Alors que la ratification du CETA sera présentée au vote mardi 23 juillet, la Fondation Nicolas Hulot et l’Institut Veblen reviennent sur les contre-verités qui circulent depuis plusieurs semaines sur cet accord. Respect des standards environnementaux, farines animales, tribunaux d’arbitrage, véto climatique, respect de l’Accord de Paris…
1) NON, dans le CETA, le respect de l'environnement n’est pas contraignant.
Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les chapitres sur l'environnement et le social ne sont pas contraignants. Sur les 1 596 pages du CETA, 13 seulement portent sur l’environnement et ce sont les seules, avec celles sur les droits sociaux, à ne pas être contraignantes. La violation des dispositions environnementales n'entraînerait donc aucune sanction commerciale.
AINSI, si demain, le Canada décidait de quitter l’Accord de Paris ou ne respectait simplement pas ses engagements de baisse d’émissions de gaz à effet serre, le seul recours possible serait d'activer un mécanisme de dialogue, puis un panel d'experts pour faire des recommandations sans aucune portée obligatoire. A l’inverse si demain l’Union européenne décidait d’augmenter les droits de douane ou d'adopter de nouvelles règles sanitaires sur la base du principe de précaution, le Canada pourrait poursuivre l’UE et la faire condamner à des sanctions commerciales, l'incitant ainsi fortement à modifier sa politique.
2) OUI, avec le CETA, de la viande et des denrées agricoles produites avec des substances interdites dans l’UE sont importées en France.
La Commission européenne, Jean-Baptiste Lemoyne et Jacques Maire, le rapporteur du texte, ont affirmé pendant des mois que les Canadiens devraient respecter les standards européens pour exporter leurs produits agricoles. Ces affirmations ne sont pas exactes, comme cela a été confirmé par la DGAL (Direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation), puis par Jacques Maire lui-même le 15 juillet 2019.
AINSI, si le bœuf aux hormones reste interdit en vertu d'un règlement spécifique, le Canada pourra exporter de la viande nourrie aux farines animales ou dopée aux antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance. Concernant les pesticides, il existe 46 molécules interdites dans l’UE qui sont autorisées au Canada, telles que l’atrazine. Des aliments qui ont été traités avec des pesticides interdits dans l'UE peuvent par conséquent pénétrer sur le marché européen, à condition de respecter les limites maximales de résidus autorisés (LMR). Ce système de deux poids deux mesures n'est pas conforme à l'article 44 de la loi EGAlim. Il place les producteurs européens dans une situation intenable et rendra encore plus difficile tout renforcement de la législation européenne dans ces domaines.
3) OUI, les tribunaux d’arbitrage sont toujours des juridictions d'exception, dangereuses pour l’intérêt général.
S’il y a eu des modifications de procédures dans la nouvelle version des tribunaux d’arbitrage (création d'un mécanisme d'appel, transparence et règles nouvelles de nomination des arbitres), les biais fondamentaux persistent. Seuls les investisseurs peuvent attaquer les politiques publiques des Etats, qu’ils jugeraient défavorables à leurs intérêts. Les États n'ont aucun recours possible face aux investisseurs et les investisseurs n'ont aucune obligation en matière de respect des droits humains, de l'environnement ou des règles fiscales. Par ailleurs, les contours du mécanisme d’appel et le code de conduite des arbitres n’ont pas encore été adoptés. Par conséquent les députés français sont appelés à se prononcer sans disposer de tous les éléments nécessaires.
AINSI, le meilleur moyen de protéger la capacité de réguler des États en matière environnementale, sanitaire ou de tout autre sujet d'intérêt général serait de renoncer à introduire un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, à l'instar du Canada et des États-Unis qui ont décidé de s'en passer dans le nouvel accord de commerce nord-américain. L'étude d'impact sur le développement durable de la Commission européenne et le rapport Schubert ont d'ailleurs rappelé que l'utilité d'un tel dispositif n'était pas démontrée.
4) NON, il n’existe pas de véto climatique.
L’objectif du véto climatique était d’empêcher les investisseurs canadiens d'attaquer l'UE ou les États devant les tribunaux d’arbitrage pour contester une mesure qui viserait à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette préconisation émanait du rapport de la Commission Schubert, réunissant des experts mandatés par le Premier ministre. Jean-Baptiste Lemoyne a rendu public le 15 juillet 2019 un nouveau projet "d'annexe aux règles de procédure du comité mixte du CETA". Cette proposition n'est malheureusement pas conforme à la recommandation des experts car elle ne bloque en rien la procédure comme l’a affirmé Sabrina Robert-Cuendet, l'une des juristes de la Commission Schubert.
AINSI, ce mécanisme permettrait en cas d’accord de l’UE et du Canada (et uniquement s'ils sont d’accord) de transmettre une déclaration commune au panel d'arbitres à qui il appartiendrait toujours de statuer sur le cas. Ce n’est par conséquent pas un véto.
5) Le Canada est l’un des pires pays du G20 en matière climatique.
Un Canadien émet en moyenne trois fois plus de GES qu’un Européen. La contribution nationale du Canada de réduction d’émissions des GES prise dans le cadre de l’Accord de Paris est très faible, avec seulement une baisse de 30% en 2030 par rapport à 2005 (en comparaison, l’UE s’est engagée sur une baisse de 40% par rapport à 1990). Non seulement Justin Trudeau n’a jamais relevé l’ambition climatique du Canada, mais son gouvernement a déjà reconnu qu’il ne tiendrait pas ses engagements pour 2020 (-17% par rapport à 2005). Cet écart pourrait encore s’empirer dans les semaines qui viennent car Andrew Sheer, le candidat conservateur en tête dans les sondages pour les élections fédérales d'octobre prochain a voté contre la ratification de l’Accord de Paris. S'il devient Premier ministre, il prévoit de développer encore d’avantage l’exploitation des sables bitumineux et du gaz de schiste. Si la France ratifie définitivement le CETA, comment pourra t-elle encore exiger qu'il respecte l'Accord de Paris ?
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