Évaluées par la FNH et notées « D », les politiques publiques actuelles ne permettront ni de préserver l’élevage bovin en France, ni de réduire son impact environnemental. Une véritable stratégie de planification écologique de ce secteur est pourtant à portée de main.
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Elevage bovin : comment sortir de l'impasse ?
Télécharger (format pdf - 9 Mo)À l’heure où la planification écologique s’enclenche, la Fondation pour la Nature et l’Homme apporte sa contribution au débat en publiant « Élevage Bovin : Comment sortir de l’impasse ? ». Avec le soutien technique du BASIC, la Fondation dresse un état des lieux de la double impasse environnementale et socio-économique dans laquelle l’élevage bovin se trouve.
Elle identifie deux potentielles trajectoires futures : une trajectoire “business-as-usual” vers laquelle nous nous dirigeons si rien n’est fait pour infléchir la tendance et une trajectoire “agroécologique” si un élevage durable était généralisé.
Pour connaître la trajectoire vers laquelle les politiques publiques actuelles orientent l’élevage bovin, la FNH a passé au crible les politiques publiques censées promouvoir le “moins et/ou mieux” de ce secteur. Sont-elles en capacité de résoudre le double problème humain et écologique ? Orientent-elles l’élevage bovin vers un système agroécologique, passant par moins et mieux de production et de consommation de produits animaux ?
Le résultat est clairement insuffisant et le constat sans appel : sans inflexion rapide, la situation des éleveurs va empirer et l’impact environnemental de l’élevage bovin s’accentuer. Pour sortir de cette impasse, la Fondation pose sur la table des propositions, de la fourche à la fourchette, permettant de garantir un avenir à l’élevage bovin français.
Sans impact d'ici 2030, l'élevage bovin sera davantage impacté et impactant
Depuis 50 ans, 3 grandes tendances structurelles sont à l'œuvre au sein des exploitations bovines : l’agrandissement-concentration des exploitations, la spécialisation des territoires et des exploitations et l’intensification des pratiques agricoles et d’élevage. Ce schéma s’est progressivement imposé pour beaucoup d’agriculteurs comme la seule issue pour faire des économies d’échelle et essayer de dégager un revenu. Mais elle alimente l’impasse socio-économique et environnementale.
Pour objectiver les impacts des deux trajectoires identifiées, la FNH les a croisées avec 15 indicateurs socio-économiques et environnementaux. Pour ce faire, la FNH s’est appuyée sur la grille d’analyse des enjeux de durabilité du système alimentaire français mise au point par le BASIC en 2020[1]. Développée à partir d’une large revue de littérature et représentée sous la forme d’une « boussole » inspirée de la théorie du donut, cette grille rend lisible les principaux effets de différents modèles agricoles sur les éleveurs, l’environnement, et la société. Si rien n’est fait pour mettre un coup d’arrêt à ces tendances, les impacts environnementaux et socio-économiques de l’élevage bovin pourraient continuer à s’empirer.
Pourtant, il existe un modèle d’élevage agroécologique [2] qui peut être généralisé à condition de réduire les volumes de production et de consommation. Ce modèle est aussi plus pertinent pour les éleveurs. L’efficacité économique des fermes laitières en agroécologie, et plus particulièrement en agriculture biologique, est respectivement de 60% à 99% supérieure à celle des fermes du RICA[3].
Une trentaine de politiques publiques depuis l'an 2000 passées au crible
La Fondation a recensé une trentaine de politiques publiques portant sur l’agriculture et l’alimentation depuis l’an 2000, et a sélectionné celles censées promouvoir le “moins et/ou mieux” de production et de consommation de produits animaux (21 politiques publiques). Leur pertinence pour la transition agroécologique de l’élevage bovin a été évaluée selon 3 critères : le niveau d’ambition et la capacité d’impact de la mesure, les moyens mobilisés, le niveau de mise en œuvre. L’évaluation montre clairement qu’elles ne sont pas en capacité d’infléchir la trajectoire « business as usual » et de promouvoir une trajectoire « agroécologique ». Les principales conclusions à retenir :
- Elles visent surtout les pratiques agricoles et les comportements de consommation, mais ne s’attaquent pas à la structuration du marché et aux pratiques de la grande distribution, de la restauration commerciale et des industries agroalimentaires ;
- Elles n’incitent pas au « moins et mieux » : sur la trentaine de politiques publiques agricoles et alimentaires environnementales sélectionnées dans cette cartographie, 21 politiques portent sur le moins et/ou mieux, dont 13 portent sur le “mieux”, 2 sur le “moins” et seulement 6 portent concomitamment sur le “moins et mieux”. Parmi les politiques qui portent sur le « moins » et/ou le « mieux », celles-ci sont trop souvent partielles, peu ambitieuses et faiblement mises en oeuvre.
- Elles manquent de cohérence : les enveloppes budgétaires de l’agriculture ne sont pas cohérentes avec les objectifs environnementaux. Par exemple, les aides à l’investissement aux élevages ne sont pas conditionnées et le Plan stratégique national contient des enveloppes budgétaires limitées pour le climat et n’aborde pas directement la baisse du cheptel.
Le PLOA peut porter sur les tendances de concentration-d’agrandissement, de spécialisation, et d’intensification qui empêchent le renouvellement des générations et ont de forts impacts environnementaux, freinent la résilience des exploitations et ont des impacts sur le bien-être des éleveurs.
Mais pour être efficace sur ces éléments, le PLOA doit être conjugué à d’autres politiques publiques ciblant tous les maillons de la chaîne, afin de permettre une transition de l’ensemble de la filière.
Pour sortir de l'impasse, la FNH plaide pour une planification écologique de la fourche à la fourchette
À l’approche d’échéances législatives importantes pour la filière, avec le PLOA, mais aussi la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat, le Projet de Loi de Finances, la nouvelle version de la Stratégie Nationale Bas Carbone et une éventuelle révision à mi-parcours du PSN, la Fondation souligne l’importance de :
1. Adopter une gouvernance interministérielle de la transition agroécologique et alimentaire ;
2. Faire évoluer l’environnement alimentaire (donc l’offre de la distribution, restauration hors domicile et des industries agroalimentaires) afin d’inciter à consommer moins et mieux de produits animaux et plus de végétaux ;
3. Mettre un terme aux tendances d’agrandissement-concentration, de spécialisation et d’intensification des pratiques au travers une réglementation plus contraignante sur la taille des exploitations et une restructuration des élevages difficiles à transmettre ;
4. Lancer une réflexion pour réguler les volumes, les prix, et le partage de la valeur au sein des filières ;
5. Réguler les échanges commerciaux pour réduire la concurrence internationale déloyale que subissent les éleveurs bovins ;
6. Refondre les enveloppes financières existantes en modulant les soutiens à l’élevage pour l’orienter vers une baisse des volumes de production et une amélioration des pratiques.
Sources
[1] BASIC. (2020). Étude des démarches de durabilité dans le domaine alimentaire : annexe méthodologique détaillée.
[2] Majoritairement pâturant, autonome pour l’alimentation animale, utilisant pas ou peu d’intrants chimiques.
[3] Réseau Civam (2022). L’Observatoire technico-économique des systèmes bovins laitiers. Edition 2022. En ligne
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