Alors que le projet de loi de finances 2019 est débattu au Parlement, Audrey Pulvar, présidente de la FNH, et Eric Lepêcheur, président du réseau Restau’Co, adressent une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour l’alerter sur la nécessité de créer un Bonus Cantine Bio et Locale dès l’année prochaine. 20 euros par en an et par enfant, versés par l’Etat pendant 3 ans, aux cantines qui s’engagent à servir plus de bio et de local aux enfants : c’est la proposition que formule la FNH, soutenue par les professionnels de la restauration collective et les élus de terrain. Un vrai levier identifié pour permettre d’atteindre les objectifs pour la restauration collective contenus dans la loi Agriculture et Alimentation, développer l’agriculture bio dans les territoires, assurer des emplois rémunérateurs non délocalisables, et nourrir les citoyens de produits de qualité, respectueux de l’environnement.
Objet : Lettre ouverte de la Fondation pour la Nature et l'Homme et du Réseau Restau'Co à l'attention du Président de la République au sujet du Bonus Cantine Bio et Locale
Monsieur le Président de la République,
Le repas en restauration collective à l'heure du déjeuner est pour beaucoup le seul repas équilibré de la journée. Alors que le pouvoir d'achat demeure un sujet de préoccupation permanent pour nos compatriotes, il n'est pas envisageable que la perspective d'amélioration des repas, prévue par la loi, se traduise par une augmentation du prix du repas pour le consommateur. L'État doit être garant d'un accompagnement financier pour contribuer à rendre accessible un repas sain et équilibré pour toutes et tous, avec une priorité en direction des zones les plus démunies. C'est par ailleurs le sens de la mission que s'est donné le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation en déclarant : "le bio ne doit pas être donné qu'aux riches et la malbouffe aux pauvres".
Grâce aux dispositions de la loi Agriculture et Alimentation, la restauration collective avec 3 milliards de repas servis par an va être un levier déterminant du développement de l'agriculture biologique. Gardons-nous cependant des promesses sans effet : alors que le Grenelle de l'Environnement avait déjà pour objectif 20% de bio en 2012, seuls 2,9% de produits bio sont aujourd'hui servis en restauration collective. Selon l'Agence Bio, la progression d'achat de produits bruts bio est de 7% par an seulement. Si quelques milliers de restaurants collectifs font figure de pionniers dans cette conversion, il reste plus de 72 000 lieux de restauration à convertir en moins de 3 ans.
L'accélérateur identifié : un Bonus Cantine Bio et Locale dès aujourd'hui. Face à un tel besoin de massification des produits bio et durables en restauration collective, nous demandons la mise en place d'un coup de pouce financier de l'État : un Bonus Cantine Bio et Locale, outil plébiscité par de nombreux élus locaux et députés de tous bords.
Ce Bonus est une aide forfaitaire de l'État sur 3 ans à destination de la restauration collective. Il est estimé à 164 millions d'euros par an pour le secteur scolaire et 330 millions d'euros si l'on y ajoute la restauration des hôpitaux et structures médico-sociales. Il s'agit d'une mise de départ qui aide véritablement les acteurs du secteur à faire face aux investissements nécessaires aux changements de pratiques. Une fois ces investissements entrepris, la boucle vertueuse peut s'enclencher durablement. C'est ce que nous avons pu vérifier avec les 500 restaurants engagés Mon Restau Responsable © que nous accompagnons dans une démarche de progrès.
Si l'intégration du bio dans les menus des cantines n'est pas plus coûteux, les changements de pratique de départ pour y arriver le sont. L'Observatoire national de la restauration collective bio et durable le prouve : passer au bio sans surcoût peut être possible dans le cas où des leviers sont trouvés pour équilibrer le budget. Les acteurs de la restauration collective parviennent à réduire leurs coûts pour s'approvisionner en denrées plus durables grâce à la lutte contre le gaspillage alimentaire, la diversification des protéines ou encore le travail de produits bruts et de saison.
Mais ces changements de pratiques ont un coût de départ constituant le premier frein important du passage au bio. L'ADEME démontre que lutter contre le gaspillage alimentaire passe nécessairement par un investissement initial coûteux mais efficace. Pour 1 euro investi par l'agence, le restaurant collectif réussi à économiser 2 euros grâce à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Par ailleurs, la création d'une légumerie nécessite souvent l'agrandissement des locaux et un déplacement des flux, un four basse température coûte plus de 10 000 euros, la formation au travail des protéines végétales ou à l'achat public, plus de 1 500 euros.
Pour pallier ces freins, nous demandons à l'État de soutenir ces investissements de départ afin de généraliser rapidement les pratiques vertueuses à portée sociale évidente, de manière harmonisée, sur l'ensemble du territoire. Laisser cette responsabilité aux collectivités territoriales, notamment aux plus fragiles, ne permettra en aucun cas de respecter en temps et en heure, les objectifs sur l'ensemble du pays sans disparité entre les territoires.
Monsieur le Président de la République, afin d'honorer les engagements fixés dans la loi, nous comptons sur vous pour faire inscrire le Bonus Cantine Bio et Locale dans les lois de finances 2019, 2020 et 2021. Ce gage démontrera aux acteurs de la restauration collective et aux citoyens déjà engagés dans ces démarches vertueuses que l'État est aussi un moteur d'une transition écologique, solidaire et harmonieuse sur l'ensemble des territoires.
Nous vous prions, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir agréer l'expression de notre plus haute considération.
- Pour la Fondation pour la Nature et l'Homme : Audrey Pulvar, Présidente
- Pour Réseau Restau Co : Eric Lepêcheur, Président
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