L'événement organisé ce 10 février à Bruxelles par la FNH, l’Institut Veblen et INTERBEV marque une nouvelle étape en faveur de la réciprocité des normes de production agricole dans la politique commerciale de l’UE. Organisé dans le cadre de la Présidence française de l'UE, il illustre la volonté de tous - Ministres de l’agriculture et députés européens des principaux groupes politiques de plusieurs États membres - d’avancer sur ce sujet. A chacun dorénavant de concrétiser l’ambition affichée d’autant que des opportunités politiques se présentent déjà. La FNH et l’Institut Veblen attendent en particulier de la Commission qu’elle présente une vision complète de sa stratégie pour que les mesures-miroirs protègent enfin les agriculteurs, les consommateurs et l’environnement.
Nous avons importé 28% de denrées agricoles supplémentaires entre 2009 et 2015 et, parmi celles-ci, des productions élaborées selon des pratiques bannies dans l’UE telles que des traitements avec des pesticides interdits. Ce non sens écologique, économique et social pénalise les agriculteurs qui subissent une concurrence déloyale et pèse sur la santé des consommateurs européens. De ce fait, l’Union européenne participe aussi à travers ses importations et sa consommation à la dégradation de l’environnement et de la santé publique dans les pays tiers. Cette situation menace directement l’atteinte des objectifs environnementaux et climatiques définis dans le Green Deal (le Pacte vert, soit l’objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici à 2050), et la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette » et son objectif ambitieux de réduction des pesticides.
Issues du rapport co-rédigé par la FNH, l’Institut Veblen et INTERBEV Mondialisation : Comment protéger les agriculteurs et l’environnement ? Un règlement pour stopper l’importation d’aliments issus de pratiques interdites en Europe, les mesures-miroirs avaient commencé à faire leur chemin dans le cadre de l’examen de la PAC au Parlement européen avant d’être écartées au moment des négociations avec le Conseil. Mais l'événement qui s’est tenu aujourd’hui leur donne un nouvel élan.
D’autant que l’obstacle souvent invoqué du droit de l’OMC apparaît loin d’être infranchissable comme l’a notamment souligné Gabrielle Marceau, professeure de droit et conseillère à la division des affaires juridiques de l’OMC.
De nombreux leviers pour ancrer les mesures-miroirs dans les textes européens
A long terme, il s’agit de faire évoluer les législations européennes sectorielles pour imposer l’application de mesures-miroirs à tous les produits importés. Mais à court terme, plusieurs opportunités se présentent pour agir rapidement :
- Adoption de l’acte délégué visant à appliquer aux produits importés issus des pays tiers l’interdiction européenne d’utiliser les antibiotiques comme promoteurs de croissance en élevage ;
- Durcissement des règles de transparence et de diligence raisonnée concernant notamment la viande bovine dans le cadre du règlement relatif à la déforestation importée, pour imposer notamment le traçage des animaux de la naissance à l’abattage; ainsi que des mécanisme de mise en oeuvre et de contrôle de ces nouvelles règles
- Identification des normes de bien-être animal prioritaires à imposer aux producteurs des pays tiers qui souhaitent exporter leurs viandes vers l’UE ;
- Abaissement des Limites Maximales de Résidus au seuil de détection pour tous les pesticides interdits par l’UE avant une interdiction plus stricte des substances et pratiques bannies par la réglementation européenne.
En complément, l’Union européenne doit intégrer des clauses miroirs aux accords de commerce de nouvelle génération. Il s’agit a minima d’imposer des clauses miroirs dans la conditionnalité des accords bilatéraux.
Ce sujet devient un marqueur fort de la Présidence française de l’Union européenne. Aujourd’hui, il s’agit d’une étape importante vers la mise en oeuvre de cette proposition qui doit se traduire en actes. C’est aussi un point de départ pour permettre à l’Europe de s’engager pleinement, rapidement et avec ambition dans le Green Deal.
La crédibilité de cet engagement dépendra de la cohérence globale des politiques publiques et notamment sur l’arrêt de la production et de l’exportation de pesticides interdits dans l’UE, ainsi que sur la fin de dérogations sur certains pesticides comme les néonicotinoïdes.
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