Défendre une agriculture sans pesticides

Concurrence déloyale : l'Europe tourne le dos à la protection de son agriculture

Publié le 20 février 2025

Alors que l'agriculture européenne traverse une crise profonde, la lutte contre la concurrence déloyale aurait dû être un pilier central de la vision pour le futur de l'agriculture européenne présentée cette semaine. Pourtant, le Commissaire européen Christophe Hansen a relégué cette problématique au second plan, laissant de côté des mesures essentielles pour protéger les producteurs européens face à la concurrence déloyale liée à des normes inéquitables. Entre la distorsion de concurrence causée par des produits importés à bas coût et de multiples reculs environnementaux, l'Europe semble se détourner des solutions nécessaires à sa souveraineté alimentaire et à la préservation de ses standards environnementaux.

Le recul européen face à la concurrence déloyale : un revers pour l'agriculture

Le Commissaire européen, Christophe Hansen, a récemment dévoilé sa vision pour l’agriculture européenne. Cependant, contrairement aux engagements initialement affichés, la lutte contre la concurrence déloyale et la poursuite du déploiement du Pacte vert ne figurent plus parmi les priorités. Le document dévoilé ce mercredi met finalement de côté des mesures cruciales comme les mesures miroirs, qui auraient permis de garantir l’application des normes européennes sanitaires et environnementales aux produits importés. 

Les mesures miroirs, un des dispositifs clé pour rétablir une concurrence loyale, ont fait l’objet d’un engagement flou dans la vision politique partagée par le commissaire européen. Elles auraient pourtant permis d’imposer aux produits importés des normes équivalentes à celles en vigueur dans l’UE en matière sanitaire et environnementale. Se priver de ces outils représenterait un recul majeur qui pénalisera les producteurs européens, dont les produits respectent des critères environnementaux et sanitaires importants, pour un coût souvent plus élevé. Cette situation renforce l'injustice ressentie par les agriculteurs européens qui subissent une concurrence déloyale de produits importés à bas prix.

L'importation de produits à bas coût : un frein à la transition des producteurs européens

L’Europe continue d’importer des produits agricoles dont la production ne respecte pas les mêmes standards que ceux imposés aux agriculteurs européens. Des produits comme le soja OGM brésilien, le bœuf traité aux antibiotiques promoteurs de croissance ou encore les noisettes turques traitées avec des pesticides interdits en Europe, sont des exemples flagrants de distorsion de concurrence. Ces produits, souvent produits à bas coût, arrivent sur le marché européen et concurrencent directement les productions européennes, accentuant la perception d’injustice et de fragilité du secteur agricole pour s’engager dans la transition agroécologique.

L’accord de libre-échange avec le Mercosur, dont les négociations ont récemment abouti, a cristallisé les tensions entre les producteurs européens et les institutions de l’UE. En réduisant considérablement les droits de douane, cet accord ouvre les portes à une importation accrue de produits agricoles en provenance d’Amérique du Sud, où les normes environnementales et sanitaires sont souvent moins strictes qu’en Europe. Cette baisse des protections tarifaires fragilise encore davantage les producteurs européens, déjà confrontés à des prix plus élevés en raison des exigences réglementaires de l’UE.

La simplification réglementaire et ses conséquences sur la transition écologique

Le désir de simplification réglementaire, souvent mis en avant par les institutions européennes, risque de compromettre la capacité de l'UE à défendre ses standards et à la renforcer. En allégeant les obligations imposées des acteurs économiques, notamment ceux en matière de respect des droits humains et de l'environnement, l'UE pourrait rendre plus difficile l’application de mesures de réciprocité sur les produits importés. La future loi Omnibus, qui allège certaines de ces obligations, pourrait ainsi fragiliser les efforts pour garantir la traçabilité et la conformité des produits en provenance des pays tiers et fragiliser les mesures miroirs qui pourraient rétablir un équilibre.

Pourtant, la lutte contre la concurrence déloyale ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des services publics. Le secteur privé, notamment les entreprises et les distributeurs, ont un rôle crucial à jouer. En soutenant l’application de normes élevées, les acteurs économiques peuvent contribuer à renforcer la durabilité de l’agriculture européenne. Cette mobilisation doit accompagner le déploiement de mesures politiques de régulation du commerce mondial au niveau européen.

L’agroécologie, une transition nécessaire pour la souveraineté alimentaire de l’Europe

Pour assurer un avenir durable et souverain pour l’agriculture européenne, l’UE doit impérativement accélérer sa transition agroécologique. Cette approche, qui mise sur des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, est essentielle pour restaurer la qualité des sols et préserver la biodiversité. Toutefois, cette transition ne pourra se faire sans une réforme profonde des politiques agricoles et sans des mesures concrètes pour garantir des prix justes aux producteurs qui choisissent cette voie. Le refus de mettre en œuvre des mesures comme les miroirs environnementaux constitue une erreur qui compromet cette transition.

La Politique Agricole Commune (PAC) doit être repensée pour répondre aux défis du XXIe siècle. Il est urgent de conditionner les aides financières aux fermes qui se lancent dans des pratiques agroécologiques et qui respectent des critères environnementaux stricts. L’agriculture européenne a besoin de soutien pour faire face à la concurrence mondiale, mais ce soutien doit être orienté vers des solutions durables et équitables. Cela nécessite une refonte complète de la PAC, qui doit intégrer des critères de durabilité à tous les niveaux, et non simplement se concentrer sur des aides directes sans contreparties.

Solidarité internationale et mesures miroirs : harmoniser les standards agricoles mondiaux

Les mesures miroirs ne doivent pas être uniquement un instrument de protection des producteurs européens. Elles doivent également être vues comme un outil de solidarité internationale. L’UE a la responsabilité d’accompagner certains pays tiers dans l’amélioration de leurs standards agricoles pour qu'ils puissent continuer à accéder au marché européen. Cela passe par une aide financière ciblée et un accompagnement pour élever les exigences de production tout en permettant un commerce équitable et juste.

Enfin, il est crucial que l’Europe engage une véritable transition pour soutenir ses agriculteurs. Cela ne peut se faire sans garantir que les producteurs européens vivent dignement de leur travail. La répartition équitable de la valeur et la lutte contre les asymétries de pouvoir dans les filières agroalimentaires sont des priorités pour éviter une course effrénée à la compétitivité. Les décisions politiques actuelles risquent de maintenir un système où les agriculteurs sont les grandes victimes, au détriment de la durabilité et de la santé publique.

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