Les zones humides sont des réservoirs de biodiversité. Elles offrent des conditions favorables au développement de toutes les formes de vie animales et végétales (oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens, poissons, insectes et plantes…) ainsi que le gîte et le couvert pour de nombreuses espèces migratrices.
Pas moins de 40% de toutes les espèces animales et végétales dans le monde dépendent de ces milieux, dont en France la totalité des amphibiens (grenouilles et tritons) et pourtant la destruction des zones humides reste aujourd’hui un fléau pire que la déforestation puisqu’elles disparaissent, en pourcentage, à un rythme trois fois supérieur. Zoom sur quelques représentants de ces espèces animales et végétales
Chez les amphibiens
La rainette verte - Hyla arborea
Amphibien emblématique des zones humides, cette rainette d’à peine 5 cm pesant une vingtaine de grammes mène une double vie : terrestre et aquatique, grâce à un système respiratoire associant deux petits poumons et une respiration cutanée : une très fine peau bien vascularisée secrète dans ses glandes un mucus qui la maintient souple et humide et favorise les échanges gazeux. Se nourrissant d’insectes terrestres et d’invertébrés aquatiques, la rainette évolue ainsi dans les plaines, prairies et bois mais toujours à proximité de zones humides mares, étangs, fossés, bras morts… indispensables à sa survie et à sa reproduction puisqu’elle se développe dans l’eau. La femelle y pond entre mars et mai jusqu’à 10 000 œufs qui, sept jours plus tard, donnent des têtards puis deviennent au bout de trois mois des grenouilles adultes évoluant à terre. Plus petite que la grenouille commune (10 cm) dont l’homme apprécie les cuisses ! Ses principaux prédateurs sont les poissons carnassiers (brochets surtout), couleuvres, hérons et martins-pêcheurs.
Le saviez-vous ? Malheureusement les amphibiens payent aussi un lourd tribut à la route. Pour tenter de réduire la mortalité des grenouilles écrasées lors de leur migration pour aller se reproduire, on construit des « crapauducs », ces tunnels permettant aux amphibiens de passer sous la route aux endroits les plus stratégiques. Et aussi… savez vous ce qui distingue les amphibiens « anoures » crapauds, grenouilles et rainettes, des « urodèles » tritons et salamandres ? Les premiers sont sans queue (résorbées après l’état larvaire) alors que les seconds en ont une.
Chez les reptiles
La cistude d’Europe - Emys orbicularis
La cistude d’Europe est une tortue d’eau douce, dite dulcaquicole. De tempérament méfiant, ce timide reptile dont la carapace tire du vert olive au noir passe souvent inaperçu, se fondant dans la végétation serrée type roselière pour se cacher des prédateurs terrestres. Au sortir de l’hivernation, au mois de mars, il faut s’armer de patience pour avoir une chance de l’observer durant ses bains de soleil car à la moindre alerte, elle plonge et disparaît sous l’eau. Bien adaptée, ses pattes palmées dotées aussi de fortes griffes lui permettent de se déplacer aussi bien à terre que dans l’eau. Son comportement alimentaire est opportuniste. Si l’essentiel de son menu carnivore est à base d’insectes, larves, mollusques, crustacés, la tortue ne dédaigne pas les charognes de type poissons morts, un petit côté charognard for utile qui participe au nettoyage et à l’équilibre écologique des milieux humides.
Particularité de l'espèce : le dimorphisme sexuel. A savoir que la femelle est plus grande que le mâle, jusqu’à 20 cm et 1,3kg pour elle contre 16 cm et 600 gr pour lui. Sa maturité sexuelle n’intervient pas avant 7 ou 8 ans chez la femelle mais son espérance de vie peut atteindre 50 ans. Si la tortue adulte est moins sujette à la prédation, les œufs et juvéniles sont beaucoup plus vulnérables face aux corvidés, hérons, fouines, renards, sangliers…
Le saviez-vous ? Chez la Cistude d’Europe comme chez la majorité des reptiles ovipares, c’est la température d’incubation des œufs qui détermine le sexe mâle ou femelle des petits à naître ; en dessous de 30°C ce sont des mâles, et donc au-delà des femelles. Ce déterminisme est dit « thermosensible ».
Chez les mammifères
Le castor d’Europe, castor fiber
Notre castor d’Europe est le deuxième plus gros rongeur du monde (le premier étant le Capybara vivant en Amérique centrale). Il pèse jusqu’à 30 kilos mais certains spécimens peuvent atteindre 45 kilos et dépasser les 1,20m de long, sa large queue en forme de battoir comptant pour 30 cm.
Cet ingénieur de la nature bénéficie d’un fort capital de sympathie tant la qualité de son ouvrage est admirable. Animal monogame, il passe sa vie à construire un nid douillet pour y élever sa progéniture. Bâtisseur hors pair, il est doté d’une mâchoire puissante et de longues incisives grâce auxquelles il taille, empile, entrelace bouts de bois, troncs et végétaux puis imperméabilise l’ensemble en la recouvrant d’une épaisse couche de boue. Toujours à pied d’œuvre, il répare sans cesse et colmate les fuites, sa large queue plate couverte d’écailles lui servant sous l’eau de gouvernail et le maintenant en équilibre sur terre. En édifiant des barrages pouvant atteindre 2 mètres de haut, il crée des retenues d’eau pouvant inonder de larges étendues de terre, créant de nouvelles zones de prairies humides propices au développement d’autres espèces animales et ralentissant le débit de l’eau, donc le ruissellement et l’érosion.
Le saviez-vous ? En plus d’une huile imperméabilisant naturellement sa fourrure, le castor possède une troisième paupière pour voir sous l’eau sans s’irriter les yeux, de même qu’en mode submersion ses narines et oreilles se bouchent automatiquement ! « Faire feu de tout bois », non seulement ils utilisent le bois comme matériau de construction mais c’est aussi une source de nourriture car les castors comptent parmi les rares mammifères capables de digérer la cellulose.
La loutre d'Europe, lutra lutra
Avec son corps allongé et souple mesurant entre 60 et 80 cm, sa petite tête plate et son fin museau, ce gracile mustélidé est très agile et rapide sous l’eau. Longtemps chassée pour sa magnifique et soyeuse fourrure brune, environ 80 000 poils courts et longs au cm2 composent deux couches distinctes : le poil de bourre et le poil de jarre, la loutre d’Europe est aujourd’hui protégée. Son espérance de vie est d’une dizaine d’années à l’état sauvage. Territoriale, solitaire, elle s’établit sur 5 à 15 de km de rives de cours d’eau dans lesquels elle prélève près d’1 kilo de nourriture par jour (poissons, grenouilles, écrevisses…). Elle se distingue des autres mustélidés par son caractère particulièrement joueur et s’adonne volontiers à des parties de glissade ! Sous l'eau, elle utilise sa grosse queue musclée comme une hélice pour se propulser et ses pattes arrières lui servent de gouvernail pour changer de direction. On trouve la loutre d’Europe jusqu’à 2000 mètres d’altitude.
Le saviez vous ? La catiche est le nom de sa tanière, le lieu où la loutre met bas, ce peut être un arbre creux aussi bien qu’une cavité creusée dans la berge. Les petits sont appelés des loutrons (trois maximum par portée), ils naissent aveugles et restent 1 an auprès de leur mère.
Chez les insectes
La libellule - Ordre des Odonates
Il faut savoir qu’en raison de la dégradation ou de la disparition croissants des zones humides qui sont leur site de reproduction, une libellule sur six est en danger d’extinction dans le monde. En France métropolitaine, on dénombre près de 90 espèces. Leur taille moyenne : 7 cm de long et une envergure jusqu’à 11 cm, arborant de magnifiques couleurs allant du bleu avec l’agrion de mercure, au jaune, noir, vert comme l’anax empereur, et même rouge vif comme le Sympétrum rouge sang.
Tout en légèreté, la gracieuse libellule fait partie de ses insectes bien aimés qui ne piquent pas. Grâce à ses quatre ailes se mouvant indépendamment les unes des autres, elle offre de véritables ballets aériens. En stationnaire, en marche-arrière ou lors de brusques changements de cap, le vol de la libellule pouvant atteindre 90 km/h en vitesse de pointe fait d’elle une redoutable prédatrice. Elle consomme jusqu’à une centaine d’insectes par jour dont les moustiques et leurs larves, papillons, araignées… mais c’est dans l’eau qu’elle passe la majeure partie de sa vie puisque les larves peuvant muer jusqu’à 15 fois, ce qui s’explique par la rigidité de leur squelette externe, pour se développer. Adultes, sa durée de vie aérienne varie selon les espèces de quelques semaines à quelques mois, mourant généralement à l’automne.
Le saviez-vous : la frêle libellule existait déjà il y a plus de 200 millions d’années et ainsi côtoyé les dinosaures ! A votre avis, pourquoi appelle-t-on certaines libellules des « demoiselles » ? Scientifiquement parlant, l’ordre des odonates est scindé en deux sous-ordres : les Zygoptères ou « demoiselles » qui replient leurs ailes au-dessus d’elles quand elles se posent, et les Anisoptères, plus grosses qui gardent en permanence leurs paires d'ailes dépliées à l’horizontale.
Chez les végétaux
Le roseau des marais - Phragmites australis
Le roseau des marais fait partie de ces plantes les plus connues qui signent la présence de zones humides, ils côtoient les iris jaunes, les joncs, laîches, et autres sphaignes, ces mousses qui ont la particularité bien utile de se gorger d’eau comme des éponges.
Plante semi-aquatique, cette grande graminée vivace avec sa longue tige d’environ 2 mètres de haut, forment des roselières ceinturant les pièces d’eau qu’elles colonisent grâce à un réseau de solides rhizomes qui assurent une bonne stabilité des berges. Le roseau, de croissance rapide, plante de la phyto-épuration par excellence, est un atout majeur quand il s’agit d’éliminer les métaux lourds et de traiter les eaux usées. Aussi appelé cannes à balais, en raison de leurs inflorescences en forme de plumeau, les roselières sont un brise-vent efficace et un site de reproduction idéal pour la multitude d’oiseaux nicheurs, d’insectes, de canards et autres petits mammifères qu’elles hébergent et protègent des prédateurs.
Le saviez-vous ? On confond souvent le roseau des marais avec le roseau des étangs (ou roseau à massette), dont les épis floraux ressemblent à de longs bâtonnets de couleur brune. Les tiges creuses du roseau des marais (rassemblées en bottes) servent à structurer les toits et sont l’un des plus vieux matériaux de couverture utilisés : le chaume.
Le saule pleureur - Salix Babylonica
Le saule pleureur est un arbre qui se plait les pieds dans l’eau, consolidant les berges des rivières et étangs grâce à son vigoureux système racinaire. Il prend rapidement des dimensions importantes, pousse en tous sens et peut atteindre 25 mètres de hauteur mais a une durée de vie relativement limitée pour un arbre : 30/40 ans. Ses longues branches retombant souplement sont ornées de feuilles lancéolées entre vert jaune lustré et vert moyen, jaunissant à l'automne et ses longs rameaux jaune vif brunissent avec l'âge. Sa beauté, le bruissement léger de ses feuilles l’ont amené à souvent être planté comme arbre d’ornement. Originaire de Chine (où cet « arbre de vie » est symbole d’immortalité), il fut importé depuis le Japon au 17e siècle en Europe où depuis il prospère dans les sols frais et humides. Il existe des arbres mâles et femelles et leurs fleurs, des chatons mâles et femelles, sont dressées vers le haut au printemps. Le saule nourrit chenilles et oiseaux tout en fournissant aux animaux un abri frais et ombragé l’été. Par ailleurs, les saulaies marécageuses ont un rôle majeur dans la circulation de l’eau, servant notamment de zone tampon et d’épuration des eaux.
Le saviez-vous : les saules sont une grande famille d’arbres, arbustes et arbrisseaux de la famille des salicacées. Parmi eux, Salix Alba, ou saule blanc, possède des feuilles blanchâtres à l'origine de l'aspirine. Quant à Salix Purpurea, Salix Viminalis, osier rouge et blanc, ils étaient le matériau de base des vanniers pour fabriquer des paniers ou encore Salix Antartica, le plus petit arbre du monde - 2 centimètres de hauteur - est un saule !
Chez les crustacés
L’écrevisse à pattes rouges - Astacus astacus
Mesurant entre 5 et 20 cm pour les plus grosses, les écrevisses autochtones (trois sont répertoriées en France : l’écrevisse à pattes rouges, à pieds blancs, et celle des torrents) sont, à bien des égards, menacées à l’état sauvage. Muni de fortes pinces et d’un thorax bien développé, voire charnu - ce qui en fait un mets culinaire fort apprécié -, ce homard version miniature est aussi victime comme tant d’autres espèces de la dégradation de son habitat. L’écrevisse a besoin d’une eau douce claire et bien oxygénée ainsi qu’un sol ferme, suffisamment escarpé pas trop envahi par la végétation pour creuser des trous afin de s’y réfugier lors de ses différentes mues : des périodes pendant lesquelles elle change d’exosquelette pour poursuivre sa croissance et se retrouve molle donc très vulnérable. Une carapace riche en calcium dont elle va ingérer la substance nutritive pour créer sa nouvelle cuirasse.
Ce décapode (10 pattes) ne nage pas vraiment et se déplace en arrière en claquant fortement sa queue par à-coups contre la partie inférieure de son corps. A son menu d’omnivore et de détrivore figurent, larves d’insectes, œufs de poissons et toutes sortes de débris végétaux et animaux mais elle est aussi une proie de choix pour une multitude poissons, oiseaux aquatiques et mammifères comme la loutre et les rats. A noter que l’écrevisse souffre particulièrement de la concurrence d’écrevisses « exotiques » introduites volontairement ou non par l’homme comme l’écrevisse de Louisiane, nettement plus féconde : Deux pontes de 100 à 500 œufs contre 1 seule de 60 à 150 œufs pour l’écrevisse française
Le saviez-vous ? Principalement active la nuit, l’écrevisse peut migrer à la recherche d’un point d’eau plus accueillant et parcourir plusieurs kilomètres sur la terre ferme après avoir stocké de l'eau dans ses branchies lui permettant de respirer.
Chez les oiseaux
Le martin-pêcheur d’Europe - Alcedo atthis
Reconnaissable entre tous avec son plumage bleu turquoise et roux orangé, ce petit oiseau piscivore d’une quinzaine de cm, pesant 30 à 45 gr avec une envergure d’environ 25cm, se distingue par son bec aussi effilé et pointu que la lame d’un poignard. Il s’en sert d’ailleurs comme une dague pour capturer des poissons dont la taille n’excède pas 7cm (tanches, gardons, alevins) qu’il transperce littéralement sous l’eau en plongeant jusqu’à un mètre de profondeur.
Flanqué de toutes petites pattes dont les doigts sont en partie soudés, ce n’est pas un oiseau que vous verrez se déplacer à terre : farouche, on l’entend, un cri perçant, davantage qu’on ne le voit. Le martin-pêcheur est cavernicole et, à défaut de trouver au printemps une galerie disponible, le couple creusera lui-même un long tunnel, suffisamment haut sur la berge d’un cours d’eau pour prévenir le risque de submersion en cas d’inondation, au bout duquel la femelle couvera 5 à 8 œufs durant trois semaines en alternance avec le mâle. Deux nichées, au printemps et en été, parfois davantage se succèdent. Après l’éclosion, les petits mangent quotidiennement leur poids en poissons et grandissent rapidement puisque quatre semaines en moyenne après l’éclosion, le mâle supervise leurs premiers plongeons pendant que la femelle enchaine souvent sur une autre nichée, parfois trois ou quatre dans la même année pour peu que l’une d’elles ait été la proie de rats, de renards ou autre animal fouisseur. Adultes, ses prédateurs (éperviers et faucons) viennent plutôt du ciel. Espèce non chassable, son espérance de vie à l’état sauvage s’établit entre 10 et 15 ans.
Le saviez-vous ? La fulgurance du plongeon oblique en piqué, ailes repliées vers l’arrière du martin-pêcheur a inspiré les ingénieurs japonais : l’aérodynamie de l’oiseau qui plonge et fend l’eau sans aucune éclaboussure fut une propriété très intéressante à exploiter pour résoudre un problème acoustique de leur TGV. S’inspirer de l’anatomie de cet oiseau leur a permis de remédier à la déflagration sonore liée à la vague de pression produite par l’entrée à vive allure dans un tunnel urbain, tout en améliorant son taux de pénétration dans l’air ce qui augmente sa vitesse et réduit sa consommation électrique. Quand la nature inspire les Hommes !
Le héron cendré - Ardea cinerea
Le héron français, comme son nom l’indique de couleur gris cendré, est plutôt casanier. Il vit dans les zones humides, pourvu que les eaux soient poissonneuses et peu profondes. En plaines, on reconnait facilement ce grand échassier près des fleuves, dans les étangs, marais, rizières ou, sur le littoral sillonnant les estuaires, vasières ou marécages. Sa haute taille, près d’un mètre, fait de ce cousin de la cigogne le plus grand des ardéidés d’Europe. Jouissant d’une excellente vision frontale et latérale et d’une ouïe très fine, il fuit à la moindre alerte.
Bien que son envergure moyenne atteigne 1,80m ailes déployées, son vol néanmoins puissant et esthétique avec ses longues pattes bien tendues vers l’arrière, n’est pas très rapide, 40 km/h maximum. Territorial, monogame le temps d’une saison, le mâle aide la femelle à façonner le nid, une plateforme légèrement en creux faite de bouts de bois, joncs et brindilles entrelacés en haut des arbres où le couple couve en alternance 3 à 5 œufs puis nourrit et protège des prédateurs (mustélidés carnivores, grands rapaces) les petits avant leur émancipation (50 jours environ). Le héron reste grégaire, il se reproduit en colonies, les héronnières et, hors période de reproduction, ils se rassemblent la nuit dans des dortoirs hors de portée des prédateurs.
Le saviez-vous ? Contrairement à ses cousines la grue et la cigogne qui volent le cou déployé, le héron doit rentrer et replier le sien pour maintenir le poids de son corps à l’équilibre. Pas besoin non plus de pattes palmées… S’il se nourrit essentiellement dans l’eau, le héron ne se mouille pas ! Il ne nage pas, mais déambule grâce à ses longues pattes et attend, ses yeux jaunes rivés sur l’eau. Le poisson repéré (jusqu’à 500 grs), il le laisse s’approcher pour, au moment propice, le harponner de son long bec orangé.
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