80% des insectes auraient disparu depuis 30 ans en Europe (1). Les pollinisateurs, dont les abeilles, sont particulièrement touchés. Quand on sait que 75% de la production mondiale de nourriture dépend directement des insectes pollinisateurs, cette extinction massive fait froid dans le dos. Outre sur notre capacité à cultiver, ce déclin a aussi un impact sur le reste de la biodiversité. La bonne nouvelle est que nous avons encore les moyens d’agir, à condition de nous y mettre dès aujourd’hui. Si les citoyens peuvent soutenir les pollinisateurs en plantant des fleurs mellifères, le principal pouvoir d’agir est entre les mains du politique : il faut sortir des pesticides de synthèse et pour cela l’accompagnement des agriculteurs est la première des priorités.
Protéger les abeilles pour garantir notre capacité à nous nourrir et préserver le reste de la vie sur Terre !
Les insectes pollinisateurs sont essentiels à la biodiversité et assurent notre alimentation. La production des fruits, des légumes, du colza, du tournesol, des noix, des amandes, etc. dépend totalement de ces insectes qui transportent le pollen de fleur en fleur. Selon une étude publiée par le ministère de l'Environnement, l'extinction des abeilles et des espèces butineuses coûterait 2,9 milliards d'euros à la France par an. Sur les cent espèces végétales qui fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, plus de 70 % dépendent des abeilles pour leur pollinisation.
L’INRA a évalué le service environnemental rendu par les abeilles à 153 milliards d’euros par an dans le monde (2). Produire notre alimentation sans pollinisateur aurait un coût démesuré puisqu’il faudrait remplacer leur action par une manipulation humaine ou technologique compliquée… alors que le service rendu par les pollinisateurs est gratuit !
Les études sont sans appel quant au lien entre l’utilisation intensive des pesticides et la mortalité des pollinisateurs.
N’oublions pas que les insecticides ont pour but premier de tuer des insectes. Récemment, une analyse toxicologique d’abeilles domestiques mortes en Europe montre que 98 % des abeilles examinées étaient empoisonnées par plusieurs résidus de pesticides (3). En 2001, une étude britannique (4) établit la relation entre produits chimiques et déclin des insectes en ayant croisé dix-huit années de données nationales, portant sur 62 des 250 espèces sauvages d’Angleterre, avec leur exposition aux champs de colza traités aux néonicotinoïdes.
Il existe un lien tout aussi établi sur la santé humaine. Pour ne citer qu’un exemple, l’INSERM montre qu’il existe chez les riverains de zones d’épandages de pesticides une plus grande occurrence de leucémies, de tumeurs cérébrales, de malformations congénitales, troubles neurocomportementaux et du développement (5).
Le paradoxe ? Les abeilles seraient plus rentables que les pesticides !
Des chercheurs de l’Inra et du CNRS viennent de montrer pour la première fois que la pollinisation par les pollinisateurs surpasse l’utilisation de pesticides de synthèse dans le rendement et la rentabilité du colza (6) : « Cette étude démontre une augmentation de rendement et de marge brute (en moyenne de 15 % (119€/ha) et allant jusqu’à 40 % (289€/ha)) dans les parcelles avec une abondance de pollinisateurs maximale par rapport aux parcelles pratiquement dépourvues de pollinisateurs. Cet effet est toutefois fortement réduit par l'utilisation de pesticides » (7).
Et malgré tous ces avantages et bienfaits, le nombre de pollinisateurs est en chute libre !
La solution ? Sortir de notre dépendance aux pesticides et notamment du glyphosate en accompagnant les agriculteurs vers la conversion à l’agroécologie, dont l’agriculture biologique.
Face à cette inquiétante diminution des populations d'abeilles et autres pollinisateurs nous avons les moyens d'agir.
Les citoyens peuvent agir en plantant des fleurs mellifères (dont le nectar permet de produire du miel) dans leur jardin ou ailleurs : lavande, thym, coriandre, jacinthe, coquelicot, bourrache, fenouil ou encore sauge… le choix est de taille. Les fleurs mellifères sont des sources de pollen, de protéines, et de nectar pour les insectes butineurs. Elles leur permettent de satisfaire leurs besoins alimentaires et d’allonger leur durée de vie. Et c’est bénéfique pour les autres insectes !
Mais ces efforts ne pourront être féconds sans un engagement sans faille des pouvoirs publics qui doivent guider la réduction drastique de l’usage des pesticides jusqu’à leur sortie à terme.
S’il existe déjà un plan national appelé Ecophyto lancé en 2009 pour réduire l’usage des pesticides de synthèse, à ce jour, leur usage a augmenté en France de 12% entre la période 2009-2011 et 2014-2017…
Aussi, il est urgent pour les pouvoirs publics :
● D’inscrire dans une loi la sortie du glyphosate en 2020 et tenir les engagements du président Macron, en écho à l’inquiétude grandissante de la population
● Ensuite, de mettre les moyens financiers et techniques nécessaires pour accompagner les agriculteurs pour qui le changement est parfois complexe. C’est à cette condition que les objectifs du plan Ecophyto pourront être atteints… puis dépassés ! La PAC a pour cela un rôle central.
Comme le dit l’INRA sur les produits à base de glyphosate et c’est valable pour tous les pesticides de synthèse : y renoncer « passe et passera par des changements profonds » qui conduiront à modifier les systèmes de production et l’organisation économique des fermes. Le gouvernement a le pouvoir d’impulser ce changement devenu indispensable. Les enjeux économiques, humains et environnementaux sont immenses.
Sources
(1) Caspar A. Hallmann et al. 2017
(2) programme Alarm, 2006-2009
(3) Kiljanek et al. 2017
(4) Publiée par la revue Nature Communications et signée par sept chercheurs du centre pour l’écologie et l’hydrologie de Wallingford et de Fera Science Limited
(5) Pesticides : les effets sur la santé. Inserm, expertise collective, 2013. https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/pesticides-effets-sur-sante
(6) Bee pollination outperforms pesticides for oilseed crop production and profitability. Rui Catarino, Vincent Bretagnolle, Thomas Perrot, Fabien Vialloux & Sabrina Gaba, Proceedings of the Royal Society London B - 9 octobre 2019https://doi.org/10.1098/rspb.2019.1550
(7) http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Pollinisation-abeilles-rentabilite-colza
L'article vous a été utile pour mieux comprendre cette actualité ?
Pour approfondir le sujet