En s’inspirant des plus belles inventions de la nature, le biomimétisme propose une approche résolument novatrice de la science dont le principe est que les millions d’espèces qui vivent sur Terre ont su s’adapter à leur environnement pour y cohabiter de manière saine et durable sans le mettre en péril. Et s’il suffisait d’observer comment fonctionne le vivant ?
Le biomimétisme ne date pas d’hier…
Tous les organismes colonisant la planète ont développé des stratégies de vie adaptées à leur milieu pour se déplacer en marchant, en rampant, ou en volant ; pour vivre sur terre, sous l’eau, ou sur les plus hauts sommets ; pour fabriquer des matériaux, isolants, résistants, imperméables, adhérents ; pour capter et transformer l’énergie solaire…
Et depuis qu’il existe, l’être humain observe la nature et s’en inspire pour créer des outils, des objets du quotidien, se loger… Léonard de Vinci, lui -même créateur de génie, a toute sa vie étudié l’anatomie des chauves-souris et des oiseaux pour inventer des machines volantes. Avant lui, Jules César explique en quoi la carapace des tortues en forme de dôme a inspiré la formation de ses légions en tortue durant la guerre des Gaules pour leur permettre d’avancer tout en se protégeant de l’ennemi… et la bande Velcro qui reproduit les propriétés auto-agrippantes des crochets entourant les fleurs de la bardane accompagne, depuis 1941, notre quotidien : depuis les scratchs de nos vêtements jusqu’à l’usage qu’en fait la NASA pour fixer au mur les objets en apesanteur.
Petit tour d’horizon des applications du biomimétisme
Adapter la forme à la fonction :
Pour tous les secteurs d’activités humaines (agriculture, logement, énergie, transport, médecine, techniques de communication…), le biomimétisme propose des applications. Certaines sont depuis si longtemps intégrées à notre mode de vie que nous en oublions les origines ! Des plus simples comme les oiseaux palmipèdes qui ont inspiré les palmes, à la forme conique des aiguilles de piqûre reproduisant fidèlement le design de la trompe des moustiques pour supprimer la douleur du geste médical (car c’est bien la substance injectée qui fait mal et non la piqûre du moustique).
Celle plus complexe de l’aérodynamie du martin-pêcheur qui plonge et fend l’eau sans aucune éclaboussure : une propriété particulièrement intéressante pour les ingénieurs japonais dans la résolution d’un problème acoustique de leur TGV, le Shinkansen. En effet, s’inspirer de l’anatomie de l’oiseau leur a non seulement permis de remédier à la déflagration sonore liée à la vague de pression produite par l’entrée à vive allure dans un tunnel urbain, mais aussi d’améliorer son taux de pénétration dans l’air avec, à la clé, une augmentation de la vitesse et une réduction de 15% de la consommation électrique.
Dans le domaine de l’architecture, la structure de la termitière, ultra performante pour remédier à la forte amplitude thermique entre le jour et la nuit, a ainsi inspiré l’Eastgate Building, (un supermarché construit au Zimbabwe en 1996) qui en a fidèlement reproduit le système de climatisation pour maintenir une chaleur uniforme à moindre coût dans le bâtiment.
Repérer des propriétés exceptionnelles : requin des Galapagos, gecko, vision de la mouche...
C’est bien la peau du requin des Galapagos qui a inspiré la conception d’un revêtement anti-bactérien puisque grâce aux motifs très particuliers que forment ses écailles, aucune bactérie ne peut se poser ou proliférer sur sa peau, un immense espoir pour réduire considérablement le risque de maladies nosocomiales contractées dans les hôpitaux.
Le gecko peut, quant à lui, se déplacer sans problème la tête en bas, la force adhésive d’un seul de ses doigts lui permettant même de supporter l’ensemble de son poids. Cette très complexe propriété dite force de Van der Waals a conduit en 2011, des chercheurs américains à imiter la peau de ce gros lézard pour mettre au point un adhésif sec, très puissant et incolore. Le matériau baptisé "Geckskin" est capable de supporter plusieurs centaines de kilogrammes sur une surface équivalente à celle d’une fiche bristole !
Plus high-tech, le programme européen Curvace, inspiré par l’oeil simplifié de la mouche et sa vision sommaire des images, permettant néanmoins de se déplacer à toute vitesse sans heurter d’obstacles, cherche à créer un œil artificiel innovant pour aider les personnes aveugles dans leurs déplacements.
Biomimétisme des écosystèmes
Il ne s’agit pas de simplement de copier « techniquement » la nature. L’approche biomimétique aussi s’attache à comprendre l’extraordinaire richesse de la nature pour s’inspirer de sa fabuleuse capacité à connecter chaque élément qui la compose : de la plus petite bactérie ou micro-organisme au champignon, à l’araignée, jusqu’aux plus gros mammifères terrestres et marins. C’est savoir tirer des enseignements et considérer humblement l’ensemble des mécanismes qui régissent la planète depuis toujours : ajustement, adaptation et assimilation de tous les processus qui assurent sa pérennité. Une nature en open source, qui n’a déposé aucun brevet, fonctionne sans énergie fossile et sans générer de déchets. Garder une approche bio-inspirée, au niveau industriel, c’est choisir ce modèle de fonctionnement visant la stabilité et la durabilité en intégrant cette notion de cycle de vie, de frugalité, d’efficacité et de respect de l’environnement. Des principes déjà indissociables de l’éco conception et de l’économie circulaire.
Pour se réconcilier avec la nature, le biomimétisme doit s’accompagner de cette vision de collaboration et ne surtout pas verser dans un rapport utilitariste de la nature sous peine de reproduire les effets désastreux d’excès en tous genres. La biomimétique (le biomimétisme appliqué à la robotique) en est l’exemple type quand on voit apparaître des répliques miniatures d’insectes pour pallier l’effondrement des pollinisateurs quand il vaudrait mieux s’attaquer aux causes de leur disparition…
En changeant notre rapport à la nature, le biomimétisme est un appel à l’humilité
N’oublions pas que l’arrivée de l’Homme sur terre est extrêmement récente. Quelques secondes à peine d’existence sur 24h si l’on ramène les 4,5 milliards d’années de notre planète à l’échelle d’une journée. Dès lors, comment s’étonner que la nature ait pris un peu d’avance en matière d’innovation sachant que les premières formes de vie sont apparues sur terre il y a quelque 3,8 milliards d’années et qu’elles n’ont depuis cessé d’évoluer pour s’adapter à leur environnement...
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