La Fondation Nicolas Hulot salue l’avis rendu aujourd’hui par la commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) sur les risques que le CETA, ainsi que d’autres accords commerciaux de nouvelle génération en cours de négociations, font peser sur le respect des droits de l’Homme. Cet avis intitulé « Les accords internationaux de commerce et d’investissement : Ne sacrifions pas les droits de l’homme aux intérêts commerciaux - L’exemple de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (CETA) » formule 35 recommandations précises que la Fondation Nicolas Hulot demande au gouvernement français de suivre. Il s'agit notamment de saisir d’urgence la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et le Conseil Constitutionnel afin de vérifier la compatibilité entre le CETA et le droit de l’UE d’une part et le CETA et la constitution française d’autre part et réouvrir les négociations du CETA pour introduire les dispositions nécessaires au respect des droits humains dans un accord qui servira de modèle aux futurs accords de commerce et d’investissement.
Dans son avis voté à l’unanimité , ce jeudi 15 décembre, la CNCDH (Comission Nationale Consultative des Droits de l'Homme) s’alarme de la non prise en compte de la protection des droits humains dans les accords de commerce et d’investissement dits de nouvelle génération, comme le CETA, qui ne visent plus seulement à réduire les droits de douanes mais bien à uniformiser les normes entre les Etats. La Fondation Nicolas Hulot partage les inquiétudes de la CNCDH qui « recommande très vivement une réouverture des négociations » et demande au gouvernement français de saisir la CJUE et le conseil constitutionnel pour un avis à priori.
Plus précisément, la CNCDH reproche d’abord aux chapitres développement durable du CETA « une prise en compte en demi-teinte des droits de l’Homme » et incite par exemple le gouvernement français à faire en sorte que les dispositions relatives aux droits sociaux et à la protection de l’environnement « relèvent du mécanisme général de règlement des différents entre Etats ». Ainsi la CNCDH demande une révision du chapitre concernant le processus de coopération règlementaire et « qu’à défaut il apparaît indispensable d’exclure les chapitres 22, 23 et 24 de la coopération règlementaire. » Ces chapitres abordent respectivement les enjeux de commerce et développement durable, commerce et travail et commerce et environnement.
La CNCDH s’inquiète ensuite de la non prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux dans l’accord. Elle préconise donc que les objectifs de l’Accord de Paris soient pris en compte et que par exemple « le domaine de l’énergie fasse l’objet d’un chapitre spécifique » pour que les accords permettent de « promouvoir les investissements dans le secteur des énergies propres et bannir progressivement ceux orientés vers les énergies fossiles ». La CNCDH invite également à faire en sorte que le principe de précaution soit reconnu dans l’accord. Autant de recommandations que nous soutenons sans réserves.
De plus, pour la CNCDH, le mécanisme d’arbitrage privé inclus dans l'accord pose problème en matière de nomination et rémunération des arbitres, d’avantage donné aux investisseurs étrangers par rapport aux investisseurs européens.
Enfin, pour la CNCDH, le droit à réguler n’est pas suffisamment garanti dans le CETA et de grands risques pèsent sur la capacité de l’Union Européenne et des Etats membres à légiférer dans l’intérêt général.
La Fondation Nicolas Hulot se joint sans réserve à l’analyse de la CNCDH et demande au gouvernement de respecter ses différentes recommandations. La FNH appelle aussi les députés européens à en tenir compte et à s’opposer à la ratification du CETA lors du vote qui aura lieu début février.
Voici les 40 recommandations de la CNCDH
Au préalable :
La CNCDH recommande très vivement une réouverture des négociations pour prendre en compte les recommandations qui suivent. Cette réouverture des négociations pourrait permettre de clarifier le statut juridique des déclarations interprétatives accompagnant le CETA. En tout état de cause, il est impératif que le gouvernement français saisisse la CJUE aux fins de vérifier la compatibilité de l’accord tel qu’il existe aujourd’hui au droit de l’Union.
Recommandation n°1 : Compte tenu du fait que les nouveaux accords de commerce vont désormais bien au-delà des simples questions commerciales, la CNCDH invite la France à inciter faire en sorte que les négociateurs commerciaux soient accompagnés par une équipe pluridisciplinaire spécialisée notamment en matière sociale, de droit du travail, de lutte contre le changement climatique, et plus largement en matière de droits de l’homme, afin de porter une vision globale des enjeux en présence.
Recommandation n°2 : Bien que le Comité sur le commerce et le développement durable ne soit doté d’aucun pouvoir de sanction, la CNCDH préconise, à tout le moins, que les représentants de haut niveau de chacune des parties qui le composeront soient dotées de compétences certaines dans les domaines couverts et, plus largement, en droit international des droits de l’homme. Cela permettra en effet a minima que les questions soulevées soient appréhendées avec la meilleure expertise possible et conformément aux droits de l’homme. Recommandation n°3 : La CNCDH recommande que la mise en œuvre et le respect de l’ensemble des dispositions notamment en matière de droits sociaux et de protection de l’environnement dans les accords internationaux de commerce et d’investissement relèvent du mécanisme général de règlement des différends entre Etats qui vaut pour l’ensemble des accords.
Recommandation n°4 : Dès lors qu’un traité de commerce et d’investissement prévoit un mécanisme de coopération, la CNCDH recommande que les droits de l’homme en soient une partie intégrante, en posant leur respect comme objectif principal dudit mécanisme.
Recommandation n°5 : La CNCDH encourage les Parties à réviser le chapitre sur la coopération réglementaire afin de garantir effectivement le droit des Etats à réguler, ou tout du moins, envisager fortement de le faire dans les accords à venir, de manière à protéger les réglementations prises dans l’intérêt public, et à s’assurer que les intérêts privés ne priment pas le bien commun. À défaut de révision, il apparait indispensable d’exclure les chapitres 22, 23 et 24 de la coopération réglementaire. Une façon d’assurer le respect de la volonté collective pourrait être l’introduction d’un certain contrôle démocratique, par le biais des parlements nationaux, au cours du processus de coopération réglementaire.
Recommandation n°6 : La CNCDH salue la possibilité de refuser ou de faire cesser la coopération réglementaire lorsque les intérêts de l’Etat sont tels qu’ils ne peuvent être discutés ; cependant, elle souhaite qu’on ne puisse pas déroger à cette faculté et qu’elle ne soit assortie assortie d’aucune obligation de motiver le refus, ou incitation à le faire.
Recommandation n°7 : La CNCDH recommande que la coopération réglementaire soit soumise au contrôle démocratique et aux exigences de transparence avec l’introduction d’un rôle défini au Parlement européen, et si possible, aux parlements nationaux lorsque leur législation est concernée.
Recommandation n°8 : La CNCDH demande que soient définies avec précision les modalités de composition, de saisine, de décision et de contrôle du Forum de coopération en matière réglementaire.
Recommandation n°9 : Constatant un vide préjudiciable en matière d’études d’impact des accords de libre-échange sur les droits sociaux, la CNCDH recommande vivement que de telles études soient systématiquement conduites, et ce, de manière globale et reposant sur des données fiables et attestées. Compte tenu du temps de négociations que nécessite la conclusion de tels accords, la CNCDH recommande que les études d’impact ainsi menée soient actualisées au moment de la signature dudit accord, et fassent la démonstration qu’une véritable consultation des parties prenantes a bien été diligentée.
Recommandation n°10 : La CNCDH encourage l’inclusion dans les accords de libre- échange futurs de l’ensemble des dispositions pertinentes de la Convention des Nations unies sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. À cet égard, la CNCDH réitère sa recommandation à la France de ratifier cette Convention.
Recommandation n°11 : La CNCDH salue la référence, certes partielle, faite dans le CETA à l’Agenda pour le travail décent de l’OIT ; cependant, elle recommande à la France, dans les prochains accords du même type, de plaider pour une prise en compte de cet Agenda plus extensive, voire exhaustive.
Recommandation n°12 : Eu égard aux risques engendrées par la libéralisation du commerce et de l’investissement (plans de restructuration, délocalisations, etc.), la CNCDH recommande que le CETA et les accords futurs contiennent des dispositions protectrices des salariés ne se limitant pas aux frontières nationales. L’inclusion de dispositions concernant l’investissement doit aller de pair avec le renforcement des droits des travailleurs vis-à-vis des groupes transnationaux. Pour atteindre ce but, la CNCDH considère que le droit à l’information et à la consultation des travailleurs, ainsi que la possibilité d’organiser des réunions de coordination et de coopération, doivent être garantis sur tout le périmètre de l’entreprise et ne pas se limiter aux périmètres national ou européen.
Recommandation n°13 : La CNCDH recommande que le respect des normes internationales en matière de droits sociaux soit une condition sine qua none de la mise en application des accords internationaux de commerce et d’investissement. Il conviendrait de poser comme obligation de résultat la mise en œuvre et le respect des conventions et autres textes internationaux par lesquels les Etats sont déjà liés en matière de droits de l’homme.
Recommandation n°14 : La CNCDH préconise que, dans un accord de nouvelle génération de type CETA, les Parties posent comme condition préalable à l’entrée en vigueur de l’accord la ratification de l’ensemble des conventions fondamentales de l’OIT.
Recommandation n°15 : Pour la CNCDH, il est impératif de rendre les clauses de non-abaissement effectives et opérationnelles dans les accords internationaux de commerce et d’investissement. Pour ce faire, elle recommande que la possibilité offerte aux Etats de saisir cette clause pour dénoncer un abaissement des standards soit facilitée, et que la charge de la preuve soit inversée, la faisant peser sur l’Etat suspecté d’avoir abaissé ses standards sociaux pour stimuler le commerce ou l’investissement.
Recommandation n°16 : La CNCDH souhaite que la France initie une réflexion afin de faciliter l’inclusion des aspects sociaux des accords internationaux de commerce et d’investissement qui seront négociés par l’UE dans le règlement des différends Etat-Etat. La CNCDH propose d’inclure l’OIT en tant qu’expert dans la surveillance de la mise en œuvre des dispositions sur le droit social, en lui permettant d’être consulté lors du règlement des différends et de rendre cet avis contraignant.
Recommandation n°17 : La CNCDH encourage la France à veiller, lors des négociations d’accords internationaux de commerce et d’investissement, à ce que soient incorporés des mécanismes de sanction lorsqu’un Etat partie viendrait à violer une obligation internationale relative au droit du travail. Recommandation n°18 : La CNCDH préconise l’inclusion dans tous les accords internationaux de commerce et d’investissement négociés par l’UE d’une clause des droits de l’homme, forte, obligatoire et cohérente avec les valeurs communes qu’elle promeut, et que celle-ci soit accompagnée d’un mécanisme de suivi et de sanction. Recommandation n°19 : La CNCDH recommande que l’institutionnalisation des réunions de la société civile et des organisations syndicales soit accompagnée de la mise à disposition des moyens humains et financiers nécessaires, tel qu’un Secrétariat dédié au Forum de la société civile et des ressources propres, afin que cet organe puisse mener à bien son rôle de surveillance dans l’application des accords de libre-échange.
Recommandation n°20 : La CNCDH préconise que le domaine de l’énergie fasse l’objet d’un chapitre spécifique, permettant d’inscrire dans l’accord des engagements en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre, et autorisant explicitement les Parties à promouvoir les investissements dans le secteur des énergies propres, et à bannir progressivement ceux orientés vers les énergies fossiles.
Recommandation n°21 : La CNCDH encourage la France, qui a présidé la COP21, à encourager l’inclusion, dans chaque accord, d’une mention explicite et expresse à l’Accord de Paris sur le climat, ou tout le moins à son objectif visant à limiter la hausse du réchauffement climatique.
Recommandation n°22 : La CNCDH préconise une reconnaissance expresse du principe de précaution dans les textes ou tout au moins que la portée et l’invocation du principe de précaution inscrit à l’article 191 du TFUE ne puissent pas être remises en cause par les dispositions de l’accord.
Recommandation n°23 : Afin de permettre aux Etats d’engager des politiques et des lois efficaces pour enrayer durablement les dérèglements climatiques la CNCDH recommande d’admettre une certaine hiérarchie des urgences et des légitimités et de soumettre les droits du commerce et des investisseurs au droit international des droits de l’homme et de l’environnement.
Recommandation n°24 : Dans le cadre du CETA, et des autres accords, la CNCDH encourage les Etats à contrôler le respect des Principes directeurs des Nations unies par toutes les sociétés transnationales qui ont leur siège sur leur territoire en rendant ces principes contraignants dans leur ordre juridique interne. Recommandation n°25 : Toute disposition offrant des garanties aux investisseurs étrangers doit être assortie d’obligations symétriques (obligation d’appliquer les droits à l’information-consultation des travailleurs, les normes sur la responsabilité sociale des entreprises, les directives de l’ONU et de l’OCDE pour les firmes multinationales, etc…). Ces obligations doivent dûment tenir compte des conséquences sociales d’une instauration d’un régime d’investissement international notamment en matière des droits individuels et collectifs du travail.
Recommandation n°26 : La CNCDH tient à saluer l’initiative de la Commission européenne de lancer une consultation publique sur un tel sujet. Néanmoins, elle recommande que ces consultations publiques soient plus ouvertes et faciles d’accès et de compréhension aux citoyens avertis ou non. De plus, la CNCDH tient à ce que les questions posées dans ce cadre soient le plus neutres possibles et qu’elles ne reflètent pas une approche biaisée du sujet.
Recommandation n°27 : La CNCDH recommande d’ouvrir les critères de compétences requises des arbitres au droit international des droits de l’homme dans les accords internationaux de commerce et d’investissement prévoyant un Tribunal permanent d’arbitrage.
Recommandation n°28 : La CNCDH recommande que soient précisées, avant toute ratification, les modalités d’application du mécanisme d’appel et que soit vérifiée sa compatibilité avec la Convention de Washington, inscrite dans les dispositions du CETA, ainsi qu’avec les traités européens, au moyen d’une saisine de la CJUE par le gouvernement français.
Recommandation n°29 : La CNCDH recommande d’attendre que ce code de conduite soit rédigé avant de soumettre le texte à la représentation nationale.
Recommandation n°30 : Consciente que les arbitres prévus dans le système d’ICS ne seront pas des juges, et donc que leur indépendance et leur impartialité ne seront nullement assurés, la CNCDH recommande à tout le moins de rendre le code de conduite contraignant en instaurant un mécanisme de contrôle et de filtre avant chaque nomination au Tribunal, et que ce contrôle soit renouvelé avant chaque nomination pour une affaire.
Recommandation n°31 : La CNCDH préconise la mise en place d’une réflexion sur l’opportunité d’élargir le mécanisme de RDIE à la saisine des deux parties au différend, à savoir tant l’investisseur que l’Etat concerné, ou sur l’ouverture d’une voie parallèle qui permettrait de mettre en avant les manquements imputables aux investisseurs en matière de droits de l’homme.
Recommandation n°32 : La CNCDH recommande d’harmoniser les voies de recours prévues dans les accords commerciaux, dont le CETA, et de prévoir un seul et unique mécanisme de règlement des différends entre Etats, applicable à l’ensemble des dispositions de l’accord.
Recommandation n°33 : Afin de répondre aux critiques constantes adressées RDIE, la CNCDH recommande qu’une réflexion soit tenue, à l’initiative de la France, pour instaurer un recours exclusif aux juridictions nationales dans le cadre des accords internationaux de commerce et d’investissement. Ce basculement ne pourra se faire sans que l’accord prévoie lui-même son applicabilité directe dans les droits internes et dans le droit de l’UE.
Recommandation n°34 : La CNCDH préconise d’imposer aux investisseurs, avant toute saisine d’un tribunal arbitral, l’épuisement des voies de recours internes, comme l’a demandé la France.
Recommandation n°35 : Pour assurer au « droit de réguler » tout son sens et toute sa force, la CNCDH recommande d’introduire un article liminaire aux dispositions relatives à la protection des investissements, posant comme base d’interprétation pour l’ensemble du traité le droit de réglementer des Etats afin que ce principe lie les arbitres dans leurs décisions à venir.
Recommandation n°36 : Afin d’éviter le phénomène de « gel réglementaire » dans es domaines dits sensibles comme la protection de l’environnement ou les droits sociaux, la CNCDH préconise l’exclusion du champ du RDIE des secteurs sensibles où les Etats seront amenés à engager des politiques ambitieuses et susceptibles de perturber les investissements pour des raisons impérieuses d’intérêt public.
Recommandation n°37 : Il est prévu dans le CETA que l’ensemble du chapitre 8 sur les investissements et l’arbitrage reste en vigueur pendant 20 ans après sa dénonciation éventuelle. La CNCDH propose que ce délai soit raccourci à une durée d’un an.
Recommandation n°38 : La CNCDH propose d’inscrire au chapitre I, §5 du CETA : « Les investisseurs visés doivent réaliser leurs opérations d’investissement dans le respect des lois et réglementations de la Partie sur le territoire de laquelle ils investissent et doivent se conformer, avec toute la diligence requise, à ces lois et réglementations dans le cadre de l’établissement, de l’acquisition, de l’expansion, de la conduite, de la gestion, du maintien, de l’utilisation, du bénéfice et de la vente ou de la disposition de leurs investissements sur son territoire ».
Recommandation n°39 : La CNCDH recommande à la Commission d’être plus transparente lors des négociations commerciales. Si elle salue les efforts réalisés actuellement dans le cadre des négociations du TTIP en publiant notamment les documents de positions de l’Union Européenne, elle regrette que ce dispositif n’ait pas été appliqué aux autres accords en cours de négociations. Par ailleurs, la CNCDH invite la Commission Européenne à aller plus loin en publiant les textes consolidés de toutes les négociations en cours et en autorisant des représentants de la société civile à participer aux négociations en tant qu’observateur sur le modèle des négociations climatiques qui se déroulent dans le cadre de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Recommandation n°40 : Dans le CETA comme dans les futurs accords en cours de négociation, la CNCDH recommande de revenir à une négociation par liste positive.
Pour prendre connaissance de l'avis dans son intégralité c'est ICI
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