Alors que l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables (EnR) débute à l’Assemblée nationale, la FNH rappelle avec force qu’il est indispensable d’accélérer le déploiement des EnR et que la lutte contre le changement climatique est indissociable de la préservation de la biodiversité.
Rémi, pourquoi le développement des énergies renouvelables est-il indispensable ?
Si l’on souhaite sérieusement conserver une planète habitable pour les humains, nous devons cesser d’augmenter la concentration de carbone dans l’atmosphère. Cela signifie entre autres de renoncer à l’exploitation des énergies fossiles le plus vite possible. Au sein de l’Union européenne, nos émissions de gaz à effet de serre doivent baisser d’au moins 55% par rapport à 1990 d’ici 2030. L’objectif est d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Il existe pour cela deux grands leviers, tous deux indispensables : réduire drastiquement nos consommations d’énergie (d’au moins 40% d’ici 2050) d’une part et, d’autre part, substituer les consommations restantes avec des sources d’énergie décarbonées. Pour ce faire, le développement massif des EnR est la seule option disponible à court terme.
Et où en sommes-nous en France, s’agissant du déploiement des énergies renouvelables ?
En 2020, en France, les EnR comptaient pour 19% de la consommation finale brute d’énergie, alors que l’objectif fixé (en 2009) par l’Union européenne était de 23%. La France est donc en retard dans le développement des EnR : elle se classe seulement au 17e rang des pays de l’UE pour la part d’EnR dans la consommation finale d’énergie.
Par ailleurs, lorsque l’on parle d’EnR, il faut bien avoir en tête qu’en France en 2020, 33% de la production d’énergies renouvelables provenait du bois-énergie. Or nous avons très peu de marge de ce côté : la récolte de bois ne peut pas continuellement s’accroître, alors que les forêts remplissent des fonctions écologiques cruciales et qu’elles subissent déjà un fort stress à cause du changement climatique.
De même, l’hydroélectricité représentait 19% de la production d’EnR en France en 2020, avec là aussi des tensions liées au changement climatique. Par contraste, le solaire photovoltaïque (PV) ne représentait que 4,2% de la production d’EnR en France en 2020.
Accélérer le déploiement des EnR est donc une nécessité. La protection de la biodiversité est néanmoins une urgence tout aussi importante, et nous souhaitons alerter sur certaines dispositions du projet de loi qui n'intègrent pas cette exigence.
Peux-tu préciser ? Que contient le projet de loi et qu’est-ce qui pose problème du point de vue de la biodiversité ?
Dans le projet de loi qu’il a présenté, le Gouvernement est parti de l’idée que la France est en retard dans le développement des EnR « en raison de la lourdeur de [ses] procédures administratives et contentieuses ». Pour nous, c’est une présentation très partielle de la situation : le manque de planification antérieure, les fluctuations des politiques de soutien aux EnR, ou encore le manque de ressources humaines des services de l’Etat qui instruisent les demandes d’autorisation des projets ont largement contribué au retard pris par la France.
Sur cette base, le Gouvernement a proposé une série de mesures dites de simplification visant à réduire certaines exigences du droit de l’environnement concernant les énergies renouvelables. Ces mesures, si elles étaient adoptées, pourraient par exemple réduire la participation du public dans les cas où les élus souhaiteraient modifier les documents d’urbanisme afin d’installer des EnR sur des zones naturelles ou boisées, ou faciliter l’obtention de dérogations à l’interdiction de destruction des espèces protégées.
Pour nous, ce n’est pas la bonne méthode : il faut au contraire promouvoir la participation du public et la démocratie environnementale, et montrer un chemin désirable qui permette d’allier lutte contre le changement climatique et préservation de la biodiversité.
C’est une des raisons qui font que nous œuvrons pour que le développement du solaire photovoltaïque se fasse en priorité sur les espaces bâtis et les sols artificialisés, et non sur les espaces naturels et forestiers.
Pour la FNH, quelles mesures pourraient être ajoutées au projet de loi ?
Certains points du projet de loi peuvent être améliorés, comme l’obligation d’installer des ombrières photovoltaïques sur les parkings, mais une série de mesures manquent à l’appel. Par exemple, le texte du Gouvernement ne prévoyait aucune disposition visant à étendre les obligations d'installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments, ce qui est pourtant indispensable.
Par ailleurs, l’examen du texte au Sénat a permis d’introduire certaines dispositions intéressantes, telles que le renforcement des obligations d’installation de PV sur certains bâtiments commerciaux neufs, ainsi qu’une série de mesures en faveur de l’autoconsommation photovoltaïque – une bonne nouvelle pour le climat, la biodiversité et le pouvoir d’achat des Français.
Maintenant que le texte est examiné à l’Assemblée nationale, les députés ont l’opportunité d’aller plus loin et de le rendre encore plus ambitieux :
- En renforçant l’obligation d’installation d’ombrières photovoltaïques sur les parkings. Il s’agit d’augmenter la part de la surface de stationnement à équiper sur chaque parking (50% à ce stade), d'abaisser le seuil concernant la superficie des parkings soumises à l'obligation, ainsi que de limiter les dérogations. C’est un levier efficace pour préserver la biodiversité : tous les panneaux solaires qui seront installés sur des parkings ne seront pas posés sur des espaces naturels !
- En favorisant l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures. L’objectif de solarisation progressive des grandes toitures est déjà inscrit dans la planification pluriannuelle de l’énergie : ce projet de loi est donc l’opportunité de le mettre en œuvre, en prenant de l’avance sur la réglementation européenne en cours de négociation (plan RePowerEU).
- En associant le développement du photovoltaïque sur les espaces bâtis à la promotion de l’autoconsommation. Cela permettrait de mieux répartir les revenus tirés de la production d’énergie solaire, au bénéfice du pouvoir d’achat des Français.
- En encadrant et limitant les projets photovoltaïques sur les espaces naturels et forestiers. Planifier le développement des EnR doit permettre de limiter autant que possible le déploiement de projets sur les espaces naturels et forestiers. Il est également important de préserver et promouvoir la participation du public dans les procédures de révision des documents de planification.
Alors que le COP27 vient de s’achever, ce projet de loi est une opportunité d’avancer concrètement dans la lutte contre le changement climatique, tout en intégrant les enjeux de biodiversité et de justice sociale. La FNH restera donc mobilisée au cours des prochaines semaines afin de rendre ce texte aussi ambitieux que possible !
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