Le gouvernement présentera jeudi 3 septembre son projet de loi permettant d’accorder des dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes, jusqu’au 1er juillet 2023. Annoncé uniquement pour les betteraves, le texte de loi ouvre finalement une boîte de pandore puisqu’il peut concerner toutes les productions agricoles. Pour la FNH, ce projet de loi est un non sens. A l’heure où l’Europe a déjà perdu 80% de ses insectes en trente ans, l’urgence est de protéger la biodiversité et de réduire drastiquement l’usage des pesticides. La FNH appelle les députés et sénateurs à s’opposer à cette loi et demande l’exploration urgente d’autres pistes.
La Fondation pour la Nature et l'Homme appelle le gouvernement à ne pas revenir sur l'un des acquis majeurs de ces dernières années en matière de biodiversité.
Une solution de court terme était possible : un dédommagement éco-conditionné des betteraviers victimes de la jaunisse
La FNH regrette que le gouvernement n’ait pas mis sur la table d’autres solutions de court et de long termes, notamment à l’heure où la réforme de la PAC est en cours, pour à la fois protéger la biodiversité et sortir le secteur agricole de la crise. Barbara Pompili, ministre de la Transition Écologique, à l’origine de l’interdiction des néonicotinoïdes en 2016, évoque cette dérogation comme étant la « seule solution possible à court terme pour éviter l’effondrement de la filière sucrière». Pour la FNH, le gouvernement aurait pu en décider autrement en proposant par exemple de donner des dédommagements éco-conditionnés aux betteraviers touchés par la jaunisse, c’est-à-dire en échange d’un changement progressif des pratiques agricoles, et in fine du développement de l’agroécologie sur leurs exploitations. Cette solution présenterait l’avantage de respecter la loi biodiversité de 2016, mais aussi d’utiliser l’argent public pour transformer l’agriculture française.
Les seules pour qui il n’y a pas d’alternatives, ce sont les abeilles
Que la betterave soit récoltée avant ou après la floraison, la question n’est pas là. Quel que soit le mode d’usage des néonicotinoïdes, la biodiversité est menacée. Ainsi, contrairement à ce qu’ont pu affirmer le ministre de l’agriculture et l’alimentation ou la présidente de la FNSEA, l’utilisation de néonicotinoïdes en semences enrobées a également un effet très néfaste sur les pollinisateurs. En effet, c’est uniquement entre 1,6 % et 20 % de la matière active qui est réellement absorbée par la plante, tandis que 80 % contaminent les sols, les cours d’eau et les nappes phréatiques, mettant plusieurs années à se dégrader. Les résidus obtenus après dégradation sont même parfois plus toxiques que les matières actives elles-mêmes. On les retrouve longtemps après l’arrêt de leur utilisation dans les sols cultivés, dans les plantes qui poussent les années suivantes et dans l’environnement des champs traités, exposant ainsi les pollinisateurs à un risque important.
Pour rappel, les insectes pollinisateurs assurent notre survie. Ils sont responsables de la reproduction de 75 % des espèces cultivées et assurent notre sécurité alimentaire. L’apparition des néonicotinoïdes en France a entraîné une multiplication par six de la mortalité dans les ruches.
Si le projet de loi venait à être adopté, cela signerait un recul majeur de ce gouvernement sur la biodiversité - quelques mois seulement avant le congrès Mondial de l’UICN à Marseille - et plus largement un recul de ses ambitions environnementales.
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