Dans son rapport paru le 9 août 2021, le GIEC fait un constat scientifique d’une sévérité sans précédent : nous avons modifié notre planète de façon irréversible et il est urgent de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour éviter les scénarios de réchauffement incontrôlé, catastrophes en cascades et points de ruptures. Le décalage entre ce constat scientifique et l’inaction persistante de la plupart des gouvernements est sans appel. Voici les principales conclusions de ce rapport.
Le rapport du GIEC a été finalisé et approuvé par 234 auteurs et 195 gouvernements, après deux rounds de relectures et de commentaires. Il s’agit de la plus grande mise à jour de l'état des connaissances scientifiques sur le climat depuis la publication du rapport AR5 du GIEC en 2014, et son Rapport spécial 1.5 (SR1.5). Plus de 14 000 articles scientifiques y sont référencés.
1) C’est un fait : l’humanité est bien responsable du changement climatique
Alors que le précédent rapport du GIEC y attribuait des points de probabilité, la responsabilité humaine des changements climatiques est désormais un fait scientifique. Il n’y a pas le moindre doute : le changement climatique est causé par les humains.
Le monde n’a jamais été aussi chaud depuis 125 000 ans.
En 2019, le volume de CO2 dans l’air était à un niveau jamais atteint depuis au moins deux millions d’années tandis que les concentrations de méthane et de protoxyde d’azote, deux autres puissants gaz à effet de serre, n’avaient pas été aussi élevées depuis au moins 800 000 ans.
2) Les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient diminuer immédiatement au lieu de continuer à augmenter
Selon le GIEC, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient débuter leur baisse rapide maintenant. Sans réduction considérable des émissions de CO2 et des autres gaz à effet de serre pour atteindre zéro émission nette vers 2050 ou peu après, les seuils de réchauffement de 1,5 °C et 2 °C seront franchis au cours du 21e siècle. La température à la surface de la Terre n’a pas dépassé +2,5 °C depuis 3 millions d’années.
Or, ce n’est pas le chemin que prennent les émissions mondiales puisque, comme l’a indiqué l’Agence internationale de l’énergie récemment, elles atteindront un nouveau record en 2023 sous l’effet dopant des plans de relance nationaux. La France ne fait pas figure de bonne élève puisque sur les 100 milliards d’euros de son plan de relance, seulement un tiers aurait un effet bénéfique pour le climat, quand le reste prolongera l’économie du “monde d’avant”. Le gouvernement n’a en outre exigé aucune conditionnalité climatique ni sociale de la part des grandes entreprises qui ont bénéficié d’aides massives de l’Etat.
3) Le changement climatique est inéluctable mais nous pouvons encore agir sur sa gravité
Le GIEC dresse plusieurs trajectoires possibles pour les températures futures, qui dépendent de l’ampleur de nos actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre :
- + 1,4 °C dans le scénario très peu émetteur (sur la période 2081-2100, comparé à l’ère préindustrielle). La température connaîtrait une hausse jusqu’à 1,6°C suivie d’une baisse jusqu’à 1,4°C à la fin du siècle.
- + 1,8 °C pour le peu émetteur,
- 2,7 °C pour l'intermédiaire,
- 3,6 °C pour le scénario émetteur et
- 4,4 °C (3,3°-5,7 °C) pour le scénario très émetteur.
Il s’agit de moyennes mondiales, camouflant de fortes disparités régionales. En Arctique, qui subit déjà un réchauffement trois fois supérieur à la moyenne mondiale, la température pourrait grimper de plus de 7 °C à la fin du siècle dans le scénario très émetteur.
Un climat à +1,4°C n’a rien à voir avec celui que nous avons connu jusqu’à aujourd’hui. Les catastrophes climatiques de l’été 2021 n’en sont que les prémices. Nous devons donc nous préparer à vivre dans un monde bouleversé par le changement climatique.
Toutefois, un monde à +4,4°C est un monde plus dangereux encore, plus imprévisible, avec des points de bascule et des zones très vastes devenues invivables pour les êtres vivants dont les humains. Des millions d’entre eux devront, pour survivre migrer vers d’autres latitudes.
4) Un seuil de 1,5°C atteint dix ans plus tôt que prévu
Le GIEC a dû revoir à la hausse ses estimations. Le réchauffement planétaire est plus rapide que prévu. La planète s’est déjà réchauffée de +1,09 depuis 1850-1900.
Dans tous les scénarios, le seuil de 1,5°C de réchauffement planétaire sera franchi par la planète, dans les années 2030. C’est le seuil inscrit à l’Accord de Paris et considéré par les scientifiques comme celui au-delà duquel les conséquences seront trop graves pour que l’humanité puisse s’adapter.
5) Des effets du changement climatique déjà inévitables et irréversibles
Le GIEC constate que nous contribuons à l'augmentation de la gravité et de la probabilité des épisodes de chaleurs, des précipitations, des sécheresses extrêmes, et des cyclones tropicaux.
Les glaciers des montagnes et des pôles sont condamnés à fondre pour encore des décennies voire des siècles. A l’échelle du millénaire, la libération du carbone contenu dans le pergélisol sous l’effet de la fonte des glaces, est irréversible.
6) Des points de rupture que nous ne maîtrisons pas
Chaque dixième de degré compte. Plus nous dépasserons le seuil de 1,5°C, plus notre avenir sera imprévisible et les dangers importants. Des points de bascule pourraient advenir à l'échelle mondiale comme à l’échelle régionale. Des réactions brutales et des points de rupture du système climatique, tels qu'une forte accélération de la fonte de la calotte glaciaire de l'Antarctique, le dépérissement des forêts, la modification des courants océaniques, ne peuvent être exclus.
7) Que faire ?
Pour éviter les pires scénarios résumés par le GIEC, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre rapidement et durablement, et mettre en place des mesures pour mieux nous adapter aux conséquences inéluctables du changement climatique.
En France, nous devons tout mettre en œuvre pour respecter l’objectif de neutralité carbone en 2050, fixé dans la loi, dans le respect de la justice sociale.
Chacun peut agir à son niveau pour moins prendre l’avion, moins prendre la voiture au profit des transports en commun et du vélo, isoler sa maison, moins manger de viande ou se fournir en énergie verte. Mais même avec la meilleure volonté du monde et des moyens financiers, un citoyen ne pourra effectuer que 25% du chemin nécessaire pour avoir une empreinte carbone soutenable. Le reste du chemin correspond à l’action des entreprises et à l’action collective. Il dépend donc du pouvoir de régulation et d’investissement de l’Etat et des collectivités territoriales.
Or pour l’instant, le compte politique n’y est pas. Le gouvernement français a été condamné pour inaction climatique dans l’Affaire du Siècle en janvier 2021. En réponse à cela, il a fait adopter une loi sur le climat qui, de l’avis de tous les experts dont le Haut conseil pour le climat, n’est pas suffisante pour que la France respecte sa trajectoire de neutralité carbone en 2050.
Compte tenu du retard constaté et de la nécessité de préserver la justice sociale, tous les secteurs de l’économie doivent changer et réduire leurs émissions pour atteindre la neutralité carbone. Il y a des marqueurs physiques incontournables à atteindre si l’on veut respecter la neutralité carbone, en particulier dans les principaux secteurs émetteurs que sont les transports, le bâtiment et l’agriculture : nombre de rénovations thermiques annuelles, véhicules électriques vs. véhicules thermiques vendus, kilomètres parcourus en transports en commun, nombre de têtes dans le cheptel bovin, surfaces agricoles en bio, etc. Des politiques publiques volontaristes dans tous les secteurs sont nécessaires, notamment pour organiser les transitions professionnelles et industrielles indispensables pour atteindre la neutralité carbone. Mettre en place les propositions des 150 citoyen.ne.s tiré.e.s au sort dans la Convention citoyenne pour le climat permettrait de faire un grand pas en avant. Enfin, le volume d’investissement public nécessaire s'apparente à un effort de guerre et suppose que plus un euro public n’aille aux activités polluantes et à de grandes entreprises sans contrepartie environnementale ni sociale.
Ce rapport du GIEC insiste tout particulièrement sur le méthane, un gaz au pouvoir très réchauffant, émis par la production de combustibles fossiles et les activités agricoles dont l’élevage : réduire rapidement les émissions de méthane au cours des 10 prochaines années pourrait réduire le réchauffement planétaire de manière drastique.
Les années sont comptées si l’on veut éviter les désastres annoncés depuis 30 ans par les climatologues. Alors que la France va entrer en campagne électorale, le défi pour le prochain gouvernement français sera immense. Et indispensable.
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