Etat français donc non comptabilisé dans les statistiques). La France exonère ainsi les vols intérieurs de taxe sur le kérosène ou fait bénéficier le transport routier de marchandises d’une fiscalité avantageuse. Compte tenu de l’urgence climatique et en tant que présidente de la COP, la France ne peut plus se permettre de mener une telle politique fiscale.
En plus, de son devoir d’exemplarité au niveau national, la France peut prendre le leadership au niveau international. Par exemple, en amenant les gouvernements de la coalition carbone pricing c’est à dire à mettre en place un prix du carbone au sein d’un corridor carbone (une fourchette de prix croissants dans le temps ce qui permet à chaque pays d’adapter les niveaux de prix à ses spécificités nationales). C’était une des propositions du rapport Canfin Grandjean sur les financements climat.
La France doit également plaider pour un prix du carbone sur le trafic aérien dans le cadre des négociations en cours à l’Organisation de l’Aviation civile internationale (OACI).
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