Les zones humides, dont les bienfaits sont largement méconnus, sont des habitats naturels particulièrement menacés. Portée par le Conservatoire d’Espaces Naturels Nouvelle-Aquitaine, la restauration des Landes humides de Bord, à La Celle-Dunoise dans le Nord de la Creuse est l’exemple même de la reconquête de ces terres d’eau et de la préservation d’un écosystème exceptionnellement riche. La réouverture de ces milieux délaissés donne en plus aux jeunes éleveurs manquant de pâtures pour leurs moutons l’opportunité de développer leur activité.
Les zones humides : de précieux alliés à reconquérir
Depuis la révolution industrielle, l’évolution des pratiques agricoles a considérablement modifiée les paysages. Les terres difficiles à travailler ont payé le plus lourd tribut et ont été progressivement délaissées. Cette déprise agricole a drastiquement réduit les surfaces de landes, de tourbières et de prairies humides, autant de biotopes pourtant capitaux à bien des égards qui étaient en partie maintenus par des activités agricoles.
Les multiples bénéfices et services des zones humides
Elles constituent un biotope exceptionnel qui abrite une biodiversité riche et variée. Pour exemple, Les Landes de Bord sont le dortoir hivernal du Busard Saint Martin (Cyrcus cyaneus) et leur maintien en milieu ouvert lui assure un habitat favorable.
Véritables puits de carbone, les zones humides atténuent les effets du changement climatique et protègent contre les aléas naturels : en agissant comme de véritables éponges, elles évitent les inondations et diminuent l’intensité des crues, régulent la pollution et filtrent naturellement l’eau douce par phyto-épuration. Ainsi gorgée d’humidité, la lande devient une précieuse réserve d’eau qu’elle restitue en période sèche, notamment l’été, une saison de plus en plus souvent synonyme de stress hydrique.
Forte de ses atouts, il existe une réelle opportunité de faire de ces terres d’eau, des zones de ressources et de soutien à l’agriculture.
Le rétablissement des Landes humides de Bord, un projet phare du CEN Nouvelle Aquitaine
Restaurer les Landes Humides de Bord pour endiguer la fermeture des milieux ouverts
Là où il y a encore une cinquantaine d’années, le Limousin offrait majoritairement un paysage de bocages, de pâturages et de zones humides, le couvert forestier a gagné du terrain et fermé les espaces. Le célèbre Plateau de Millevaches en est une parfaite illustration : couvert de landes il y a 100 ans, le site est aujourd’hui à 85% forestier. Des landes qui étaient également encore bien présentes il y a 70 ans sur la Creuse et notamment sur le site des Landes de Bord.
L’important travail de terrain de l’association CEN Nouvelle-Aquitaine
Sur les 45 hectares qui constituent le site des Landes de Bord, le CEN est aujourd’hui propriétaire de 15 hectares. Julien Jemin, Chargé de mission Animation foncière & territoriale CTMA Creuse Aval, rapporte l’important travail de démarchage auprès des très nombreux propriétaires privés afin de les inciter à vendre ou à signer des conventions autorisant la restauration de leurs parcelles en zones humides.
Des travaux de restauration qui durent depuis 4 ans
Broyer les accrus forestiers fut, en 2018, le premier gros ouvrage mené par le CEN Nouvelle-Aquitaine pour rouvrir ces landes autrefois pâturées par des ovins. Cela ne suffit pas toujours et il est parfois nécessaire de mener des travaux de restauration plus lourds pour réussir à retrouver ces landes. Le Conservatoire a donc eu recours à de l’étrépage sur certaines parcelles : une opération consistant à retirer 10 à 15 centimètres de terre afin de casser les rhizomes des fougères aigles envahissantes et permettre aux autres graines de s’exprimer.
En 2020, le CEN Nouvelle-Aquitaine a fait appel à une entreprise disposant d’un véhicule équipé de pneus basse pression avec un broyeur à l’avant et un ramasseur à l’arrière (AEBI de CIRADE environnement) : un moyen efficace d’exporter le broyât, une précieuse matière organique qui, mélangée à du fumier, devient un amendement naturel à usage agricole.
L’entretien pour favoriser le développement des plantes landicoles se poursuit depuis grâce à la participation ponctuelle de bénévoles pour traiter les zones situées au cœur de ce site en forme d’éventail où subsistent des poches de bourdaines et de fougères envahissantes. L’occasion pour les bénévoles s’inscrivant sur j’agis pour la nature.org de donner du sécateur ! Loin de vouloir faire de ces espaces naturels des sanctuaires sous cloche, la réouverture et l’aménagement végétalisé d’un chemin communal permet aux riverains de découvrir un milieu aussi remarquable que singulier et de comprendre l’intérêt de préserver le milieu. Par ailleurs le retour à la pâture des ovins permet d’entretenir les parcelles tout en fournissant à ces derniers un complément de fourrage. Pour les plus âgés c’est bien souvent aussi la joie de renouer avec les paysages de leur jeunesse
De nouvelles zones de pâturage : une aubaine pour les ovins
Plus rentable, l’élevage bovin avait largement supplanté le traditionnel élevage ovin dans le paysage Limousin. Avec la réouverture de parcelles de pâturage au sein des Landes de Bord, les moutons ont repris du « poil de la laine ». Le Conservatoire n’est pas une structure à vocation agricole, aussi il développe des partenariats avec les agriculteurs pour maintenir ces milieux ouverts en leur mettant à disposition certaines parcelles. Pour preuve : cet éleveur qui s’est reconverti à 53 ans et va pouvoir faire pâturer sa cinquantaine de brebis au sein des Landes de Bord sur les terrains du CEN et des propriétaires intéressés.
Un double avantage donc : d’une part pour les jeunes souhaitant s’installer, notamment en bio, mais qui manquent de terres et de fourrage et d’autre part pour le maintien de la lande en milieu ouvert et la protection de sa biodiversité. La démonstration que l’écologie peut être au centre d’un projet de territoire et faire se rencontrer agriculture, économie, paysage et tourisme.
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