Cette semaine, lors de la séance de questions au gouvernement, le Premier ministre a soutenu une proposition de loi sénatoriale (la loi TRACE) qui, sous couvert de faciliter l’atteinte du zéro artificialisation nette (ZAN), lui porte un coup fatal : l’objectif de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) d’ici 2031 est supprimé. Sans cet objectif intermédiaire, impossible de réduire l’artificialisation des sols. Rappelons que depuis l’adoption du ZAN en 2021, la consommation d’ENAF n’a pourtant toujours pas diminué, restant aux alentours de 21 000 hectares, soit 2 fois la surface de la ville de Paris artificialisée chaque année.
En plus de supprimer l’objectif intermédiaire, la proposition de loi TRACE est une erreur à plusieurs titres :
1/ Un changement de méthode qui ne permet pas de bien mesurer l’artificialisation des sols.
La proposition de loi souhaite que le suivi de l’artificialisation ne se fasse qu’au travers de la consommation d’ENAF. S’il est crucial de protéger les terres pour la biodiversité et la protection de la souveraineté alimentaire, cette méthode de calcul ne permet pas d’apprécier l’artificialisation des sols dans son ensemble. Ainsi, la transformation d’un parc public en parking ne serait pas comptabilisée, le parc n’étant ni une terre naturelle, agricole ou forestière.
2/ Un changement de logique incompatible avec la protection des sols.
La proposition de loi sénatoriale souhaite inverser la logique du ZAN en déterminant l’enveloppe de consommation d’ENAF à partir des besoins locaux remontés par les élus, plutôt que de partir de la réduction de moitié déterminée au niveau régional. Sans limitation du nombre d’hectares à artificialiser chaque année, on ne réussira pas à organiser la sobriété foncière. De plus, les besoins locaux sont déjà partiellement pris en compte par les différents documents d’urbanisme et de planification. Toutefois, renforcer la participation des élus locaux à l’élaboration de ces documents semble en effet indispensable pour s’assurer d’une répartition équitable des efforts de sobriété foncière.
3/ Depuis 1 an, les outils pour affaiblir le ZAN se multiplient
De manière plus générale, cette proposition s’inscrit dans un climat de remise en cause de la lutte contre l’artificialisation des sols :
- Depuis janvier 2024, une circulaire permet déjà aux préfets d’autoriser les collectivités à dépasser jusqu’à 20% les objectifs de réduction de l’artificialisation prévus par le document d’urbanisme supérieur.
- Le projet de loi de simplification de la vie économique, prochainement discuté à l’Assemblée Nationale, propose de ne plus comptabiliser l’artificialisation résultant des projets industriels. L’industrie n’aurait alors plus d’efforts à fournir pour être sobre en foncier.
- Le montant du Fonds Vert a été considérablement réduit, passant de 2,5Md € en 2024 à 1Md € en 2025. Pourtant, ce fonds est essentiel pour atteindre le ZAN car il vient financer entre autres des mesures de réhabilitation des friches et de renaturation.