Emmanuel Macron s'est rendu jeudi 10 février à Belfort sur le site de Général Electric, pour le rachat par EDF de sa branche turbines Arabelle. Parmi les différentes annonces sur l'énergie : la construction d'au moins six nouveaux réacteurs EPR d'ici 2050... Pourquoi miser sur la construction de ces EPR ne garantit pas l’avenir énergétique et climatique de la France ? Point de vue d’Alain Grandjean, économiste et Président de la FNH.
Les politiques publiques et les investissements énergétiques qui seront menés au cours des prochaines années nous engageront pour 100 ans. Ils posent des risques financiers, industriels, budgétaires, d’organisation du territoire, qui toucheront nos enfants et nos petits-enfants.
La moindre des choses serait donc que l’on prenne le temps d’en débattre démocratiquement. C’est d’ailleurs la recommandation de la Commission nationale du débat public, organisme d'État dont le métier est d’organiser des débats entre citoyens sur les choix politiques, de manière transparente et participative. Un bon moment pour organiser ce débat serait au second semestre 2022, une fois les tensions de la campagne présidentielle passées.
En outre, une décision politique favorable à la relance du nucléaire prise en 2022-2023, et au-delà de ces choix collectifs et des incertitudes associées, soulève deux points majeurs.
D’abord en termes de garantie d’efficacité. Il paraît évident qu’avant d’engager des dizaines et des dizaines de milliards d’euros d’argent public dans de nouveaux réacteurs de type EPR, la filière nucléaire française devrait démontrer que ces réacteurs fonctionnent. Or aujourd’hui, aucun EPR ne fonctionne en Europe. L’EPR de Flamanville, qui n’a toujours pas été mis en service, a 11 ans de retard et coûtera 4 fois plus cher que prévu, sans compter les frais de financement. C’est aussi le cas pour un réacteur finlandais. Dans l’unique centrale EPR en fonctionnement dans le monde, en Chine, un réacteur vient d’être arrêté pour cause de fuites radioactives…
Ensuite en termes de temporalité : les premiers EPR ne pourraient pas être mis en service avant la fin des années 2030, c’est-à-dire après trois élections présidentielles.
Par conséquent, tout nouvel EPR ne produira sans doute pas d’électricité avant 2040… alors que l’urgence est de garantir notre sécurité énergétique tout visant la décarbonation. D’ici là, la priorité absolue est donc à l’accélération des énergies renouvelables, clé de voûte de la décarbonation de l’électricité, et à l’amplification des indispensables économies d’énergie, avec en toile de fond l’atteinte de nos engagements européens à l’horizon 2030 dans le cadre de l’initiative Fit for 55 de la Commission européenne.
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