10 millions de tonnes de matières plastiques produites par seconde à travers le monde, 350 millions de tonnes chaque année… Le plastique, la planète le vomit. Rien qu’en France, 6 millions de tonnes sortent de nos usines et on en exporte plus d’un million. Depuis 50 ans, le plastique a littéralement envahi nos vies pour le meilleur mais aussi pour le pire, polluant nos paysages et nos océans, intoxiquant les animaux, les poissons, nos assiettes.
Et pourtant, par des gestes simples, chacun peut limiter, voire, pour les plus motivés, éradiquer le plastique de son quotidien. Dans le même temps, le gouvernement a un rôle primordial à jouer pour interdire le plastique à usage unique et mettre en place la consigne pour réemploi. C’est à ces conditions, avec la participation de toutes et tous, que nous pourrons enrayer un usage à outrance, devenu un véritable fléau.
Le plastique plus si fantastique…
Chaque année, on estime que 13 millions de tonnes de plastique se retrouvent dans les océans. Une pollution si étendue que les images de détritus plastique flottants sur les mers ou présents tout au fond des océans n’étonnent plus personne.
Le plus grand prédateur des océans
Les conséquences en sont dramatiques, à commencer pour la biodiversité. Son impact sur le vivant en fait le plus grand prédateur des océans. La pollution plastique peut provoquer, chez les animaux qu’elle touche, des blessures, des noyades ou des immobilisations, par exemple à cause des filets de pêche abandonnés. Environ 700 espèces marines sont directement menacées par la pollution plastique, 1,5 million d’animaux marins en meurent chaque année, 90% des oiseaux de mer ont des fragments de plastique dans l’estomac, et ce chiffre pourrait passer à 99% d’ici 2050 si l’on ne fait rien pour réduire les flux de plastique entrant dans l’océan. Le déplacement des déchets d’un océan à l’autre peut aussi transporter des espèces invasives et ainsi déréguler des biotopes.
5 grammes de plastiques à votre menu par semaine !
Cette matière pose aussi question au niveau sanitaire. Car les déchets que l’on retrouve partout sur les plages ne sont que la partie émergée de l’iceberg de plastique. La majorité du problème est constitué de tous petits morceaux de plastique, inférieurs à 5 millimètres, qui proviennent des déchets plastiques dégradés par le soleil, les bactéries, le sel et les courants des océans. Ces microparticules peuvent impacter durablement la santé humaine. Un être humain ingurgiterait environ 5 grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent d’une carte de crédit. Il s’agit donc d’un problème de santé publique. La principale source d’exposition serait la migration des produits chimiques contenus dans les emballages vers la nourriture ou la boisson. Les plastiques utilisent également des produits additifs potentiellement cancérigènes ou pouvant perturber le système reproductif (perturbateurs endocriniens). Les substances les plus connues sont par exemple les phtalates ou le bisphenol A, mais il est très difficile de connaître la totalité des produits utilisés au cours du processus industriel ; le secret industriel permet aux sociétés de pas les rendre publics, et donc de pas voir le législateur s’en emparer pour en règlementer leurs usages.
Par ailleurs, le plastique pose aussi des problèmes en milieux urbains ; la question de la propreté dans les villes va être un sujet majeur des prochaines élections municipales.
La limite : le recyclage n’est pas la solution miracle
La plupart des législations et règlementations se dirigent uniquement vers une gestion des déchets, et non vers leur réduction. Le recyclage, présenté souvent comme étant la réponse adéquate, devrait en fait être considéré comme l’une des dernières solutions. Les volumes de plastique sont tels qu’il n’existe pas d’infrastructures pour les gérer convenablement. Aujourd’hui, seuls 9% des plastiques consommés en France sont effectivement recyclés. Une partie se retrouve donc dans la nature, et l’autre est enfouie en décharge ou envoyée en incinérateur, solutions elles-mêmes polluantes.
La solution ? Réduire ses déchets plastiques plutôt que les recycler
Il faut donc impérativement baisser la production et donc la consommation de plastique. Face au fléau plastique, de nombreux citoyens ont déjà pris le parti de réduire drastiquement leur consommation de plastique au quotidien, grâce à des gestes simples.
Parmi eux :
• Remplacer la bouteille plastique à usage unique par une gourde réutilisable à l’infini. En plus de potentiellement polluer la nature jusqu’à 500 ans, la bouteille dégage des microparticules de plastique dans la boisson qui sont ingérées par l’être humain.
• Mais bien d’autres solutions existent pour que le consommateur ou la consommatrice puisse entrer pleinement dans le zéro plastique : passer aux cosmétiques solides, privilégier des emballages alimentaires réutilisables, avoir recours aux couches lavables, fabriquer ses propres produits d’entretien, acheter ses produits alimentaires en vrac, etc
Et que peut faire l’État pour enrayer la pollution plastique ?
Interdire le plastique à usage unique
45% du plastique produit est destiné à fabriquer les emballages à usage unique. Il s’agit pour la plus grande majorité de plastiques ayant une durée d’utilisation très réduite, parfois seulement quelques minutes, mais qui peuvent potentiellement polluer les océans pour des centaines d’années. Pour autant, il existe déjà dans ce domaine de nombreuses solutions d’évitement possible. Une interdiction progressive du plastique à usage unique est donc souhaitable et possible. En interdisant par exemple dans un premier temps les emballages et la vaisselle jetables pour les repas pris sur place dans les établissements de restauration (principalement les fast-foods), on pourrait éviter environ 6,5 milliards d’unités d’emballage chaque année.
Mais l’interdiction du plastique à usage unique n’est pas une fin en soi et doit être un levier pour développer des solutions, nouvelles ou anciennes, qui demandent tant une sensibilisation du public que des investissements matériels conséquents, au premier rang desquelles : la mise en place de la consigne pour réemploi.
La consigne pour remploi : une solution d’antan à réinvestir massivement
Depuis les années 90, ce système autrefois célèbre est tombé en désuétude sous la pression des industriels, qui ont reporté sur les collectivités la responsabilité leur incombant concernant la gestion de leurs emballages, en privilégiant le plastique plutôt que le verre. Mesure de bon sens, la consigne est le système dans lequel, au moment de l’achat, un petit montant est appliqué sur le contenant en verre qui, après usage, est rapporté au commerçant dans le but d’être lavé et réutilisé en l’état. Le montant est alors restitué à l’acheteur ou à l’acheteuse.
Potentiellement appliqué sur différents types d’emballage, le système de consigne pour réemploi permet d’éviter l’extraction de pétrole pour la production d’un plastique que l’on ne peut pas recycler à l’infini. Le verre présente quant à lui l’avantage de pouvoir être lavé et re-rempli entre 20 et 50 fois, ce qui est une plus-value écologique par rapport à une autre solution qu’est le recyclage du verre (15 fois moins d’énergie, 70% d’émissions de gaz à effet de serre en moins). Par ailleurs, l’Ademe souligne l’argument économique de la consigne. Le coût du verre consigné est globalement inférieur à l’emballage jetable ; dans le meilleur des cas, le montant peut même être divisé par deux.
Que dit le projet de loi anti-gaspillage au sujet de la consigne ?
Le projet de loi anti-gaspillage est un texte du gouvernement actuellement en débats au Parlement, et défendu par Brune Poirson, secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire. Dans sa version initiale, il prévoyait un système de consigne, non pour réemploi, mais pour recyclage. Insatisfaisant sur le principe ainsi que dans son application technique, ce système prenait exclusivement en compte les bouteilles plastiques et les canettes métalliques pour les recycler. Dévoyant ainsi la consigne classique, le projet prévoyait de légitimer le recours à la bouteille fabriquée à partir de plastique plutôt qu’à partir d’un matériau plus durable comme le verre. Cette mesure a été supprimée du texte lors de son examen par le Sénat en septembre 2019, mais il est possible que celle-ci soit réintroduite lors de sa seconde lecture à l’Assemblée nationale.
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