Vous roulez à l'essence ou au diesel, vous vous chauffez au gaz ou au fioul ? Depuis quelques années, vous avez commencé à payer ce que l'on appelle la taxe carbone. Elle est invisible, n'apparaît nulle part sur vos tickets de caisse mais elle est bien là et augmente chaque année. Quelle est son rôle ? A combien s'élèvent les montants récoltés ? Et à quoi sert cet argent ? A l'heure où des voix s'élèvent pour demander une pause des taxes sur les carburants, la FNH fait le point. Et si l'injustice était ailleurs…
La taxe carbone, une taxe comme les autres.
Contrairement à la TVA, la taxe carbone n'est pas construite pour durer, mais pour faire disparaître un danger : les émissions de CO2 à l'origine du changement climatique. Elle a pour objectif premier de donner " enfin " un prix aux dégâts climatiques et environnementaux causés par les émissions de gaz à effet de serre dont l'origine sont les activités humaines : transport, agriculture, gaspillage énergétique... Mise en place en 2014 et intégrée au calcul des taxes sur les carburants fossiles et gaz naturel, la taxe augmente d'année en année pour se rapprocher du vrai prix du carbone et ainsi encourager les consommateurs et les PME à changer leurs équipements ou leurs pratiques. En 2017, pour renforcer son effet incitatif, le législateur français a fixé un calendrier prévisionnel de la hausse jusqu'en 2022, auquel il a ajouté celui du rattrapage du prix du diesel - si nocif pour la santé- sur celui de l'essence. Le message envoyé est simple : il faut en finir avec les énergies fossiles.
Quel lien entre taxe carbone et hausse du prix des carburants ?
Depuis 2017, la hausse du prix des carburants a marqué les esprits et les portefeuilles. Mais si la hausse du prix du carbone y a participé, c'est au plus pour un tiers de la hausse ressentie. L'essentiel étant lié au prix de la matière première.
Ainsi, entre juillet 2017 et juin 2018 (1), le gasoil est passé d'environ 1,18 euro/litre à 1,46 euro/litre, la hausse du prix du pétrole (prix du baril + TVA) représentant 19 cts/litre. La hausse de la taxe carbone et du rattrapage du prix du diesel sur celui de l'essence fut, au 1er janvier, de 8 cts/litre. Pour l'essence (ici le sans-plomb 95) la hausse s'élève à 20cts/litre en moyenne sur un an, dont 15 cts liés à l'augmentation du prix du baril et 4 cts à la hausse de la taxe carbone.
Pourquoi faire une pause de la taxe carbone serait une grave erreur ?
Des voix s'élèvent pour demander une pause des taxes sur le carburant, dont la taxe carbone. Revenir sur le calendrier de hausse du prix du carbone, même pour faire une pause, remettrait en cause l'efficacité de la taxe carbone. Pourquoi ?
Parce que si le prix du carbone stagne ou diminue, c'est tout l'effet incitatif qui est réduit en miette : les citoyens comme les entreprises ne seront pas orientés dans leurs choix ou leurs investissements vers des produits faibles en " contenu carbone " c'est-à-dire dont la production n'engendre pas ou peu de gaz à effet de serre. Et de fait, on sera très loin d'atteindre les objectifs fixés par l'Accord de Paris…
Pas tous égaux devant la taxe carbone.
L'impact sur le porte-monnaie des consommateurs n'est pas le même en fonction de là où l'on habite et de comment l'on se chauffe. Les foyers vivant en zone rurale ou périurbaine, et faisant de gros trajet maison-travail en voiture, pourraient voir leur facture augmenter de 272 euros entre 2017 et 2022 (uniquement sur le prix du carbone). Si ces foyers se chauffent en plus au fioul, la note pourrait alors atteindre 576 euros de plus par an. Ramenée à des revenus moyens ou faibles, la hausse appelle des mesures d'accompagnement. Aujourd'hui elles sont clairement insuffisantes.
D'autre part, tout le monde ne paye pas cette taxe. Certains secteurs pourtant très polluants sont exemptés. C'est notamment le cas pour le transport de marchandises sur route et sur mer, et le transport aérien. Il y a là une injustice grandissante à mesure que l'écart sur le prix payé augmente.
Enfin l'ultime injustice concerne l'argent que l'État perçoit. Depuis toujours la FNH lie la hausse du prix du carbone à la question de l'utilisation des recettes fiscales générées. Le problème est que sur ce point, l'actuel gouvernement fait la sourde oreille au risque de diviser les Français sur le sujet.
Pour une concertation nationale sur l'utilisation des recettes de la taxe carbone.
La hausse du prix du carbone rapporte de plus en plus d'argent à l'État et il est légitime que ces sommes aillent renforcer l'accompagnement des ménages et des entreprises ou financer de nouveaux investissements pour la transition écologique. Ainsi, la FNH se mobilise depuis des mois pour demander une concertation nationale sur le sujet.
En 2018, la taxe carbone devrait rapporter 3,8 milliards d'euros de plus qu'en 2017. En 2019, elle pourrait rapporter 2,8 milliards de plus qu'en 2018. Et ainsi de suite, de 2 milliards en 2 milliards. Pourtant, en parallèle, le budget du ministère de la Transition écologique et solidaire augmente faiblement, 230 millions en 2019.
Alors à quoi servent ces recettes nouvelles ? Que faudrait-il faire avec ? Comment aider au maximum les ménages et les entreprises à se libérer des énergies fossiles ? A ne pas vouloir répondre à ces questions, le gouvernement crée les conditions d'un affaiblissement du soutien à la transition écologique. Bien loin du sursaut appelé de ses vœux par Nicolas Hulot lors de sa démission.
(1) Chiffres moyens issus du site https://carbu.com/france/index.php/prixmoyens
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