Les débats sur la loi de finances (PLF), pour définir les budgets nationaux de 2021, ont débuté. L’objectif affiché par le gouvernement : “redresser l’économie en préparant la France aux défis de demain” en s’appuyant sur les 100 milliards d’euros du plan de relance. Mais derrière cette volonté, le compte n’y est pas.
Pour les 60 organisations (associations, syndicats, mutuelles, fondations…) qui composent le Pacte du pouvoir de vivre ce budget 2021 présente 2 écueils majeurs : d’une part, des milliards d’euros sont accordés aux entreprises sans qu’aucune transformation écologique ne leur soit demandée en retour ; d’autre part rien n’a été mis en place pour les plus modestes, grands oubliés du plan de relance. Alors, une fois de plus, le Pacte du pouvoir de vivre, se mobilise pour que la parole et les propositions de ceux qui incarnent le double combat “fin de mois et fin du monde” soient entendues… et écoutées.
Faille n°1 : pas de contreparties sociales et écologiques face à la baisse des impôts de production
Le gouvernement a annoncé une baisse d’impôts de production de 20 milliards d’euros sur 2 ans pour relancer la compétitivité des entreprises en France et ce sans aucune contrepartie. Ainsi, les entreprises en difficulté ne bénéficieront pas plus de la baisse d’impôt de production, que celles qui tirent leur épingle du jeu dans cette crise. De même, cette baisse ne tient pas compte de l’engagement social et environnemental des entreprises : une entreprise de la pétrochimie et une entreprise dans les énergies renouvelables auront droit à la même baisse.
Face à cette situation, le Pacte du pouvoir de vivre tire la sonnette d’alarme : l'absence de contreparties laisse chaque entreprise à la merci du court terme et des logiques financières. Aucune garantie pour l’emploi et le climat suite à ce cadeau fiscal n’est assurée. Le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en est un bon exemple : Sur 5 ans, il a coûté 90 milliards d’euros et a créé entre 100 000 et 160 000 emplois, ce qui est très loin de l’objectif initial de 1 million d’emplois.
Le Pacte du pouvoir de vivre appelle donc le gouvernement à exiger des contreparties aux grandes entreprises qui vont bénéficier d’un allègement fiscal par :
1/ La publication d’un plan de transformation de l’entreprise. Ce plan comprendrait :
- l’empreinte carbone de l’entreprise (en incluant les émissions liées aux importations) .
- une stratégie de réduction de cette empreinte carbone avec une trajectoire alignée avec l’objectif de -1,5° C de réchauffement. Cette trajectoire d’émissions est fixée par secteur par le Commissariat général au développement durable en lien avec le Haut Conseil pour le climat.
- un plan d'investissement pour tenir ces engagements y compris en terme de formation pour les salariés, qui seront amenés à voir leurs métiers évoluer.
En cas de non respect de la baisse des émissions, l’entreprise devra être sanctionnée financièrement.
2/ La représentation renforcée des salariés dans les conseils d’administration des entreprises, à plus de 40% des voix. L’objectif : un meilleur équilibre entre le nombre d’actionnaires et de salariés, lors des prises de décisions stratégiques. Parce que l’emploi et le climat c’est l’affaire de toutes et tous !
Pourquoi ne pas exiger de contreparties c’est aller droit dans le mur ?
- Un manque de vision sur l’avenir des entreprises : si l'État souhaite soutenir les entreprises, il est essentiel de les inciter à enclencher les changement nécessaires pour respecter l’objectif de neutralité carbone en 2050 que s’est fixé la France. Investir dans l’écologie et la résilience aujourd’hui, c’est faire l’économie de demain ! De plus, les opportunités pour l’emploi sont nombreuses : grâce à la transition écologique entre 280 000 et 400 000 emplois pourraient être créées d’ici 2030.
- Une opportunité manquée pour la transition écologique et sociale : 82 % des entreprises du CAC 40 n’avaient pas de stratégie de neutralité en 2019, et seulement 1/3 avait réduit leur empreinte carbone depuis la COP21... Alors qu’elles ont un rôle indispensable pour enclencher la transition écologique et sociale ! En effet, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, la France doit réduire de 80% son empreinte carbone d’ici 2050, dont 60% dépend directement de l’action de l’État et des entreprises. (Etude "Faire sa part ?", Carbone 4).
Faille n°2 : relancer la France c’est aussi rééquilibrer la balance des inégalités
La situation actuelle de la précarité, exacerbée par la crise sanitaire, est alarmante :
- La Banque de France anticipe un taux de chômage au-dessus des 10 % en 2020, puis de 11 % dès le premier semestre 2021.
- La demande de RSA a augmenté de 9,2% en août 2020 par rapport à août 2019 (enquête de l’Association des Départements de France à partir d’un échantillon représentatif de 15 départements).
- Avant la crise sanitaire, 1 jeune sur 5 vivait déjà en dessous du seuil de pauvreté. Maintenant, le taux de jeunes sans emploi va augmenter fortement, sachant que 700 000 jeunes sortent de qualification en cette rentrée. Les plus précaires d’entre eux, et ceux qui sont en rupture familiale, ne peuvent même pas recourir au RSA qui n’est pas ouvert aux moins de 25 ans.
- En 2019, déjà 3 millions de personnes vivaient en dessous du taux de pauvreté soit 14,8% de la population (+0,7% par rapport à 2018).
Cependant, très peu de mesures proposées jusqu’à présent dans le plan de relance sont à la hauteur de l’enjeu.
Alors, pour ne laisser personne de côté, le Pacte du pouvoir de vivre demande au gouvernement des mesures sociales structurelles :
- Revaloriser le montant du RSA (à minima de 100€) et élargir son accès aux jeunes de 18 à 25 ans. Ces mesures s’imposent plus que jamais alors que la crise a d’une part révélé la fragilité extrême d’une partie de notre jeunesse et d’autre part donné à voir à quel point le montant du RSA ne permet pas de mener une vie décente.
- Octroyer un « chèque relance » à hauteur de 500€, pour aider les ménages modestes à satisfaire leurs besoins essentiels. Cette aide conjoncturelle, financée par l’Etat, doit être complémentaire d’un soutien pérenne sous forme notamment d’augmentation du RSA.
- Réévaluer les aides personnelles au logement et créer un fonds national, de 200 millions d'euros, d’aide à la quittance pour aider les locataires dont les revenus ont été impactés par la crise sanitaire.
- Simplifier et élargir l’accès au séjour des personnes sans papiers installées durablement dans notre pays pour qu’elles puissent sortir des structures d’urgence et pour favoriser leur autonomie via l’accès à l’emploi et au logement. Aussi, la capacité d’hébergement des demandeurs d’asile et de renforcer les moyens humains et financiers permettant de rendre opérationnelles et effectives les politiques d’intégration portées par notre pays.
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